lun.
13
nov.
2023
A partir de 80 ans, on accumule les catastrophes : deuils, chutes, maladies diverses, c’est le défilé des médecins, des séjours en cliniques, des scanners et autres tortures techniques, on voit partout des vieillards marchant avec des cannes, simples ou doubles, quelle tristesse mon Dieu, la belle vie est finie, les mets fins des restaurants sont remplacés par le régime cruel du diabète, plus de vin, plus de desserts, et bientôt le cimetière.
Le vieillard malade fait le vide autour de lui.
Le vieillard est un édifice en ruines.
Peu d’amis résistent, les amitiés se défont en silence, on ne se montre plus, on refuse les comparaisons physiques, les récits de mauvaise santé, on envie les vieux qui marchent sans problème, qui roulent à bicyclette.
Ce sont les femmes qui gagnent le concours de la vieillesse, de loin.
Une cousine, veuve et âgée, a attendu longtemps pour satisfaire aux critères médicaux d’une opération au foie. La chirurgie fut un succès, mais six mois plus tard, la cousine mourut seule un soir devant sa TV. La mort n’aime pas attendre.
Un Cercle à Bruxelles, ancien et élégant, chic et composé d’un millier d’hommes mûrs ou âgés, hommes d’affaires, ambassadeurs, politiciens, des écrivains, des artistes, et même des prêtres, est le parfait lieu de réunion pour retrouver des amis et s’en faire de nouveaux.
Le vieillard malade renonce à s’y montrer. Espérant guérir, il se contente de payer sa cotisation annuelle.
La période actuelle avec un Covid qui a duré 3 ans, suivi de deux guerres, celle d’Ukraine et l’autre, celle d’Israël contre le Hamas terroriste, a fait monter le niveau d’anxiété. Trop, c’est trop. Peut-on rire encore ? Se divertir au théâtre ? Manger au restaurant ? Tout proclame la fin prochaine de notre civilisation. La mort n’a plus fauché, depuis longtemps, autant de vies. Pauvres innocents !
Il est temps que Dieu créateur de l’univers visible et invisible, à la puissance infinie, fasse le grand nettoyage sur la Terre et ramène les survivants à la raison.
Certains couples, bénis sans doute, ont une descendance très nombreuse. Partout des bébés sur les cartes de vœux qu’on m’adresse pour les fêtes de fin d’année. Moi, j’ai Lola, mon lévrier whippet, âgée de 11 ans, et d’une beauté telle que tous ceux qui la voient, s’agenouillent. Mais je n’envoie pas sa photo comme vœux de Nouvel An.
Je suis passionné par la vision des programmes de la chaîne TV française LCI qui, à longueur de journées et de soirées, commentent les détails des deux épouvantables guerres qui annoncent la future Troisième Guerre mondiale. Pauvres de nous, témoins de l’Apocalypse qui ne nous ratera pas. Les Juifs sont à nouveau participants en première ligne et sacrifiés comme chaque fois.
« Personne n’aime personne » ( Montherlant).
C’est vrai par période. Mais n’exagérons pas. IL y a des saints aussi.
Beaucoup de choses sont inutiles. On s’encombre durant une vie qui passe trop vite, et à la veille de la mort, on est cerné par le trop-plein.
J’ai beaucoup travaillé durant les 35 ans de ma vie professionnelle. Ces années ont passé très vite. Je n’ai pas aimé cette période même si les postes occupés étaient très intéressants.
Le travail permet de vivre financièrement, mais vous prive de liberté, car on est toujours le subordonné d’un supérieur. Malheur à celui qui a un supérieur qui ne l’aime pas.
Le stress est une horreur de ce monde fou. On déconstruit, on déshumanise. Les âmes sont mortes.
Pour vivre vieux, il faut lire LE FIGARO. La page de la nécrologie de ce journal, sur quatre colonnes chaque jour, annonce les décès d’hommes et de femmes, et la plupart meurent à plus de 90 ans. Très étonnant ! Et il y a, de plus en plus, des défunts centenaires ! Les veinards !
Albin Michel publie en novembre 2023 un livre tout à fait remarquable qui est Le Journal de Sandor Marai, le grand écrivain hongrois décédé en 1989, à l’âge de 89 ans, après s’être tiré une balle de revolver dans la bouche, comme Montherlant qu’il admirait.
Je ne résiste pas à citer quelques textes de ce Journal de 550 pages passionnantes à lire :
22 mai 1968 : La spontanéité avec laquelle les évènements français ont éclaté ne s’explique par rien d’autre que par l’érosion grandissante du pouvoir de De Gaulle : la magie s’est éteinte et, quoi qu’il fasse, sa parole n’a plus de force. Cette perte n’existe pas seulement en politique. Cette érosion atmosphérique règne aussi autour des écrivains, des créateurs intellectuels ; l’effet magique peut disparaitre autour d’une forme d’art ou d’une personne… Dans ces moments-là, il faut se retirer pendant quelques années ou un millénaire, et alors, parfois, la batterie magique se sera rechargée.
1er janvier 1969 : Entre les deux pôles, la naissance et la mort, la conscience est le labyrinthe humain auquel on ne peut échapper. (L’angoisse pourrait être causée aussi par le fait que, en réalité, on ne veut pas quitter ce labyrinthe, par crainte de ce qui nous attend de l’autre côté si on le quitte.) Le fil d’Ariane ne saurait être rien d’autre que la joie, qui nous réconcilie avec la mort.
10 novembre 1970 : Exit De Gaulle. Il est mort avec talent au sein d’une tranquillité petite-bourgeoise, loin des affaires. Il a su attendre. Il savait être inhumain, cyniquement, avec arrogance, sans pitié. C’était un parvenu ; il avait mis en avant la grandeur, et les Français n’avaient pas su résister à la tentation mais en même temps ils l’observaient avec méfiance parce qu’ils se disaient qu’il n’était pas lui-même si grand que cela mais seulement de grande taille. Il ne voyait pas la Réalité à force de se regarder lui-même. Louis XIV s’en était tiré en déclarant : « L’Etat, c’est moi. » De Gaulle disait encore mieux en déclarant que lui, De Gaulle, était la France. Du temps où De Gaulle était exilé à Londres, Murphy, un diplomate américain, avait entendu le couple de Gaulle se disputer dans la petite pension et la femme crier à son mari : « Charles, tu n’es pas la France ! » (…)
Enterrement symbolique à Notre-Dame, en présence de quatre-vingts chefs d’Etat et de Premiers ministres ; seul le cadavre manquait, qui, avec dédain, n’a pas assisté à ses propres funérailles en restant dans son village. Quel fut le secret de De Gaulle ? Il savait dire non avec consistance. Comme s’il avait pris pour lui les paroles de Goethe : « Si quelqu’un sait dire non avec consistance, cela finira par lui donner le pouvoir. » Tout ce à quoi il disait oui n’était que brume et fumée. Il parlait de lui-même à la troisième personne ; il était le seul auquel il disait oui.
1971 : L . et moi…, c’est comme si nous étions assis dans un avion en chute libre, irrémédiable, et qu’il n’y ait plus rien à dire, que cela ne vaudrait plus la peine de se défendre, et que dans quelques minutes ou un peu plus tard, l’appareil toucherait terre. Que fait-on en pareil cas ? La chute est certaine, c’est la fin du voyage. Il faut espérer que nous tomberons tous les deux ensemble sur une surface dure et que l’un ne survivra pas à l’autre une seule seconde.
(L : c’est Lola son épouse.)
3 septembre 1971 : A la bibliothèque française, je feuillette un livre de Colette. Une phrase : « Soit l’amour, soit la vie conjugale. » Formulation précise, que seule une femme française pouvait énoncer.
Janvier 1972 : La mort ne vient pas de l’extérieur, elle ne sonne pas à la porte, elle n’écrit pas de lettres, elle ne téléphone pas non plus : la mort est en nous, absolument. Un jour nous la trouvons là, comme un objet que l’on aurait oublié dans une poche de manteau.
1972 : A l’âge de soixante-douze ans, tous les matins je me prépare au concours quotidien pour survivre et arriver triomphalement au but à la fin de la journée, c’est-à-dire à mon lit et à me coucher en vie. La vieillesse, avec des os délabrés qui craquent, des artères déchirées, des poumons haletants, est une course, une acrobatie, un but à atteindre – mais quel but ? Encore une journée ? Non. La mort.
Sandor Marai
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mar.
10
oct.
2023
Un ange de douleur, la neuropathie ou polynévrite sensitive, s’est couché sur mon corps. Sans prévenir. Sans rien me dire. Depuis, je souffre et me pose des questions aux multiples réponses. Les mois ont passé, la vieillesse est venue, plus cruelle encore.
Je demande à Dieu, à la Trinité sainte, à la Vierge très pure, mère de Dieu, mère de Jésus le Christ Rédempteur, de m’aider dans cette période intense et rare, que je n’ai jamais de comparable connue.
Les savants disent, il n’y a pas de remèdes, il faut prendre de la vitamine B. C’est la litanie de ces vitamines B1, B2, B6, B12. Je dois attendre encore avant de recevoir d’autres explications, d’autres conseils.
« Il faut marcher, beaucoup marcher » disent-ils. J’obéis avec ma canne et mon chien. Mais une promenade de vingt minutes autrefois me prend maintenant trois quarts d’heure, et je suis bien content d’y parvenir, car avant les conclusions des derniers médecins, mes promenades douloureuses étaient raccourcies.
Moi, qui durant 80 ans, n’ai jamais connu de cliniques avec leurs appareils impressionnants, leurs scanners et autres modernités soignantes que manipulent des techniciens, j’ai, en deux semaines, vu le spectacle des malades ou patients, qui se perdent dans les dédales des hôpitaux, qui sont renvoyés d’un service à l’autre, avant d’ouvrir la bonne porte et de parler au spécialiste de leur douleur.
Il est évident que je pense à la mort même si, jusqu’à présent, on ne me l’annonce pas proche. Il y a beaucoup de silence dans le dialogue médical.
Il y a celui qui sait face à celui qui n’a pas le code pour comprendre les termes médicaux et les résultats de l’analyse de sang décryptés par les laboratoires.
Tous les gestes médicaux posés sur le corps ne sont pas nécessairement annoncés, ni expliqués. Je préfère fermer les yeux, en état de self défense, espérant, quoique sans illusion, car il n’y a pas de joie dans ces rencontres.
Il ne fait pas très chaud dans les couloirs.
Il faut rester poli, répondre à toutes les questions.
La profession médicale a un statut très élevé dans l’échelle des activités humaines car chacun, tôt ou tard, rencontrera un ou des docteur dans l’espoir d’une guérison. Mais si le choix est libre, le patient ignore souvent tout au sujet des spécialistes et de sa maladie.
Le patient patiente et doit rester poli.
Certains médecins admirables consacrent beaucoup de temps à votre cas, mais vous dit-il la vérité ? Se confier à lui est facile, mais lui faire confiance n’est pas automatique. Le doute fait partie du dialogue. Certains vont voir un grand nombre de médecins avant de trouver celui qui les guérira. Miracle. Mais si la guérison n’arrive pas, la vie s’assombrit et ne trouve d’autre choix que la résignation si on garde assez de forces.
Dans le couloir de la clinique, un couple sort d’un cabinet médical. Le mari est affligé de deux béquilles, il avance très lentement le corps tordu comme si ses jambes étaient très abîmées. J’entends le médecin dire à l’épouse : « Il faut qu’il bouge. Il doit marcher davantage. »
Il y a de moins en moins de généralistes. Les médecins sont devenus des spécialistes, chacun d’une seule partie du corps. Ils sont diplômés à la fin de longues années d’études pour ce morceau de votre précieux corps : la main, les poumons, l’estomac, le cœur, la circulation du sang, les nerfs, le cerveau, etc. Mais si votre corps ressent des douleurs un peu partout, il faudra se rendre tour à tour chez chaque spécialiste d’un des organes supposés malades. Le dermatologue ne se prononcera pas au sujet de l’état du cœur du patient. Si nécessaire, il l’enverra chez le cardiologue, multiples rendez-vous, consultations, échographies et radiographies, et attendre les avis de chaque spécialiste après les consultations pour obtenir enfin une synthèse basée sur le parcours effectué. Il s’agit de fermer des portes, et de patienter entre chaque rendez-vous en espérant survivre au temps qui passe.
Le monde médical est très fermé, composé d’initiés, dans lequel entre le patient terrorisé. Sera-t-il écouté ? Entendu ? Aimé ?
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mer.
30
août
2023
(On pourra lire ici la suite et la fin de la nouvelle Le Comte de Lorgeron, soit les chapitres 7,et 8. Les précédents chapitres sont 1 et 2, dans les Carnets de mai 2023 ; 3 et 4, dans les Carnets de juin 2023 ; et les chapitres 5 et 6 dans les Carnets de juillet 2023).
Les personnages et les situations de cette nouvelle Le Comte de Lorgeron, étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite.
Chapitre 7
Une semaine s’était écoulée depuis la soirée où Douglas avait été obligé de rendre des comptes. Le docteur Lançot n’avait pas donné de détails à Martine au sujet de l’attitude de la famille de Kalia quand il était venu ramener leur fille. Martine n’avait pas insisté mais la discrétion du docteur l’inquiétait. Pourquoi n’avait-il pas donné plus d’explications ?
Douglas avait promis à la baronne de ne plus revoir la jeune fille. Il ne voulait pas perdre la confiance de ses maîtres à qui il réitérait un entier dévouement.
Le baron devenait nerveux car, à chaque émission télévisée, les actes de vandalisme et les incendies devenaient plus nombreux dans les villes belges où, chaque nuit, des autos et des immeubles brûlaient, des vitrines éclataient sous les coups de masse, les sirènes d’alarme se déclenchaient de tous côtés, les rues dans certains quartiers ressemblaient à un champ de ruines avec des maisons calcinées ou abandonnées. Les policiers épuisés étaient maintenant secondés par des pelotons militaires composés de jeunes volontaires inexpérimentés. Bruxelles était quadrillée par des barrages sur tous les axes qui menaient vers les quartiers riches particulièrement touchés. Des habitants avaient cloué des volets de bois à leurs fenêtres et vivaient derrière ces barricades improvisées. Les commerces ne s’ouvraient qu’à des heures annoncées par les administrations et sous la protection de l’armée, pour les réapprovisionnements, la distribution des denrées essentielles et des bidons d’eau.
Les compagnies d’électricité, d’eau et du gaz fonctionnaient malgré de fréquentes interruptions.
Dans la capitale, les artères de la rue de la Loi, de la rue Belliard, de l’avenue Louise, de l’avenue Franklin Roosevelt, de la chaussée de Waterloo, dirigées vers les deux Woluwe, Boitsfort et Uccle, étaient gardées jour et nuit par des soldats en armes debout devant des barbelés. A Uccle, il y avait eu des villas incendiées. Malgré toutes les protections, l’ambassade d’Israël avenue de l’Observatoire n’était plus que ruines, après le massacre des quatre gendarmes qui la gardaient, laissant le champ libre à une centaine de manifestants qui incendièrent le bâtiment après un pillage à tous les étages et l’égorgement de cinq diplomates qui n’avaient pas eu le temps de fuir. Des fusillades avaient éclaté plus tard, mais trop tard, entre les assaillants et un escadron de gendarmes. Résultat : plusieurs morts et plusieurs blessés de part et d’autre et hurlements diplomatiques !
Dans certaines rues, une odeur de brûlé stagnait en permanence. Les habitants avaient créé des petits groupes armés de fusils, de bêches, de piques et de gourdins pour protéger leur quartier.
Sur la ligne de TGV Bruxelles-Paris, des sabotages avaient été signalés.
Les pompiers étaient exposés car ils essuyaient les tirs de fanatiques qui se déplaçaient rapides à moto et toujours la nuit.
Une guerre avait lieu en Belgique. Les coups d’Etat déclenchés il y a quelques mois en Afrique, avaient allumé dans le monde la mèche d’une immense poudrière, et tout explosait partout. Trop tard maintenant. Impossible à maîtriser.
Cette fois-ci, c’était clair. Chacun devait se défendre par tous les moyens pour sauver sa peau, car l’Etat belge ne répondait plus, pareil à un grand navire qui, sans gouvernail et privé de capitaine, d’officiers et de marins, fonce à toutes voiles, droit vers la côte où les naufrageurs l’attendent pour le mettre en pièces.
Le Gouvernement avait exigé du Roi qu’il s’installe avec sa famille dans son château de C…, protégé par des blindés et par des hommes de troupe qui avaient comme consigne de tirer sans sommation sur tout individu suspect.
Nul homme ou femme politique n’était assez fort et intelligent pour prendre les rênes du pouvoir et remettre de l’ordre dans la pagaille. Dans la rue de la Régence, les musées d’art ancien et d’art moderne avaient été saccagés, des tableaux des primitifs flamands gisaient détruits sur le bitume sur lequel roulaient les voitures.
Les piétons qui se risquaient en rue étaient harcelés par des jeunes qui criaient à dix centimètres de leur visage.
Enfin, ceci qui fit la première page de tous les journaux du monde : la cathédrale Saint Michel et Gudule, près de la Grand-Place à Bruxelles, fut envahie par des révolutionnaires lors d’un office nocturne du nouveau cardinal qui avait réuni une centaine de fidèles afin de prier pour la paix civile. Les fanatiques ne firent pas de quartier, bloquant les portes, les entrées et les sorties, et ils égorgèrent un par un, dans un désordre indescriptible et des cris affreux, tous les fidèles, hommes, femmes et enfants, sans oublier les prêtres et le cardinal, incapables de s’enfuir.
Quand les secours arrivèrent, ils constatèrent le massacre. Cent dix morts, ni plus ni moins. Aucun survivant. Et les agresseurs disparus.
La tuerie de la cathédrale avait obligé le baron de la Maille à prendre en urgence des mesures pour se protéger. Il avait demandé à son garde-chasse Joseph de réunir quelques fils de fermiers, de toute confiance, - certains étaient traqueurs lors des chasses et connaissaient très bien le parc - afin de former une garde rapprochée autour du château jour et nuit. Le baron payait une prime journalière. Dix jeunes hommes acceptèrent d’effectuer des rondes la nuit autour des bâtiments. Le baron avait mis à la disposition de ces fidèles les chambres et les lits du troisième étage – celui où logeait la cuisinière Emilia - et leur procura des fusils et des revolvers qu’il avait gardés dans ses caves. Les cartouches étaient nombreuses, rangées dans plusieurs caisses.
René de La Maille avait appris qu’une bande avait incendié, la veille, le château de Sansoucy occupé par sa cousine Caroline, comtesse du Dour, âgée de quatre-vingts ans, qui vivait avec une fille handicapée et une vieille parente, dame de compagnie.
Au moment de l’attaque, elles ne purent appeler les secours et périrent toutes les trois dans le brasier.
Le danger se rapprochait car Sansoucy était à côté de Botton.
René de La Maille fit le point avec le comte de Lorgeron et Martine dans le salon après le dîner du soir.
Si la nourriture commençait à être rationnée à l’extérieur, car beaucoup de magasins à Namur, Dinant et dans certains villages n’étaient plus approvisionnés, ils avaient dans le château une cave avec d’importantes provisions : farine, sucre, sel, biscuits, viandes fumées, bouteilles d’eau et bacs de bière, fruits secs, jus de fruits, conserves nombreuses et dans le fruitier d’importantes quantités de pommes et de poires cueillies dans les vergers en septembre. Et une cave à vin avec un millier de bouteilles des meilleurs crus.
Le baron ne craignait pas d’être affamé. Emilia était une excellente boulangère. Il y avait des poules nombreuses dans la ferme proche du château. Le bétail élevé sur les terres lui procurerait la viande, s’il le demandait à ses fermiers.
Installés dans le fumoir, après le dîner servi par Douglas en livrée, le baron, sa femme et le comte de Lorgeron eurent une grave conversation.
- Mon cousin, avec tout ce qu’il se passe actuellement, ne pensez-vous pas que ce fut une erreur pour vous, par notre faute, d’arriver en Belgique ? dit La Maille au comte.
- Pas du tout. Vous n’êtes en rien responsable. Si Paris actuellement ne bouge pas encore, cela ne saurait tarder. Je suis désolé d’être une charge pour vous dans ces circonstances.
- Non, dit Martine, il est agréable de vous avoir avec nous dans cette horrible période.
- Que comptez-vous faire, dit le comte à René de La Maille. Vous ne songez pas à quitter Villiers ?
- Oui, j’y pensais, mais Martine ne m’y encourage pas. Cependant l’incendie du château de Sansoucy et la mort de la comtesse du Dour près de chez nous est un terrible avertissement.
- Que vous a dit la police ? répondit le comte.
- Mais nous ne recevons aucune instruction. C’est du chacun pour soi. Hier la gare de Namur a été saccagée. Vous comprenez que cette police ne peut être présente en tous lieux jour et nuit.
- Où iriez-vous si vous quittez Villiers ? dit le comte.
- Je pensais partir au Danemark où j’ai un ami, le comte Knud Vengensen. Il habite sur la côte du Jutland à Thisted. Je lui ai téléphoné ce matin. Il accepte de nous accueillir sans délai et sans conditions. Nous nous entendons très bien. Il fut le témoin de mon mariage à Brasschaat. Son château est vaste. Il vit avec sa mère âgée. Ils ont du personnel, des chiens et des chevaux. Il collectionne les tableaux et aime beaucoup la musique du XVIIIème siècle. Il est bien introduit au Palais de Copenhagen. Bref, ce serait une porte de sortie si cela s’aggrave ici.
- Je suis d’accord avec toi, dit Martine. Le problème est que nous avons Emilia et Douglas qui logent au château. Je ne leur ai pas parlé encore de ta proposition. Les laisser seuls serait plein de risques pour eux. Emilia n’a plus de famille, où irait-elle ? Et Douglas est ciblé certainement par la famille de Kalia. Au fait que devient-elle ?
- Si vous quittez Villiers, dit le comte à René de La Maille, vous acceptez de tout perdre ici, car le château abandonné sera livré au pillage, et peut-être incendié comme à Sansoucy. Il n’est pas question de laisser Emilia ou Douglas seuls au château.
- J’en ai parlé à mon ami Vengensen. Il est prêt à accueillir tout le monde. Martine, Emilia, Douglas, vous et moi. Il m’a dit ; « On verra plus clair dans six mois ». Sachez qu’il est très riche et n’a aucun souci d’argent. Notre personnel travaillera avec le sien, et ce sera confortable pour eux.
- Vous abandonnez tous vos tableaux, votre mobilier, et vos souvenirs de famille ? dit le comte.
- Non, je prévois dans ce cas un petit camion de déménagement qui partira six heures avant nous. Il y a mille deux cents kilomètres d’ici à Thisted. Douglas accompagnera le chauffeur de ce camion. Martine quittera ensuite le château avec vous une heure plus tard dans votre Jaguar. Et moi je fermerai le ban en emportant Emilia dans ma Dodge.
- N’oubliez pas que je dois revoir mon fils prochainement, dit le comte.
-Nous écrirons à maître Pluvier et nous lui donnerons notre nouvelle adresse pour que votre fils vous retrouve dans le Jutland.
- Tout cela me paraît cohérent, ajouta Lorgeron. Je lierai mon sort au vôtre. Un souhait, cependant. Mon chien m’accompagnera et je pars avec le Degas dans le coffre de ma Jaguar.
- Vous aurez, si vous le désirez, vos tableaux dans le camion de déménagement, dit le baron de La Maille.
- Je pars avec notre cousin dans sa voiture ? interrogea Martine.
- Rassurez-vous ma chère, dit Lorgeron, le moteur de ma Jaguar tourne parfaitement. Vous et moi, nous nous relayerons au volant.
- Oui, dit le Baron à Martine, tu laisseras ta Renault dans le garage, sauf si tu ne le désires pas.
- J’accepte si c’est la meilleure solution, dit Martine.
Le comte lui baisa la main car il sentait qu’elle était triste de quitter Villiers.
- La chose qui m’inquiète est celle-ci, dit encore le baron de La Maille au comte de Lorgeron, nos véhicules seront très éloignés les uns des autres. Il est essentiel d’être munis de GSM pour communiquer. Dans le camion de déménagement, Douglas comme convoyeur disposera d’une carte routière. Ce camion de déménagement ne sera pas discret. Tant pis. Il transportera notre collection de Jordaens et de Van Dyck, vos tableaux et quelques meubles auxquels nous tenons beaucoup Martine et moi. Ce sera ensuite à Martine et à vous avec votre fox de quitter Villiers dans votre Jaguar. Puis une heure plus tard, Emilia et moi dans ma Dodge. Si un des trois véhicules est bloqué par un barrage, c’est la catastrophe car les deux autres ne pourront pas intervenir. Je propose de rejoindre l’autoroute le plus rapidement possible car les fanatiques n’osent pas encore y placer des barrages. Jusqu’au Jutland, nous resterons sur les autoroutes. D’ailleurs, une fois la frontière allemande passée, il n’y aura plus de risques car l’Allemagne et le Danemark sont encore paisibles et en ordre.
- René, dit Martine, il serait temps d’expliquer votre plan à Douglas et à Emilia avant qu’ils ne montent se coucher.
- Oui, dit le Baron qui partit chercher Douglas à l’office et Emilia à la cuisine.
Au moment où il quittait le fumoir, ils entendirent des cris et des huées dehors devant le château, suivis d’un bruit effroyable de vitres brisées dans le grand salon. Des ombres lançaient des pierres dans les fenêtres.
- C’est une intifada, se dit Lorgeron.
- Abritez-vous, cria René de La Maille. Eteignez les lampes. Il faut fermer les volets avant qu’ils entrent ici. Mon cousin, prenez un des deux Purdey que j’ai descendus tantôt. Il y a des cartouches. Postez-vous dans le vestiaire. N’allumez pas. Si quelqu’un tire, vous riposterez.
Martine s’était précipitée pour éteindre toutes les lampes, fâchée de n’avoir pas suivi à la lettre les conseils de la grand-mère de René, traumatisée par le meurtre de la marquise de Chasteleir abattue un soir dans son grand salon d’un coup de fusil tiré de l’extérieur. Cela s’était passé au dix-neuvième siècle. On peut être assassiné la nuit par tout rôdeur muni d’un fusil et qui passe sous vos fenêtres allumées.
Douglas, rapide comme un chat dans le noir, ferma les volets un par un. Il marchait sur les morceaux des vitres brisées et plaçait les lourdes barres de fer derrière les planches de bois pour les bloquer. Il avait vu des ombres courant devant le château avec des torches qui flambaient dans la nuit. Certains de ces inconnus criaient leur colère dans un langage incompréhensible.
- Je téléphone au garde-chasse pour qu’il vienne à notre secours, cria René de La Maille.
Il parvint à atteindre Joseph et lui expliqua que le château était attaqué.
- Martine, dit le baron, je monte dans notre chambre et je descends des armes.
Martine n’avait qu’une petite lampe veilleuse qui éclairait un cercle d’un mètre de diamètre dans le hall. Tous les volets étaient fermés et consolidés maintenant grâce à Douglas. Elle vit que la main du jeune homme saignait.
- C’est un morceau de verre accroché à un volet, dit Douglas.
Il emballait sa blessure d’un mouchoir. Il faisait froid à cause des vitres brisées.
- Ces gens sont fous, se dit-elle. Quelle haine !
René tendit à Martine un des fusils avec des cartouches.
- Place-toi dans le fumoir. N’allume pas. Il y a une petite meurtrière sur le côté près de la bibliothèque. Ouvre-la très lentement. Dans le noir, ils ne verront pas le canon de ton fusil si tu le sors un peu à l’extérieur de la meurtrière. Si tu entends un coup de feu provenant de leur groupe, tu réponds et tu tires les deux coups au-dessus des têtes. Ils verront que nous sommes armés. Je donne les mêmes instructions à Douglas et à notre cousin.
Le comte de Lorgeron était assis, fusil chargé, sur une petite chaise et il attendait calmement dans le vestiaire comme attend patiemment un chasseur que le maître de la chasse veuille bien sonner de la trompette pour avertir que la traque va commencer.
- Vive la Belgique ! Quel pays paisible ! Bonne chance, René, et comptez-sur moi, s’esclaffa le comte de Lorgeron.
René de La Maille lui donna une petite tape sur l’épaule, et lui dit : « Heureusement que vous êtes là ».
Ensuite, il se tourna vers Douglas : « Monte vite au premier étage dans la salle de bains, ouvre très doucement la fenêtre et attends avec ton fusil armé qu’il y ait un échange de coups de feu entre les agresseurs et le château avant de tirer à ton tour. Lance deux premiers coups vers le ciel pour les effrayer. S’ils répliquent, tu attends mes ordres. Voici une boîte de cartouches.
Le fusil de Douglas était un fusil belge des armureries Lebeau-Courally très connues, de Liège. Un superbe calibre 12 avec éjecteur juxtaposé système Anson & Deeley, avec canons en acier Leugram, à crochets rapportés, une bascule de forme arrondie à triple fermeture Purdey, et des gravures en forme de dentelles au-dessus des gâchettes. Arme somptueuse que Douglas chargea immédiatement. Tout cela l’excitait.
Ils entendirent la voix d’Emilia qui tâtonnait dans le hall obscur et qui disait : « Madame la baronne a-t-elle besoin de moi ? » Oui, lui répondit Martine, prenez cette torche électrique, éloignez-vous des fenêtres et servez du whisky à chacun des messieurs, y compris à Douglas qui est au premier étage dans notre salle de bains. Mais modérément. Soyez prudente, nous vivons des moments difficiles. Ensuite, allongez-vous dans un des canapés du fumoir. Ne montez pas dans votre chambre. Eloignez-vous des fenêtres.
- Je n’ai pas peur, dit Emilia, je prie la Vierge pour qu’elle vous aide car vous êtes une personne gentille. Vous ne méritez pas d’être attaquée.
Soudain, ils entendirent des bruits de moteur. C’étaient les deux Jeeps du garde qui arrivaient par la grande avenue à toute vitesse, tous feux éteints. Avec le garde-chasse, cinq jeunes, fils de fermiers et chacun avec un fusil. Ils déboulèrent en plein milieu des agresseurs, tirant plusieurs coups de fusil en l’air et criant Police Police pour effrayer les criminels. Effet de surprise garanti et fuite éperdue. Le comte de Lorgeron ne put s’empêcher de tirer par la fenêtre ouverte du vestiaire un sixième coup de fusil vers le ciel pour exprimer son soulagement.
Ce coup résonna si fort dans le petit vestiaire qu’il en fut lui-même saisi.
Chapitre 8
Ils étaient tous réunis dans le hall. Une heure du matin. Les fermiers trinquaient avec les maîtres. Emilia avait cherché de la bière et Douglas du vin. Martine avait sorti des galettes pour ceux qui avaient faim.
Le baron de La Maille donnait une accolade à son garde en disant : « Merci mon cher Joseph. Heureusement que vous êtes arrivés à temps, nous avons eu très peur. Voyez nos armes, et voyez les vitres brisées dans le grand-salon ! »
- Je viendrai demain avec un ami vitrier réparer les fenêtres, dit le garde.
René de La Maille prit le garde à part, l’amenant dans le fumoir. Martine, qui avait compris, les suivait.
- Joseph, ils vont revenir. La situation est trop grave. Ils finiront par mettre le feu au château comme à Sansoucy chez ma cousine. Nous ne pouvons plus rester. J’ai décidé de partir ce soir même au Danemark chez un ami à mille deux cents kilomètres d’ici.
Le garde le dévisageait et ne disait rien.
- Je projetais de quitter le château demain avec un petit camion de déménagement emportant quelques tableaux et quelques meubles, poursuivit le baron, mais nous n’avons plus le temps. Ils vont revenir armés et nous tuer tous.
- Vous partez maintenant alors ? Vous abandonnez tout ici ?
- Oui dit le baron, je pars avec Madame, avec mon cousin le comte de Lorgeron, avec Emilia et avec Douglas.
- Il vous faudra une protection jusqu’à la frontière allemande, dit le garde. Il est dangereux de rouler la nuit. Les Jeeps vous accompagneront avec les fermiers en armes, nous irons par les petites routes, en évitant Botton, et nous rejoindrons l’autoroute. Ensuite, jusqu’à la frontière où nous vous laisserons poursuivre seuls.
- Je vais vous demander une chose, Joseph, c‘est qu’une des deux Jeeps emporte quatre tableaux très précieux jusqu’au Danemark chez mon ami, vu que nous n’avons plus le temps d’attendre jusqu’à demain l’arrivée du petit camion. Je paierai tous les frais du fermier qui se proposera pour conduire cette jeep.
René de La Maille, se tournant vers Martine, sortit discrètement de son portefeuille six billets de cinq cents euros à donner par Martine à chacun des jeunes fermiers pour les remercier d’être là.
Le baron de La Maille avertit Lorgeron, Emilia et Douglas, qu’il était urgent d’abandonner le château et de partir de suite pour le Danemark. Ils seraient protégés jusqu’à la frontière allemande par les deux Jeeps. Le comte de Lorgeron, aidé par Douglas, retourna dans sa tour emballer quelques effets et des papiers de banque qu’il plaça dans une valise. Il décrocha le Degas et saisit son meilleur fusil et une boîte de cartouches. Il avait enfilé son gros manteau d’hiver et noué autour du cou l’écharpe de cachemire.
Douglas n’emportait rien, sinon quelques vêtements chauds dans un grand sac en plastique.
La baronne avait déposé tous ses bijoux dans un petit coffret de cuir qu’elle portait à la main en même temps qu’une sacoche Hermès.
Pour ne pas prendre froid, elle avait revêtu un vison blanc, cadeau d’Eddy son père, jamais porté, détesté de son mari qui trouvait cette fourrure idéale pour une cocotte en représentation.
Le baron avait une serviette de cuir bourrée de billets en grosses coupures, et dans l’étui d’un fusil vide, il avait versé des centaines de petits lingots d’or de cent grammes pour le cas où.
Emilia tenait le fox en laisse. Elle était vêtue d’un manteau de laine épaisse, d’une grosse écharpe et d’un bonnet abaissé jusqu’aux sourcils.
Les moteurs des Jeeps tournaient. Il faisait très froid. La neige commençait à tomber. C’est complet, se dit le baron, avec une si longue route !
Joseph annonça qu’un des fermiers, le fils Lemal, les accompagnerait jusqu’au Jutland. René de La Maille alla serrer la main du jeune homme qui se dévouait et lui glissa discrètement cinq cents nouveaux euros.
Quand il vit les bagages et les armes qu’emportaient les voyageurs, René de La Maille décida qu’ils utiliseraient deux voitures, la Jaguar avec Martine, le comte et Douglas, et la Dodge avec Emilia, le fox-terrier et lui. Les coffres des voitures étaient bien chargés. Le Degas ferait le voyage à l’arrière de la Jaguar.
René de La Maille avait, avec l’aide d’Emilia, coupé discrètement et maladroitement les toiles des peintres impressionnistes du fumoir, les avait roulées et emballées dans un grand papier brun fermé avec de solides autocollants. Ils placèrent les cylindres contenant les toiles dans le coffre profond de la Dodge.
Les Jordaens et les Van Dyck avaient été couchés, maintenus par des sangles et couverts d’une bâche, à l’arrière de la Jeep qui les convoierait jusqu’à Thisted.
Ils partaient enfin. Le baron avait promis au garde-chasse un gros capital s’il parvenait à écarter les incendiaires du château durant le séjour au Danemark dont il ignorait la durée.
« Puisse cette période si inquiétante pour les populations, victimes de prédateurs chaque jour plus nombreux, plus audacieux et plus cruels, ne pas se prolonger », pensait-il en refermant à triple tour la porte du perron derrière lui.
Adieu mon beau château, adieu mes arbres, adieu mes plaines, adieu mes faisans, mes lièvres et mes lapins, mes hérons et mes chevreuils ! Adieu campagne si jolie ! Adieu ma jeunesse et mes plaisirs ! Adieu mes champs de blé, adieu la cave de mes vins, adieu mes chers trésors…
Il était trois heures du matin.
Les deux Jeeps encadraient les deux voitures. Dans chaque voiture et dans chacune des Jeeps, des armes chargées, prêtes à tirer.
Les prières de la cuisinière à la Vierge furent exaucées, car ils ne rencontrèrent personne sur les petites routes choisies pour rejoindre l’autoroute. Aucun barrage, aucun contrôle. Tout le monde dormait sans doute. La neige tombait mais ne tenait pas.
« Mes tableaux supporteront-ils le voyage ? S’il n’y avait pas eu Martine, se disait le baron, je serais resté à Villiers-sur-Meuse, montant la garde jour et nuit avec mon personnel ».
Mais le risque était insensé.
Sur l’autoroute en territoire belge, le petit convoi, qui filait vers l’Allemagne, avait croisé des tanks et des camions chargés d’hommes de troupe qui se dirigeaient vers Bruxelles.
Martine se détendait bien au chaud dans son vison blanc, assise à côté du comte de Lorgeron qui pilotait sans fatigue la Jaguar puissante et silencieuse.
Après quinze heures de route sous la neige fondante, interrompues par les pauses dans les stations-services allemandes, la Jaguar, la Dodge, et la Jeep chargée des Jordaens et des Van Dyck, arrivèrent avec leur cargaison dans le parc du château de Thisted, où les attendait le comte Vengensen.
- Ce monsieur a un gentil sourire, pensa Emilia.
La neige tombait toujours. Les eaux grises du fjord s’étendaient à perte de vue.
(FIN)
Henri de Meeûs
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mer.
02
août
2023
Dans ces Carnets de juillet 2023, voici la suite de ma nouvelle Le Comte de Lorgeron, soit les chapitres 5 et 6. Pour mémoire , les chapitres 1 à 4 figurent dans les Carnets de mai et de juin 2023.
Chapitre 5
Martine de La Maille, née Sorgeloo de la famille très riche des Brasseries Sorgeloo Brouwerij, avait eu une enfance d’enfant unique chaperonnée par une gouvernante à demeure vu que ses parents, même durant sa petite enfance, sortaient quasi chaque soir dans les cocktails, les dîners, les bridges et les vernissages. Même le samedi et le dimanche, le couple Sorgeloo avait toujours des réceptions de mariage, des tennis, des goûters ou des rallyes voitures, car monsieur Sorgeloo, Eddy pour les intimes, collectionnait les ancêtres, surtout les Alfa Roméo.
Les parents Sorgeloo apparaissaient chaque mois dans la rubrique mondaine de l’Eventail, revue snob et chère. sur des photos imprimées sur papier glacé. On y voyait le couple Sorgeloo avec de grands sourires et une coupe de champagne à la main, debout entre le couturier Demeulen et la comtesse de Lannix, ou bien lors d’un tir aux clays, embrasser le vainqueur, le baron Dhont de Dhonteghem, un des meilleurs fusils de Belgique qui raflait tous les trophées.
Martine, enfant, jouait souvent seule avec ses poupées et avec Miss Lucy Eggerworth, vieille fille dégingandée originaire du Surrey, qui avait été recommandée par l’Ambassade de Belgique à Londres. Cette gouvernante comprenant que Martine était trop solitaire, s’était prise d’affection pour elle au point qu’elle put rester chez les Sorgeloo jusqu’aux fiançailles de Martine avec le baron de La Maille.
A force de courir dans le monde, ce qui devait arriver arriva.
Eddy Sorgeloo, père de Martine, rencontra une jeune divorcée qui faisait les yeux doux aux hommes qu’elle allumait avec des regards de désir ; Eddy flamba donc, quitta la mère de Martine en lui remettant, pour être chic ou pour éviter les cris et les gémissements, un gros paquet d’actions de la Brasserie Artois qui avait racheté à la même époque, au meilleur prix, la totalité des actions de la Brasserie Sorgeloo Brouwerij. La Brasserie Artois, une des plus importantes d’Europe, tirait en effet, sans répit, sur toutes les brasseries qui passaient au bout de sa mire, les petites, les moyennes, les grosses, pour devenir une brasserie monstre - une des plus grandes du monde - et dirigée bientôt par des Brésiliens.
Les familles belges des anciens actionnaires, si elles avaient perdu la majorité au conseil d’administration, s’étaient follement enrichies. Martine était donc devenue très riche.
Martine fit semblant de pleurer quand sa mère lui annonça la nouvelle du divorce, mais comme Eddy Sorgeloo n’était pas tendre et ne s’intéressait guère à sa fille, sinon pour lui verser chaque mois une belle rente, elle se fit une raison et continua à vivre dans la villa de sa mère à Brasschaat.
Sa mère n’était pas triste non plus.
Brasschaat, la commune avec les grandes villas, - souvent propriétés de Hollandais qui voulaient échapper au fisc de leur pays , les voitures qui passaient dans les avenues privées, Rolls, Bentley, Jaguar, Ferrari et les puissantes Audi et Mercédès , les jardins et les parcs, écrins des somptueuses demeures, étalaient la splendeur des familles qui aiment l’argent et se vantent sans cesse de leur réussite, n’ayant qu’une obsession, celle d’accroître encore et encore leur patrimoine en concluant toujours plus d’affaires, en épousant des sacs, en inventant ou en mentant, en invitant à leurs fêtes les riches et les titrés. Toujours la parade. C’était la vie des grandes fortunes anversoises.
La mère de Martine ne tarda pas à se consoler aussi. Elle choisit en secondes noces un marquis italien de quatre-vingts ans, administrateur chez Fiat, le marquis Marcello Bassoni Tragliotta, d’une noble famille napolitaine et propriétaire, jusqu’à la prochaine pluie de cendres et de soufre, d’importants vignobles sur les flancs du Vésuve.
Le marquis, plus âgé de quinze ans que la mère de Martine, n’avait pas d’enfant, ce qui ne gâtait rien. La vieillesse de son second mari importait peu à l’ex-madame Sorgeloo. Elle compensait avec le titre de marquise certaines infirmités du marquis. Ce titre lui ouvrait toutes les portes. Le nombre de photos d’elle dans L’Eventail ne se comptait plus. C’est tout juste si on ne la voyait pas maintenant, de face ou de profil, assise, debout, riante ou maussade, avec chapeau ou sans chapeau, sur toutes les pages mondaines, accompagnée ou non du vieux marquis Bassoni Tragliotta.
Martine trouvait que sa mère exagérait. Elle était agacée par ses nombreux voyages, énervée par la Maserati bleu pâle, choquée par les achats compulsifs de robes et de bijoux dans les maisons très chic de Paris, de Londres et de Milan, fâchée que sa mère aille tous les deux jours chez son coiffeur, gênée qu’elle dépense des fortunes en fleurs ou en cadeaux, pour les amies invitées à ses dîners de Brasschaat où des musiciens à trompettes et banjos accompagnaient, jusque tard dans la nuit, des danseurs fous-fous.
Martine était écoeurée de la voir dépenser son argent à des feux d’artifices que sa mère faisait tirer dans son parc à la moindre occasion : son anniversaire, celui d’un ami ou d’une amie, l’arrivée d’un nouveau toutou, etc etc.
A ce rythme, le marquis Bassoni Tragliotta ne fera pas long feu, se disait Martine qui n’assistait jamais à ces réceptions dont les comptes rendus paraissaient dans les revues people et dans les mondanités de l’Eventail.
Mais toute règle a son exception.
Ce fut à l’anniversaire de sa mère, âgée de soixante-dix ans, qu’elle rencontra à Brasschaat le baron de La Maille, châtelain de Villiers-sur-Meuse, orphelin et célibataire, à la tête d’importantes propriétés, des bois, des champs, des prairies et des fermes. Il s’ennuyait dans le brouhaha de la fête et songeait à s’en aller quand il aperçut Martine, jolie et élégante, sans chichis, avec son visage honnête et intelligent. Il resta jusqu’à minuit à lui parler, charmé par la jeune fille qui ne ressemblait pas du tout à sa mère devenue Marquise et qui, suite à des études universitaires de sciences politiques, avait l’esprit plus ouvert que la moyenne des jeunes filles qu’il rencontrait.
Le baron de La Maille, trop seul dans son grand château, cherchait à se marier, et après plusieurs rencontres à Bruxelles, fit comprendre à Martine qui l’invitait dans son appartement près du Bois de la Cambre, pied à terre et point de chute de ses mondanités, qu’elle était pour lui la femme idéale et qu’il n’en trouverait aucune autre.
Martine cherchait du sérieux, aima le baron, devint sa fiancée, puis sa femme au cours d’un mariage à tout casser dans le château Solvay à La Hulpe loué par sa mère qui avait choisi le meilleur traiteur de Belgique. Plus de mille invités. Un prince royal et sa femme étaient présents.
Eddy Sorgeloo, le père de Martine était venu, jaquette gris perle et cravate rose, au bras de sa nouvelle compagne, une divorcée aux yeux couleur de luxure. Il se fendit d’un discours avant le dessert pour témoigner de la joie qu’il ressentait. Dans son texte, de nombreuses allusions à des preuves d’amour paternel qu’il inventait de toutes pièces.
Etonnant mélange de milieux.
Les très riches se parlaient entre eux. On comptait parmi eux quelques nouveaux riches, parfois milliardaires, dont certains avaient été anoblis et titrés récemment par le Roi et qui, du matin au soir, ne se sentaient plus de joie.
En face, un autre groupe, celui des familles nobles depuis au moins six générations, autrefois très chrétiennes, mais aujourd’hui appauvries par les nombreuses naissances et par les partages familiaux qui entamaient inexorablement les patrimoines, comme la mer ronge les rivages. Ces aristocrates regardaient de loin les très riches, ne leur parlaient pas, et faisaient semblant de ne pas les connaître.
Ils digéraient difficilement l’amertume quotidienne d’une grande fortune disparue. Le regard qu’ils jetaient vers le groupe des grandes fortunes était celui des vertueux qui, condamnant le péché, regrettent de ne plus y goûter faute de moyens.
Rien de tel que d’être riches pour être heureux, se disaient-ils tous. Malheur aux pauvres ! Malheur aux ruinés !
Sans se compliquer la vie, le baron et la nouvelle baronne de La Maille s’envolèrent pour un voyage de noces de quinze jours aux Canaries dans un hôtel cinq étoiles. Ils y dormirent chaque nuit. Ils avaient loué une petite Fiat et circulaient dans l’île sans trop s’éloigner de l’hôtel Miranda. Ils passaient quelques heures sur la plage ou sous les parasols devant la piscine du cinq étoiles. Le corps de Martine enthousiasmait son mari qui le couvrait de baisers à tout instant. Elle aimait ça et le trouvait charmant.
Préoccupé par ses invitations de chasse, René de La Maille ne désirait pas rater les premières battues. Il fit comprendre à Martine qu’il ne pouvait prolonger le séjour qui la rendait si heureuse et qu’il était temps de revenir en Belgique.
Ils rentrèrent donc à la date prévue dans le contrat conclu avec l’agence de voyages après quinze jours de séjour idyllique, brunis et joyeux, elle d’être l’épouse de son cher René, et lui de retrouver ses terres et son château.
Eddy Sorgeloo, le père de Martine, avait offert à René son gendre deux superbes fusils anglais Purdey calibre 12 et calibre 16 comme cadeaux de mariage.
René rêvait de les essayer sur quelques lièvres dans la plaine. Il avait pris avec lui la documentation sur ces armes, véritables œuvres d’art, et la relisait sans se lasser
-Nous resterons amis, avait dit Eddy Sorgeloo à son gendre René de La Maille.
Chapitre 6
Ce samedi vers dix-neuf heures, dans le château de la Maille, Douglas avait rangé sa chambre, refait son lit, changé les draps, les couvertures et la taie d’oreiller, posé des fleurs, – des immortelles de novembre - dans un vase jaune, et parfumé légèrement la pièce où le lit prenait toute la place, à côté d’un fauteuil recouvert d’un tissu mauve, d’une table à tiroirs qui servait de bureau, et de deux chaises. La seule fenêtre avec vue sur les étangs n’éclairait plus grand-chose car le soleil se couchait. Il y avait un lavabo avec l’eau courante et, cachée derrière un rideau, une cuvette de w-c bien nettoyée, munie d’une chasse. Les eaux usées allaient directement dans un puits perdu situé près des étangs.
Un chauffage électrique réchauffait la pièce avec l’inconvénient qu’aussitôt la prise retirée, le froid retombait dans la chambre.
Il alluma le radiateur pour que Kalia puisse se dégeler sans trop de complications.
Lui-même, il se lava entièrement devant le miroir, et s’imbiba d’une eau de toilette Givenchy gentleman, cadeau reçu du baron et de la baronne pour la Noël. Ensuite, il revêtit les sous-vêtements revenus de la lessive, enfila un pantalon de velours beige côtelé et un pull-over vert à col roulé. Aux pieds, des chaussettes rouges dans des baskets.
Il alluma la lampe du plafond et la petite lampe de chevet. Cette dernière plus intime, resterait allumée au cas où…
Il l’espérait de toutes ses forces et il était envahi par une excitation croissante en même temps que d’un stress car il n’était pas habitué aux plaisirs de l’amour. Il craignait d’être maladroit et de lui faire peur. Sur le lit, il avait déplié un grand couvre-lit rouge.
Il était prêt, seul dans la tour où personne ne venait jamais, les maîtres toujours occupant le corps central du château, et le comte de Lorgeron logé dans l’autre tour.
Douglas était satisfait de l’arrangement accepté par Kalia qu’il irait bientôt chercher à pied à l’entrée de l’avenue pour la conduire dans la chambre où il dormait chaque nuit.
°°°
Kalia l’attendait sous un arbre à l’entrée de l’avenue, cachée de la grand-route derrière un massif de rhododendrons. Il l’aperçut, la prit dans ses bras, lui baisa le visage tandis qu’elle se blottissait contre lui.
- Ma chérie, il est agréable de te voir. Tu as pu arriver facilement ?
- Oui j’ai pris le bus qui part de Botton et traverse Villiers. Je suis descendue à l’arrêt devant l’église et j’ai longé à pied la route jusqu’à l’entrée du parc du château. Il commençait à faire sombre. Je ne suis pas très courageuse, ajouta-t-elle.
- Tu n’as pas froid ?
Il toucha ses mains glacées. Elle avait un manteau court, trop mince pour novembre avec cette nuit froide et l’humidité des bois. Elle ne répondit pas. Ils reprirent l’avenue déjà parcourue par Douglas.
Elle ne voyait pas grand-chose car le ciel était couvert de nuages lourds de pluie.
- Et ta famille ?
- Je leur ai dit que j’allais passer la soirée chez Liliane qui habite à Villiers pour répéter ensemble notre cours de sciences. Mes frères m’ont regardée d’un drôle d’air mais ils n’ont rien dit. Mon père a demandé à quelle heure je rentrais. J’ai répondu : « Pas plus tard qu’à onze heures ! »
- Et s’ils téléphonent à Liliane pour vérifier ta présence ?
- Liliane est mon amie. Je puis lui faire confiance.
- Je l’espère, dit Douglas.
Elle l’embrassa. Ils marchèrent plus vite car le froid était désagréable dans le bois. Ils entendirent des craquements dans les taillis et virent sortir devant eux un sanglier qui trottinait sur l’avenue puis disparut. Elle était saisie.
- Je n’ai jamais vu une bête comme cela, lui dit-elle.
- Il y en a beaucoup ici, répondit Douglas, et ils font du dégât aux cultures.
Ils arrivaient au château dont les masses sombres des tours se détachaient encore sur les nuages malgré la nuit tombée.
- Comme c’est grand, dit-elle.
- Oui et c’est très beau.
Douglas vit que les lampes du petit salon étaient allumées. Le baron et la baronne regardaient les dernières nouvelles à la télévision comme chaque soir. Dans la tour de gauche, les fenêtres du comte n’étaient pas éclairées ; c’est qu’il passait la soirée, assis dans un des clubs de cuir, en compagnie de ses cousins.
Après avoir fait le tour du château en marchant sans faire de bruit sur le gravier gris, les amoureux se dirigèrent vers l’autre tour, celle de droite, celle de Douglas qui ouvrit la lourde porte au moyen d’une grosse clé moyenâgeuse. Elle rit.
- Nous entrons dans une forteresse ? dit-elle.
Il prit garde de ne pas allumer le petit hall d’entrée aux murs desquels étaient accrochés des trophées de chasse, des têtes de sangliers, de cerfs, de biches que Kalia ne put voir dans l’obscurité.
Ils entreprirent de monter les marches de l’étroit escalier. Il la guidait en lui tenant la main, car elle ne distinguait rien dans tout ce noir. Sur le second palier, il s’arrêta et ouvrit la porte de la chambre, allumant la lampe du plafond et celle à côté du lit.
- C’est joli chez toi.
Le radiateur électrique marchait bien. Elle se frotta les mains. Il tira les rideaux jaunes pour occulter la fenêtre.
- Que veux-tu boire ? lui demanda-t-il.
Phrase dite des millions de fois par les jeunes et les moins jeunes qui veulent respecter un certain timing dans le programme.
« Un peu d’eau » fut la réponse.
Il avait une bouteille de Spa et deux verres en plastique. Elle but quelques gorgées pour se donner une contenance. Il lui présenta une boîte de biscuits au chocolat qu’il avait ouverte lors des préparatifs. Elle en prit un et l’enfonça dans sa mignonne bouche. Ses yeux étaient joyeux. Elle s’assit sur le lit en ôtant ses petites bottes de cuir. Il lui toucha la jambe et se mit à genoux devant elle, posant sa tête sur ses genoux.
- Que je t’aime, dit-il.
- Moi aussi, je t’aime Douglas, je t’aime fort.
Il caressait ses jambes, s’attardaient sur ses mollets, descendait sur les chevilles, et lui enleva ses chaussettes. Elle ne protesta pas.
Il embrassa ses pieds l’un après l’autre tandis qu’elle caressait ses cheveux et sa nuque penchée sur ses genoux.
Il pensait : « Elle sent bon, elle est douce, elle se laisse faire, quelle chance j’ai de l’avoir ici dans ma chambre ».
Il était touché par sa confiance, par les risques qu’elle avait pris, par le mensonge à sa famille. Elle était une fière petite fille ! Il s’assit à côté d’elle et ils se serrèrent l’un contre l’autre dans une embrassade étroite. Il l’étreignait de toutes ses forces, et elle s’abandonnait, lui offrant son visage et ses yeux fermés. Il baisait ses paupières, ses joues, son cou chaud, il ouvrit le col de sa chemisette, et elle le laissa faire.
Il la désirait si fort qu’il se pressait contre elle pour lui montrer combien elle l’excitait. Il s’appuya sur elle pour la coucher sur le couvre-lit rouge. Elle accepta. Il entreprit alors de lui retirer son pull-over jaune, sa chemisette, de détacher son soutien-gorge rose et de déboutonner son jeans. Il la couvrit de baisers et de caresses. Ses seins libérés. Son ventre dénudé jusqu’au nombril. Elle était attentive et se laissait faire, confiante et soumise.
- Tu m’aimes ? dit-il.
- Oui, souffla-t-elle.
- Veux-tu que je me déshabille ?
Elle opina de la tête et l’aida à se débarrasser de ses vêtements.
Liberté, grandiose liberté, joie, pleurs de joie, d’être nu devant Kalia âgée de dix-sept ans, élève d’humanités à l’Institut Sainte Marie, belle comme le jour, une si jolie fille qui me regarde.
Il n’avait pas honte de son corps car elle l’admirait en souriant et esquissait quelques caresses.
Il s’agenouilla sur le lit, nu face à elle, et son visage se penchant sur le sien, leurs lèvres s’unirent puis leurs langues.
Ils gémissaient, essayaient de prolonger cette union buccale où ils perdaient souffle.
J’adore sa salive, sa langue et ses dents, se disait-il.
Elle retira la main de Douglas quand il voulut approcher du dernier rempart, la petite culotte vert pomme.
- Non, dit-elle, pas ça.
Il n’insista pas.
Pour le consoler, elle devint plus active.
Assise, elle entreprit de toucher le corps de celui qui aspirait à sentir la caresse de mains bienveillantes. Elle le regardait minutieusement à la lumière de la lampe de chevet qui dessinait des ombres sur le corps de Douglas.
Après l’avoir fait jouir d’une main adroite, elle resta allongée sur le lit, les yeux fermés, le bas du corps toujours protégé, intact, tandis qu’il se lavait devant le petit lavabo avant de la rejoindre à nouveau.
Il avait remis ses sous-vêtements.
Comme ils étaient assoupis depuis une heure dans la chambre éclairée par la lampe de chevet, ils entendirent des appels et des cris à l’extérieur. Ce n’était pas du français. Kalia avait compris immédiatement : « C’est mon père et mes frères, je reconnais leur voix ! »
Que faisaient-ils là ? Qui les avait prévenus ? Qui avait cafardé ?
Ils commençaient à hurler sous les fenêtres du château : Kaliaaa ! Kaliaaa !
Elle était blême et, se précipitant sur ses vêtement, elle se rhabilla affolée, hagarde, disant : « Ils vont me tuer, ils savent que je suis ici ! »
Douglas s’habilla aussi, comme un automate, incapable de parler.
Ils entendirent le baron de La Maille et sa femme sortis sur le perron, qui demandaient aux trois hommes de quitter les lieux. Mais ils restaient là, ne bougeaient pas, hurlant toujours.
Alors Martine cria : « Nous ne connaissons pas votre fille Kalia. Nous ne l’avons jamais vue. Elle n’est pas ici. Douglas n’est pas au château, il est sorti à Namur pour la soirée, il rentrera demain matin, il loge chez ses cousins. Votre fille n’est jamais venue ici. Partez, partez ! »
Mais les hommes continuaient à l’appeler : Kaliaaa, Kaliaaa !
Douglas et sa chérie étaient coincés dans leur chambre, elle terrifiée, lui ne trouvant pas d’échappatoire. Paralysés, ils n’osaient pas éteindre la lampe, et pas question qu’ils entrouvrent le rideau.
Tout à coup, il leur sembla que la baronne s’était tue. Le baron restait seul en face des trois hommes. Il leur ordonnait de quitter les lieux sous peine de les faire embarquer par la police. Le ton montait. Comme Douglas aurait voulu porter secours à son maître !
Quelle erreur il avait commise ! Hélas, trois fois hélas ! S’il avait su, il ne se serait pas arrêté devant la petite Kalia qui s’agrippait à son bras maintenant. Terrifiée.
Quelqu’un gravissait l’escalier de la tour. Des coups furent frappés énergiquement à la porte. Martine entrait sans attendre la réponse et découvrit les tourtereaux rhabillés et pétrifiés. Elle comprit immédiatement, et leur dit : « Ne bougez pas, surtout restez ici, silence complet, je reviens tantôt ». Eteignant la lampe de chevet, elle redescendit rapide comme un oiseau les deux étages de la tour pour rejoindre son mari et les trois hommes, toujours devant le château à réclamer leur fille et leur sœur.
Martine éleva la voix. Dans le noir de la chambre, ils l’entendirent en dessous de leur fenêtre.
- Je vous confirme après vérification que Monsieur Douglas est de sortie, qu’il n’y a personne ici, sauf le comte de Lorgeron âgé de quatre-vingt ans, mon mari et moi. Ce château est une propriété privée. Vous ne pouviez pas entrer ici. Vous avez commis une infraction. Si vous ne quittez pas immédiatement, nous téléphonerons à la police et vous serez punis.
Sa voix était ferme.
Les trois hommes hésitaient. Mais surprise et saisissement, un coup de fusil, tiré en l’air de la fenêtre ouverte du salon et pareil au tonnerre dans la nuit, mit fin aux tergiversations. Le père et les deux frères prirent la fuite et embarquèrent presto dans une vieille Toyota cachée sous les arbres qui démarra et disparut.
Le comte de Lorgeron avait mis fin aux discussions avec le Purdey calibre 12 qu’il avait choisi dans le râtelier du hall où le baron rangeait les nombreux fusils et les cartouches.
Les époux rentrèrent. Martine expliqua la situation à son mari.
Ils retrouvèrent le comte au salon qui avait gardé le Purdey dans la main droite, avec un petit sourire d’enfant qui a commis une bêtise.
- Quel beau fusil, dit-il au baron qui ne répondit pas.
Le baron de La Maille était perplexe et irrité par l’attitude dissimulée de son domestique et par les conséquences du coup de fusil. Ces gens porteraient plainte sans doute. Mais oseraient-ils vu l’intrusion la nuit dans une propriété privée ?
- Nous allons appeler Douglas et son amie au salon, dit-il. Ils vont devoir s’expliquer.
Martine remonta pour la seconde fois dans la tour et retrouva les deux colombes apeurées, toujours serrées l’une contre l’autre dans le noir, et elle leur dit : « Mon mari demande une explication. Suivez-moi ».
La cuisinière Emilia, dans sa chambre au troisième étage, n’avait pas entendu la détonation et dormait du sommeil de la Juste.
Le comte de Lorgeron buvait le whisky que lui avait versé René de La Maille. Il était confortablement installé dans le club de cuir. Toute cette affaire l’amusait. On ne s’ennuyait pas à Villiers-sur-Meuse. Il admirait le sang froid de Martine et était curieux de connaître la suite des évènements. Le beau Douglas piégé ! Il riait intérieurement, mais n’osa pas trop manifester son amusement car il avait compris l’inquiétude de René de La Maille. Le coup de fusil n’était pas innocent.
Quelle sera la réaction de cette famille obligée de détaler comme des lapins ?
Douglas et la fille apparurent dans le fumoir en se tenant par la main. La petite baissait la tête.
- Tout est de ma faute, dit Douglas qui regardait le baron resté debout.
- Comme imprudence, c’est le bouquet, répondit le baron. Tu n’as jamais reçu notre autorisation de faire monter des copines dans ta chambre. Tu sors le samedi. Ce que tu fais en dehors du château ne nous regarde pas, mais nous t’avons toujours dit de ne faire venir personne ici sans notre autorisation.
Martine enchérit : « Qui est cette jeune fille que son père et ses frères viennent rechercher ici ? Cette histoire est insensée. Que vont-ils faire maintenant ? Et toi, dit-elle à Kalia, comment t’appelles-tu et quel âge as-tu ? »
- Elle s’appelle Kalia, répondit pour elle Douglas, elle habite la cité de Botton avec ses parents et ses deux frères.
- C’est complet, dit le baron.
- Comment va-t-elle rentrer chez elle ? dit Martine. Il est vingt-trois heures.
- Je vais la raccompagner, dit Douglas.
- Mon petit, dit le baron, je pense que tu ne réalises pas la situation. Quel âge a ton amie ? Elle me semble très jeune. Comment sa famille se doute-t-elle de sa présence ici ?
On entendit Kalia parler : « Madame, je suis très coupable d’être venue ici rencontrer Douglas et ma famille ne supportera pas la vérité. Je serai frappée, ce sera le minimum. Ils vont m’interdire de sortir ou ils m’accompagneront sans cesse, me conduiront pour mes cours et iront me rechercher. Je ne serai plus libre. Je vous demande de m’excuser. C’est affreux ».
Elle commença à pleurer.
Le baron s’assit, Martine aussi, et ils se versèrent chacun un whisky, laissant Douglas debout qui baissait la tête et ne trouvait pas de solution. Kalia assise sur le tapis sanglotait.
Le comte de Lorgeron prit l’initiative de verser du whisky dans un verre qu’il tendit au jeune domestique pour le réconforter.
Après un temps de silence, le baron s’exprima.
-Ecoutez-moi. Il y a plusieurs solutions. Certaines me semblent mauvaises. A nous de trouver la meilleure. Première solution : Kalia rentre seule chez elle ce soir chez ses parents à Botton. Comme c’est à cinq kilomètres, nous devons la reconduire discrètement en voiture et la laisser à cent mètres de sa maison en espérant qu’on ne verra pas notre auto. Si sa famille lui pose des questions, Kalia répondra qu’elle a raté le dernier bus et qu’elle a été obligée de faire du stop. Il y a une seconde solution : Kalia reste ici toute la nuit. Elle téléphone demain à sa famille qu’elle a dû passer la nuit chez son amie. Cette solution est risquée car si les parents téléphonent à l’amie et que celle-ci répond que Kalia n’est pas passée chez elle, ce sera pire encore. L’accumulation des mensonges… La troisième solution serait que Douglas annonce à la famille de Kalia qu’il est amoureux de son amie et qu’il désire se fiancer. Je crains, dit le baron que cette troisième solution est irréaliste. Douglas est-il prêt à une telle déclaration ? J’en doute.
Douglas se taisait.
- Tout à fait irréaliste, oui, ajouta Kalia. Ma famille sera furieuse et le chassera de la maison. Des violences sont même possibles.
- Donc, dit le baron, il y a encore une quatrième solution : que Kalia avoue tout à ses parents et demande leur pardon. Mais ici, c’est nous qui serons exposés car ses parents penseront que nous avons permis à Douglas d’accueillir Kalia dans le château, ce qui est faux puisque Douglas nous a trompés ma femme et moi, en te faisant monter dans sa chambre sans notre autorisation. Je déconseille donc à Kalia de choisir cette hypothèse qui pourrait tout compliquer. Je reviens à la première solution : nous reconduisons discrètement Kalia dans une demi-heure à Botton et elle rentre chez elle en inventant une excuse la plus plausible, en ne parlant pas de Douglas ni du château. Si ses parents ont été informés qu’elle n’est jamais arrivée chez son amie, je demande à Kalia de trouver une explication qui désarmera la colère de sa famille.
- Oui, dit Kalia qui écoutait de toutes ses oreilles.
René de La Maille regarda Martine et se tut. Il se versa un autre whisky. Lorgeron et Douglas tendaient leur verre.
Le comte de Lorgeron se taisait et admirait le discours charpenté de son cousin, mais il restait sceptique.
Dans le silence, Martine prit la parole.
- Je propose une cinquième solution qui me semble solide. Vous savez que je travaille souvent au petit dispensaire à l’entrée du château avec le docteur Lançot que vous avez vu ce matin. Je vais lui téléphoner pour lui exposer la situation. J’ai confiance en lui. Je demanderai qu’il ramène Kalia chez elle à Botton. Il trouvera une excuse médicale pour expliquer l’absence de Kalia ce soir dans sa famille. Il ne nous trahira pas. Il ne parlera pas de Douglas. Il a un secret professionnel. Qu’en penses-tu, Kalia ?
- Madame, je pense que c’est une bonne solution. Je lui demanderai d’expliquer à ma famille que je souffre d’un problème de santé, que j’ai eu besoin de le consulter, que les consultations et ses nombreux patients ne m’ont pas permis de passer chez lui plus tôt, qu’il a accepté de me ramener chez moi vu l’heure tardive. Ainsi Douglas et vous, monsieur et madame de La Maille, vous resterez en dehors de cette affaire.
Le comte de Lorgeron était bluffé par Martine, si convaincue de la capacité du médecin à mentir, à raconter une fable qui tienne debout face à une famille méfiante et en colère. Il ne donna pas d’avis car la question était délicate et son coup de fusil n’avait fait qu’exacerber la tension, même s’il avait fait déguerpir les intrus.
René de La Maille dit à Martine : « C’est une idée. Téléphone à Lançot. Je te laisse manœuvrer. On verra comment il réagira ».
Martine se leva pour téléphoner dans le hall. Dix minutes plus tard, elle rentrait dans le petit salon et annonça, souriante, que le docteur Lançot allait venir au château rechercher Kalia pour la reconduire à Botton.
- Le docteur a un plan pour te tirer d’affaire, dit Martine à Kalia.
Elle se tourna vers Douglas : « Maintenant Douglas, mon mari et moi, nous te conseillons d’être extrêmement prudent si tu veux revoir Kalia. Mais tu dois être lucide. Sa famille ne voudra jamais de toi. Tu cours des risques considérables en la revoyant. Et logeant et travaillant au château, tu nous mets en danger. C’est pourquoi, si tu te décides à poursuivre tes relations avec ton amie, nous te demanderons de quitter le château. Tu perdras ton emploi chez nous et notre amitié.
- Quelle maîtresse femme, se dit Lorgeron qui se versa un autre verre. Elle a parfaitement exposé le marché à son majordome. C’est Kalia ou nous, tu choisiras.
Il l’admirait. Il comprenait le baron de La Maille d’avoir épousé Martine.
Douglas semblait ennuyé. Il ne parlait pas.
Quand le docteur Lançot apparut une demi-heure plus tard, il se retira quelques minutes dans le hall avec les châtelains. Puis on entendit la voix de Martine qui appelait Kalia à rejoindre le docteur et à rentrer en voiture avec lui à Botton dans sa famille. Il parlerait avec les parents et s’engageait à désamorcer la bombe.
Les tourtereaux s’embrassèrent sans conviction.
On entendit le moteur de la Peugeot en route avec le docteur et la jeune fille.
- Maintenant, Douglas, annonça Martine, nous ne parlerons plus de cette malheureuse soirée. Rentre dans ta tour. Calme-toi. Tout finira par s’arranger. Mais tu connais maintenant les conditions si tu veux rester à notre service.
- Oui Madame, dit Douglas qui réfléchissait.
Il s’inclina devant le baron et la baronne, salua le comte dont les paupières étaient closes, et rejoignit sa tour et la chambre au second étage. La fête avait tourné au cauchemar.
- J’espère, ma chère Martine, que le scénario mis au point par votre docteur sera au goût de la terrible famille de cette petite Kalia, dit Lorgeron.
- Je croise les doigts, répondit Martine. Lançot est homme d’expérience et de jugement.
- Je pense qu’elle n’a pas dix-huit ans, qu’elle est mineure d’âge, dit René de La Maille. Douglas a pris des risques énormes.
- C’est la jeunesse toujours amoureuse et irréfléchie. Mais vous n’étiez pas dans leur chambre pour voir ce qui s’est passé, répondit le comte.
- Je n’ai pas envie d’être accusé de tenir ici une maison de débauche, conclut sèchement le baron.
Ils regardèrent encore les dernières actualités du JT à la télévision. Le speaker annonçait de nouveaux incendies à Bruxelles. Cette fois des immeubles brûlaient avenue Louise, notamment le luxueux hôtel Conrad qui n’avait pas résisté à des jets de plusieurs engins incendiaires. Des agences de banque avaient été visées aussi. A nouveau, pour la seconde fois, le quartier de la Place Jourdan était devenu une cible pour ces bandits que rien ne faisait reculer. La police était dépassée et la population terrorisée. Certains policiers avaient dû tirer en l’air pour éloigner des bandes qui montaient des communes de M… et de S… en vue de casser les vitrines du quartier de la Toison d’Or.
Le gouvernement réuni en urgence avait décidé, après d’interminables négociations entre partis, de faire appel à l’armée.
- Mais il n’y a plus d’armée en Belgique. Ils l’ont détruite, dit le baron qui avait été officier de réserve dans les blindés.
Une nouvelle les troubla. D’autres incendies criminels avaient été allumés à Namur, Gembloux, Arlon par d’autres bandes qui se déplaçaient rapidement en voiture ou en moto. Le pays flamand n’était pas épargné. Des villas dans la banlieue chic d’Anvers flambaient.
Ils entendirent le nom des communes de Brasschaat, de Schoten et de Schilde.
- J’espère que ma mère est en voyage, dit Martine.
Ils se souhaitèrent une bonne nuit. Lorgeron embrassa Martine et partit se coucher dans sa tour. Les volets furent fermés sur tout le rez-de-chaussée, les lumières éteintes les unes après les autres, et les La Maille rejoignirent leur chambre à coucher.
Le baron de La Maille et Martine avaient emporté les cinq fusils, les quatre carabines et les deux Purdey dans leur chambre à coucher au premier étage, dont René ferma la porte à clé.
-Martine, dit le baron, tout se dégrade. Nous allons devoir prendre une décision. Est-il prudent de rester à Villiers dans ce château, ou quittons-nous la Belgique ?
Elle ne répondit pas. Il l’embrassa très fort. Il admirait ses yeux qui disaient tout. Quelle femme que la mienne, se dit-il.
Dans sa tour, le comte de Lorgeron ajouta deux grosses bûches dans le feu ouvert de la chambre. Il pensa à son fils en Afghanistan. S’il voyait son père ici dans une Belgique perturbée, que dirait-il ?
Il caressa son fox à moitié endormi qu’Emilia avait monté dans la chambre pour la nuit. Il se déshabilla, revêtit un pyjama et un pull-over pour avoir plus chaud durant cette nuit qui s’annonçait froide, et nouant une écharpe en cachemire autour du cou, il entra dans son lit. Une bouillotte était là qu’il poussa au fond de la couche pour réchauffer ses pieds.
Il y avait les deux couvertures supplémentaires.
- Brave Douglas, se dit le comte avant de s’endormir.
(A SUIVRE)
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ven.
21
juil.
2023
Suite du récit Le Comte de Lorgeron par Henri de Meeûs. (Chapitres 1 et 2, lire les Carnets de Mai 2023). Ici les chapitres 3 et 4 sur Juin 2023.
Chapitre 3
Villiers-sur-Meuse était un petit village situé au-dessus des contreforts de la Meuse. Il ne craignait pas les inondations fréquentes du fleuve qui désespéraient les riverains, trop souvent confrontés aux dégâts des eaux, reprenant sans cesse les mêmes remises en état, les nettoyages, les achats de mobiliers pour remplacer ceux qui avaient été détruits, obligés de rédiger les mêmes demandes d’indemnisations sur des formulaires compliqués à adresser par lettre recommandée en triple exemplaire à des pouvoirs publics qui mettraient des années à payer quand ils n’égaraient pas les dossiers. On se demandait par quel entêtement masochiste les victimes de la Meuse s’accrochaient à son rivage ? Zone inondable ? Oui, mais ils étaient des milliers à avoir reçu le permis de bâtir sur les terrains longeant ce fleuve qui s’amusait à les tremper jusqu’à la taille de plus en plus souvent. Au journal télévisé, les larmes des habitantes désespérées s’ajoutaient à la masse des flots.
Le baron de La Maille, dans son château sur les hauteurs, avait toujours les pieds au sec comme tous les habitants de Villiers-sur-Meuse, fermiers, éleveurs de vaches, - de la célèbre race blanc-bleu-belge -, et de petits chevaux gris qui broutaient dans les prairies jusqu’aux premiers froids. On appelait cette race de chevaux robustes les petits gris de Villiers.
Trois cents maisons à Villiers-sur-Meuse, une église, une école, une maison communale et de rares magasins, une épicerie du distributeur Courtehoux, une pharmacie dirigée par une femme à la voix haut perchée qui donnait des consultations aux malades en même temps qu’elle déchiffrait les prescriptions des médecins, - elle jouait aussi à l’esthéticienne avec une quantité de produits de beauté pour femmes finissantes et pour messieurs délicats -, une boulangerie-pâtisserie, un bureau de poste avec une postière atteinte de fatigue chronique, une librairie-papeterie, et enfin un restaurant qui servait à midi de la petite restauration mais qui fermait le soir. Les petites omelettes au fromage étaient renommées. Et à la fin, petit café et petite addition.
Ce qu’on ne trouvait pas à Villiers-sur-Meuse, les habitants l’achetaient à Namur ou à Dinant. Bruxelles était pour les villageois le bout du monde. S’y rendaient cependant chaque matin dès l’aube, avec le premier train, quelques rares habitants fonctionnaires dans les ministères de la capitale, et qui reprenaient l’après-midi à partir de quinze heures trente le chemin de fer du retour.
Heureuses gens qui dormaient dans leur wagon durant tout le trajet !
L’église était desservie par un prêtre âgé qui regagnait chaque soir sa cure après de multiples tâches. D’abord le matin, la messe à sept heures suivie par une dizaine de personnes, ensuite la leçon de catéchisme aux enfants à onze heures, puis les visites de l’après-midi aux malades et à quelques vieillards à qui il donnait la communion, enfin l’attente de rares pénitents dans le confessionnal chaque soir entre dix-huit heures et dix-huit heures trente, - des femmes surtout -, qui lui récitaient toujours les mêmes péchés. Il y avait en outre le sermon du dimanche, la célébration des baptêmes, les mariages (avec des couples dont la moitié divorcerait rapidement), les funérailles des paroissiens (dont la plupart n’avaient guère fréquenté l’église), bref ce curé bien occupé, quoiqu’âgé, rentrait fourbu vers vingt heures dans une vieille maison humide, allumait une pipe et lisait le journal, puis il se levait et se réchauffait une soupe dans laquelle il jetait quelques morceaux de pain. Ensuite, assis devant le potage, il beurrait des tartines, les recouvrait du fromage que des fermiers lui apportaient par pitié.
Un poêle à charbon alimenté par des morceaux de coke reçus de l’épicier était son seul confort. Il croyait en Dieu. Il aimait le Christ qu’il priait à tout moment.
« Seigneur, aidez-moi, Seigneur, secourez-moi, Seigneur, je Vous aime, Seigneur, je suis à Vous. Faites pour le mieux car je suis faible, Seigneur, pitié pour nous ». Dans ce nous, il se comptait avec tous ses paroissiens, les athées compris, etc… C’était sa prière perpétuelle.
Combien d’habitants de Villiers-sur Meuse priaient encore le Souverain Juge et l’Amour infini ?
Le curé supportait mal la solitude du cœur et des sens et malgré ses efforts pour sourire, il avait un regard triste et un estomac plein d’aigreurs qui remontaient dans la gorge et l’obligeaient à avaler un médicament crémeux contre le brûlant.
Les habitants du village n’avaient rien à reprocher au baron et à la baronne de La Maille.
La baronne de La Maille était une femme active, toujours en mouvement, au volant de sa Renault. Chacun la connaissait. Elle aimait rendre service, encourageait le curé en bavardant chez lui de temps en temps, lui laissant à chaque visite un peu d’argent pour le nécessaire. C’est le curé qui l’avait entretenue du cas de l’orphelin Douglas et c’est elle qui avait trouvé la meilleure solution en se chargeant de son éducation et, plus tard, en l’engageant à demeure comme domestique au château.
On peut dire que les La Maille n’avaient pas d’ennemis dans le village. Les fermiers, locataires des terres du baron, payaient les fermages et le baron les laissait tranquilles, car il ne vendait aucune terre. Ces familles fournissaient aussi des traqueurs durant les chasses d’automne. Les battues étaient animées et le gibier abondant. Le baron et ses invités s’amusaient beaucoup.
Le baron utilisait les services d’un garde-chasse qui ne tolérait aucun braconnier sur les terres. Celui-ci, à ses débuts, avait échangé, au péril de sa vie, quelques coups de feu près des bacs à lumière avec des charognards, et les braconnages avaient pris fin.
-Vous comprenez, disait le baron au comte de Lorgeron, devant une tasse de café et des croissants, lors du petit-déjeuner après la première nuit du comte passée au château, si on est bon avec autrui, on ne doit pas craindre la méchanceté. Martine et moi, nous nous entendons avec la population, et je ne fais pas de politique. Martine les soigne quand ils ont de petits bobos. Ils viennent ici à l’entrée de service où a été aménagé, dès notre mariage, un dispensaire d’urgence. Martine est aidée par la veuve d’un médecin qui connaît la musique et cela facilite la vie des habitants qui ne sont pas obligés, pour des petits problèmes de santé, de se déplacer à Dinant ou à Namur.
- Vous n’êtes pas critiqués par les médecins de la région ? dit le comte.
- Cela se passe ainsi depuis vingt ans. Ils savent que nous ne leur faisons pas concurrence. Martine ne demande jamais d’argent, et appelle le médecin que le malade souhaite consulter ici au château. Souvent Martine règle elle-même les honoraires médicaux. Et puis, Martine a un diplôme d’infirmière.
- Je l’ignorais, dit le comte. C’est agréable pour moi de le savoir. Martine me soignera si je tombe malade.
Le comte beurra une tranche d’un pain blanc délicieux et la recouvrit de miel.
- Il fait vraiment très calme chez vous. Je n’ai pas entendu le moindre bruit cette nuit dans la tour, dit-il au baron.
- Je déteste la ville, dit le baron, et Martine y étouffe. Elle est devenue une vraie campagnarde. Pour rien au monde, nous ne nous installerions à Bruxelles. La tranquillité est essentielle pour moi. C’est un cadeau du Ciel.
En réalité, le comte de Lorgeron n’avait pas passé une nuit aussi excellente qu’il le disait. Il n’était pas habitué à son nouveau lit. Le matelas lui avait semblé humide et froid. Il avait mis du temps à se réchauffer malgré les bûches qui brûlaient dans le feu ouvert et dont il entendait les aiguilles de bois craquer. La lueur des flammes et le crépitement des étincelles étaient toutefois réconfortants dans cette chambre isolée.
Il n’avait pas encore situé à quel endroit du château dormaient ses hôtes qui ne le lui avaient pas dit. Même si la tour était accotée au bâtiment central, il avait l’impression d’être couché loin de ses cousins.
S’il avait besoin de secours en cas de malaise, qui entendrait son appel ? Qui répondrait à ses cris ? Il aurait voulu une bouillote bien chaude dans son lit pour la repousser petit à petit vers ses pieds.
Le matin tôt, il sentit que le bois était consumé dans le feu ouvert. Sur son crâne dégarni, un voile froid s’était posé, ce qui le força à remonter la couverture par-dessus la tête. « Je vais m’enrhumer dans cette tour », pensa- t-il.
Il entendit la voix de Douglas qui, derrière lui, disait : « Monsieur le comte, voulez-vous encore un peu de café ? »
Le comte de Lorgeron opina de la tête sans regarder Douglas qui lui versa un second café bien chaud.
- Désirez-vous du lait et du sucre, monsieur le comte ?
- Oui, répondit Lorgeron qui lui lança un coup d’oeil car il avait été frappé par la voix du jeune homme, une voix sans accent, une voix presque française, légère, élégante, contrairement à celle des cousins belges un brin traînante quoique sans l’intonation habituelle des habitants du Namurois.
- Connaissez-vous les dernières nouvelles ? interrogea le baron de La Maille.
- Non, pas encore, mais vous allez me les dire.
- Figurez-vous, mon cousin, qu‘il y a eu hier à la fin de l’après-midi dans certains quartiers de Bruxelles des actes de vandalisme, non pas des voitures brûlées comme à Paris récemment, mais des maisons incendiées par des voyous qui passent très vite en auto ou en moto et qui balancent un engin du type cocktail Molotov à travers fenêtres et vitrines. Résultat : la maison flambe, et parfois avec tous ses habitants. Les commerces sont calcinés avec toutes les marchandises. Il y a eu hier quatre maisons incendiées, deux à Etterbeek, dans le quartier de la Place Jourdan, et deux à Schaerbeek, près de la Place Meiser en une seule heure. Les pompiers ont fait le maximum pour que le feu ne se propage pas aux maisons voisines. Hélas pour la Place Jourdan, située dans un quartier très commerçant, le feu s’est communiqué à trois immeubles contigus, dont le restaurant Gérard nouvellement transformé, alors que des clients y dînaient ! Et les vitrines de l’encadreur Cadriges ont été brisées à coup de barres de fer.
- La police a dénombré de nombreux blessés et deux morts, ajouta le baron de La Maille.
- Vous m’en direz tant, c’est la révolution chez vous? dit le comte qui dégustait un œuf à la coque.
- Vous avez de l’humour, mon cousin, mais vous savez comme moi que nous allons à la catastrophe.
- Exact. Je suis d’accord avec vous. Mais ici, je l’espère, vous êtes à l’abri.
- N’en croyez rien, dit le baron de La Maille. Vous voyez l’avenir ?
- Je le vois, répondit le comte de Lorgeron qui n’oubliait pas sa femme massacrée dans le Jardin des Tuileries.
- Et les auteurs des incendies à Bruxelles courent toujours, dit le baron.
- Je connais cela, souffla le comte de Lorgeron.
Il étendit ses jambes devant lui sous la table, car la nuit froide n’avait pas été bonne pour ses articulations et il craignait de voir réapparaître les rhumatismes qui l’avaient tant fait souffrir après la mort d’Isabelle.
- Douglas, dit le baron, nous allons passer au salon avec mon cousin. Vous apporterez le courrier dès que le facteur arrive. Merci pour cet excellent déjeuner.
- Où est Martine ? interrogea le comte
- Elle travaille déjà au dispensaire à l’entrée de service. Les bobos se soignent à partir de neuf heures, et il est dix heures, dit le baron qui se leva pour se rendre au salon tandis que Douglas débarrassait la table.
- J’espère, répondit le comte de Lorgeron, que mon lever tardif ne la dérange pas.
- Oh non, dit Douglas, en souriant. Madame la baronne est toujours très active et s’éveille tôt. Elle prend le petit-déjeuner à sept heures trente. Ensuite, elle va parler avec Emilia dans la cuisine au sujet du menu du jour. Puis, comme chaque matin, elle travaille au dispensaire jusqu’à midi.
Le comte de Lorgeron se leva à son tour, effaça d’un geste les miettes tombées sur son veston. Douglas ôtait les assiettes, les tasses, la cafetière en argent et les petites corbeilles en porcelaine de vieux Bruxelles contenant les croissants et les tranches de pain non consommés.
Lorgeron appréciait la tenue du jeune domestique : veste blanche immaculée, cravate noire sur la chemise, pantalon gris ni trop large ni trop long, bien coupé, et souliers du genre church très chic.
Il est gâté le petit, et il est sympa, se dit le comte. Tant mieux pour les La Maille. Ils devraient l’adopter. Il a plus d’allure que beaucoup de jeunes aristos que je connais.
Il pensa à son fils et une bouffée d’émotion l’envahit qu’il tenta de cacher en regardant par la fenêtre de la salle à manger.
Devant lui, la prairie et derrière elle, les grands étangs de Villiers avec les bosquets de bouleaux sur les rives. Sur l’eau sombre, il apercevait, malgré sa mauvaise vue, des canards sauvages nombreux qui se regroupaient avant un grand départ.
- On chasse les canards ici ? dit le comte à Douglas.
- Monsieur le baron n’aime pas qu’on dérange les canards car ils mettent de la vie sur les étangs. Si on les tire, il n’est pas évident qu’ils reviennent, ils sont légers et méfiants. Au moindre bruit, ils s’envolent. Par contre, si on les laisse en paix, ils s’habituent à notre présence et barbotent toute la journée devant le château.
- J’ai beaucoup chassé dans ma vie, dit le comte à Douglas. Tirer des canards en plein vol, ce n’est pas si facile.
Le domestique ne répondit pas, finit de débarrasser la table, plia la nappe, et la rangea dans la haute armoire de l’office.
- Douglas, appela Lorgeron.
- Oui, monsieur le comte ?
- Je n’ai pas eu très chaud dans mon lit cette première nuit car les bûches n’ont pas tenu longtemps. J’aurais dû me lever à deux heures du matin pour recharger le feu, mais je dormais. Pourriez-vous ajouter sur le lit deux couvertures et demander qu’on place une bouillote dans le lit vers vingt-deux heures ?
- Je n’y manquerai pas, répondit Douglas.
Le comte resta seul. Mais avant de rejoindre son cousin au salon, il préféra prolonger la conversation encore quelques minutes avec Douglas, pour satisfaire sa curiosité.
Chapitre 4
Si pour le baron et la baronne de La Maille, Douglas était un serviteur apprécié, ils ignoraient que le beau Douglas avait une vie amoureuse, ce qui est bien normal à son âge. Il avait rencontré un samedi soir, qui était son jour de congé hebdomadaire, une jeune fille non européenne de dix-sept ans, Kalia. La première fois qu’il l’aperçut assise, attablée dans le café La Belle Meuse où d’autres jeunes étaient réunis, il eut le coup de foudre. De sa vie, il n’avait jamais vu un plus beau visage. Elle était grande, élancée, une chevelure noire encadrait le visage très pur et descendait sur les épaules. Ses yeux sombres comme des flammes dans la nuit et sa bouche très rouge ravirent son esprit, son cœur et son corps. Son cœur battait fort quand il lui parla. Elle habitait la cité de Botton avec ses parents et deux frères plus âgés, célibataires, qui travaillaient dans les chemins de fer. Elle terminait des études à l’Institut Sainte Marie de Namur qui était obligé légalement d’inscrire comme élèves des jeunes filles non catholiques pour l’obtention des subsides indispensables. C’était la mixité sociale.
La jolie fille ne resta pas insensible au charme de Douglas.
Ils parlaient de tout avec animation, se découvrant l’un à l’autre, malgré l’horrible musique qui retentissait dans le café. Le moindre des mots de Kalia, le moindre de ses gestes, ses regards, le jeu de ses mains et de ses bras nus, émouvaient Douglas. Il la désirait fort, c’était évident.
Kalia, elle, était étonnée par la distinction de Douglas, par ses cheveux bruns, ses yeux gris rieurs et son sourire doux qui la remplissaient d’un sentiment nouveau qu’elle n’avait jamais connu.
Quand il lui dit qu’il était majordome au château de Villiers-sur-Meuse, elle battit des paupières car elle le croyait étudiant à l’université ou déjà dans les affaires, mais elle ne posa pas de question au sujet de sa profession ni sur le pourquoi de sa présence au château.
Elle s’excusa un moment et se rendit aux toilettes. Il l’attendit. Elle revint et, très discrètement, lui glissa un papier plié en deux dans la main en fermant les yeux pour lui faire comprendre que tout devait rester secret entre eux.
Elle avait écrit : « Douglas, je ne puis te rencontrer qu’à l’insu de ma famille car mon père et mes frères ne veulent pas que je fréquente un européen. Je te demande la prudence. Comprends-moi stp ». Signé : Kalia,
Ils se levèrent en même temps que le groupe de jeunes. Tout le monde se disait au revoir et s’embrassait. Douglas posa ses lèvres sur la joue de la jolie étrangère et s’éclipsa.
Depuis cette rencontre, ils parvenaient à se retrouver seuls à Namur le samedi après-midi, entre quatorze et seize heures dans un petit café Le Joyeux Namur situé sur le piétonnier près de l’église Saint Loup. Ils se tenaient la main, se regardaient intensément. Il découvrait le goût de sa bouche, ses baisers parfumés, et elle, elle aurait désiré qu’il la prenne nue dans ses bras.
Ils dégustaient des scampis au safran accompagnés de riz et de tomates fraîches. Elle ne buvait pas de vin mais du Vittel. Pour lui, une bière suffisait. Il payait l’addition car une élève de dix-sept ans à l’Institut Sainte Marie n’a pas beaucoup d’argent.
Ils étaient toujours aux aguets, craignant de rencontrer des résidents de la cité de Botton qui auraient immanquablement signalé les faits et gestes de la jeune fille à ses parents.
Douglas était pris par la beauté de Kalia, et donc de plus en plus amoureux, au point qu’il chercha une rencontre plus intense. Il proposa à sa belle de la voir un samedi soir entre vingt heures et vingt-deux heures.
- Mais où ? dit la jeune fille.
Douglas n’osa pas proposer une nuit à l’hôtel, par exemple dans un relai d’autoroute, où ils n’auraient rencontré personne de connu. Le mieux serait sa chambre au château à vingt heures un samedi soir quand ses maîtres le laissaient respirer, sans service le samedi, sauf cas exceptionnel toujours annoncé à l’avance.
- Dans la tour où personne ne vient jamais, dit Douglas à Kalia, nous aurons la paix. Le tout sera de n’être pas aperçus quand nous entrerons dans le château.
Douglas était conscient qu’il jouait avec le feu en taisant cette rencontre au baron et à la baronne. Mais son désir était plus fort que sa prudence.
Il n’avait pas eu beaucoup d’occasions de faire l’amour, et cette fille si jeune et si jolie était un cadeau du ciel.
Kalia, si elle désirait Douglas, n’était pas naïve et se doutait que dans la chambre de Douglas, elle verrait le loup. Mais sa curiosité de découvrir le château et le goût du risque furent deux motifs peut-être plus puissants que l’attirance sensuelle. Elle désirait respirer loin de son père et de ses frères. Elle inventerait qu’elle était invitée chez une amie pour préparer les examens.
Ils fixèrent le rendez-vous au samedi suivant.
Le comte de Lorgeron, avant de gagner le salon pour rejoindre son cousin, avait remarqué l’effervescence du garçon.
- Tout va, Douglas ?
- Oh oui, monsieur le comte, la vie est belle.
- Profitez de votre jeunesse, car la vie est courte. Avez-vous une petite amie dans le village ?
- Oui, mais rien de sérieux encore, répondit Douglas qui piqua un fard.
- Moi, dit le comte, je n’ai eu qu’une seule femme, mon épouse, qui fut assassinée, il y a cinq ans à Paris.
Douglas ignorait le drame et se le fit raconter par Lorgeron, lequel termina le récit par une conclusion : « Depuis lors, je me méfie des voyous de plus en plus nombreux dans les villes ! »
Douglas était mal à l’aise. Il préféra se taire. Mais il avait vu le comte de Lorgeron sortir un mouchoir de sa poche pour se moucher.
- Et vous ne savez pas ce qui a suivi ?
- Non, dit Douglas.
- Mon fils Jérôme, qui venait d’être accepté comme avocat au barreau de Paris, a disparu trois mois après la mort de ma femme et on ne l’a jamais retrouvé malgré des recherches dans toute la France. Je n’y comprends rien. Est-il mort ? Est-il vivant ? Je ne puis le dire.
Douglas s’approcha du comte et posa une main sur l’épaule du vieillard qui baissait la tête.
- Courage, monsieur le comte, monsieur le baron et madame la baronne vous aiment bien. Et je suis là pour vous aussi.
Le comte de Lorgeron prit la main de Douglas.
- Je te remercie de ta gentillesse. Tu es un bon garçon.
Il quitta la salle à manger pour rejoindre le baron de La Maille qui lisait les journaux dans le grand salon où brûlaient trois bûches de hêtre dans le grand feu ouvert.
- Savez-vous, mon cousin, dit le comte, que je suis un vague parent d’Henry de Montherlant, l’écrivain français qui s’est suicidé en 1972 ?
- Oui, on me l’avait dit, mais j’ignore comment vous vous rattachez à lui.
- Je suis apparenté aux comtes de Coëtnempren de Kersaint par ma mère. Vous savez que nous avons du sang breton. Comme Montherlant dont l’arrière-arrière-grand-mère était Coëtnempren de Kersaint.
- Vous l’avez connu personnellement ?
- Il était très sauvage, ne voyait que ceux ou celles qu’il acceptait de rencontrer car il détestait perdre son temps. Je l’ai vu à plusieurs reprises et notamment après la guerre. Il a accepté l’invitation que mon beau-père lui avait adressée pour mon mariage. Mon beau-père, le duc de D…, fut un de ses grands amis. Ils riaient beaucoup quand ils se retrouvaient. Je vous parle de Montherlant à propos de ce que vous m’avez rapporté sur les évènements de Bruxelles, les incendies criminels de maisons...
- Oui ?
- Montherlant avait annoncé la catastrophe depuis longtemps. Il annonçait les temps infâmes, les perdita tempora. Nous y sommes en plein. Vous avez lu Le Chaos et la nuit de Montherlant ?
- Oui, dit le baron, c’est un chef d’œuvre.
- Ce génie ne se faisait pas d’illusion sur notre avenir.
- On le lui a fait payer à la fin de sa vie, répondit le baron. Et après sa mort, ce fut pire encore. Et qui l’a défendu ?
- Mon beau-père le défendait toujours car il le connaissait bien. Montherlant était un homme extraordinaire qui nous faisait rire beaucoup. Le chauffeur du Duc allait le chercher Quai Voltaire à Paris car il ne conduisait pas. On était obligé de le ramener le soir même chez lui sinon il se sentait mal. Il détestait la campagne. Un grand nerveux mais ô combien attachant ! Figurez-vous qu’il avait les poches remplies de bouts de papier sur lesquels il écrivait quand il n’était pas chez lui. Ma belle-mère la duchesse craignait qu’elle ne lui serve de modèle. Il essayait de la rassurer.
- J’ai beaucoup lu Montherlant, dit le baron. Martine le juge déprimant. Moi je le trouve excellent. Un des meilleurs du vingtième siècle, méprisé par l’Université car les universités sont dirigées par des progressistes qui préfèrent les Beckett, Ionesco, Camus ou Boris Vian, tous surfaits, tous ennuyeux et sans style. Or la beauté du style est essentielle. Montherlant est un immense poète.
Les salons du château de Villiers-sur-Meuse étaient vastes. Le grand salon avec ses murs recouverts de soie vieux rose était meublé classiquement, Louis XV et Louis XVI, sans objets modernes qui auraient dénoté. Les La Maille ne prenaient pas de risque à ce sujet.
Aux murs, des tableaux d’ancêtres peints par Van Dyck et par Jordaens qui donnaient à l’ensemble une atmosphère un peu austère s’il n’y avait pas les superbes bouquets cueillis dans le potager par Martine qui adorait les fleurs et connaissait l’art de les assembler. Des tapis d’Aubusson s’étalaient sur les planchers. Deux grands canapés de style Charles X en noyer clair, dont les sièges étaient recouverts d’un velours bleu noir, se faisaient face, séparés par une table basse taillée dans le verre sur laquelle s’étalaient revues, livres et journaux. Cette table était la seule concession contemporaine dans ce salon occupé par des commodes, des fauteuils, et des chaises de style château.
Aux fenêtres des tentures aux couleurs d’or et de bronze descendaient jusqu’au plancher, retenues de chaque côté par des cordons que les châtelains dénouaient le soir pour ne pas être vus. La grand-mère du baron aimait raconter l’histoire d’une marquise de Chasteleir qui avait été assassinée dans son salon d’un coup de fusil tiré le soir de l’extérieur par son garde-chasse. Depuis, la famille de La Maille insistait pour fermer les volets et dénouer les cordons qui rattachaient les rideaux quand la nuit tombait.
Prolongeant le grand salon, il y avait un second salon plus petit, dit le fumoir, - même si les hôtes n’y fumaient jamais -, où un écran de télévision, une chaîne hi-fi, et le bureau du baron étaient installés avec trois fauteuils club en cuir. Sur les murs du fumoir, le baron avait accroché trois grandes toiles ensoleillées d’impressionnistes belges.
C’est là que les époux se tenaient après le déjeuner et après le dîner s’ils n’avaient pas d’invités.
Les deux cousins devisaient dans les canapés Charles X du grand salon quand Douglas vint apporter sur un plateau d’argent le journal La Libre Belgique et des lettres qu’il présenta au baron de La Maille.
Celui-ci regarda les lettres.
- Une lettre pour vous, dit-il au comte de Lorgeron.
Il la tendit au comte qui n’aimait pas recevoir de lettres toujours sources d’embêtements.
- La nouvelle de ma présence chez vous a déjà fait le tour de la terre, dit le comte.
Il ouvrit la lettre qui était postée de Paris et lut :
Paris le 2 novembre,
Au comte de Lorgeron
Cher Monsieur,
J’ai une grande nouvelle à vous annoncer, tout à fait inattendue et qui vous remplira de joie. Votre fils Jérôme a été retrouvé. C’est ce que m’a annoncé ce matin la Police judicaire. Il serait actuellement en Afghanistan dans la Légion étrangère où il se serait engagé d’un coup de tête après l’assassinat de madame la comtesse, votre épouse. Il se conduit brillamment et est très apprécié de ses chefs. Il sert sous le nom de Max Dandelot en qualité de sergent. Il a été légèrement blessé au cours de combats mais il est complètement remis.
On me signale qu’il rentrerait en France prochainement. Je ne puis vous dire à quelle date. Je le reverrai à son retour pour apprendre s’il est encore disposé à faire une carrière au barreau et dans mon cabinet.
Vous savez que je l’appréciais beaucoup. Je ne juge pas ses motivations ni ses silences. Je suis conscient que cette grande nouvelle vous bouleversera. Mais votre fils est vivant ! Dieu soit loué.
Je vous prie de croire, cher Monsieur, à mes sentiments les plus distingués.
Signé : Maître Eric Pluvier, Avocat au Barreau de Paris.
Le comte poussa un cri et laissa tomber la lettre de l’avocat à ses pieds. Il s’affaissa sur lui-même, glissa sur le côté du canapé et chuta la tête en avant sur le tapis d’Aubusson.
Le baron de La Maille se précipita, criant : « Douglas, allez chercher la baronne au dispensaire, le comte se sent mal ».
Dix minutes plus tard, Martine arrivait, accompagnée du médecin de Villiers-sur-Meuse, le docteur Lançot, dont c’était le jour de consultation.
Le comte revenait à lui, très pâle. Le médecin constata une tension trop basse, sortit une seringue de sa valisette et fit une piqûre pour soutenir le cœur. Ensemble, ils allongèrent le père du légionnaire sur un plaid écossais et lui relevèrent un peu la tête sur un coussin du canapé.
- Excusez-moi dit le comte qui se remettait, mais le choc est brutal. Lisez cette lettre, mon fils est retrouvé. Incroyable miracle. Mais pourquoi ce silence de quatre années ? Je ne comprendrai jamais mon fils unique ! »
Martine lisait la lettre de l’avocat Pluvier qu’elle tendit ensuite à son mari :
- Pour un miracle, c’en est un fameux ! Votre fils qu’on croyait mort est ressuscité ! Merci Seigneur ! Merci à la Divine Providence !
Martine exultait. Elle embrassa le comte de Lorgeron sur les joues.
- Nous allons déboucher le champagne. Docteur Lançot, notre ami le comte de Lorgeron a retrouvé son fils disparu qui sans rien dire s’était engagé à la Légion étrangère. Il sert en Afghanistan ! Il faut sortir le champagne. Douglas, apportez les coupes et ajoutez une chaise à table pour le docteur afin qu’il se réjouisse avec nous. Prévenez Emilia que nous serons quatre pour le déjeuner.
Douglas sortit du salon. Que d’imprévus magnifiques. Un père retrouve son fils. Et lui, il avait rencontré Kalia qu’il reverrait bientôt.
Le comte reprenait pied, des couleurs ravivaient ses joues malgré quelques frissons qui montaient de temps en temps des reins à la nuque.
A quatre-vingt ans, pensait le comte, être confronté à un tel évènement, c’est incroyable. Isabelle, au Ciel, doit être heureuse que notre fils qu’on croyait perdu soit retrouvé. C’est la parabole du Christ, l’histoire du père, du fils prodigue et du veau gras ! Mais Jérôme n’était pas un voyou. Pour le veau gras, ce sera à Emilia de le rôtir à la broche !
Ses pensées s’entrechoquaient. Sans doute avait-il un peu de fièvre. Pris froid la nuit dans cette tour ? Vais-je les prier de changer de chambre ? Il ne faut pas attraper une pneumonie et mourir avant de revoir Jérôme. Il demanda un porto pour se réchauffer. Pas de champagne car le champagne le rendait triste. Et il était triste, affreusement triste, de n’être pas avec Isabelle pour fêter le retour de leur fils et affreusement triste de n’avoir pas compris le pourquoi de la si longue absence de Jérôme. Que faire ? Il n’avait pas su, pas pu, lui exprimer son amour de père et le fils qui ne recevait pas l’affection de son muet de père, avait sans doute craqué à la mort de sa mère et tout jeté par-dessus bord. S’engager à la Légion, c’était vraiment une sorte de suicide.
Mais lui, Lorgeron à Saumur en juin 1940, avec ses deux mille cinq cents camarades, avec quelques pièces d’artillerie, les cinq canons de 75 mm, les treize canons antichars et les quinze mortiers pour tenir quarante kilomètres de front, avec les mitrailleuses et les dix blindés, ils firent face durant trois jours à deux divisions allemandes, alors même que le Maréchal Pétain venait d’annoncer la demande d’armistice et d’appeler à cesser le combat.
Lui Lorgeron et ses chers camarades, sous-équipés et inexpérimentés, ils avaient risqué leur vie dans un dernier baroud pour défendre les quatre ponts et freiner le passage des troupes allemandes sur la Loire. Ils s’étaient battus pour l’honneur de la France. En face, quarante mille allemands avec leurs trois cents pièces d’artillerie et cent cinquante blindés et des avions qui piquaient sur les positions françaises le long du fleuve. Les pertes françaises ? Deux cents cinquante tués ou blessés et deux cents dix- huit prisonniers.
Et Jérôme, lui, en Afghanistan, il se battait pour qui, pour quoi ? Pour les Amerloques ?
Lorgeron connaissait par cœur la déclaration du Général Weygand datée du 24 Août 1940, dont il gardait toujours une copie dans son portefeuille :
Citation à l’Ordre de l’Armée de l’Ecole Militaire d’Application de la Cavalerie et du Train : « Sous le Commandement du Colonel Michon, reflétant l’âme de son Chef, l’Ecole Militaire et d’Application de Cavalerie et du Train de Saumur a combattu les 19, 20, 21 juin 1940, jusqu’à l’extrême limite de ses moyens de combat, éprouvant de lourdes pertes, prodiguant les actes d’héroïsme et inscrivant dans les fastes de la Cavalerie une page digne entre toutes de son glorieux passé ;
A suscité, par sa bravoure l’hommage de son adversaire ».
Signé à Vichy le 24 Août 1940, Le Général Commandant en Chef
Weygand.
Pour sa conduite au feu, le comte de Lorgeron grièvement blessé avait reçu la Croix de Guerre.
Et Jérôme blessé chez les Afghans ? Quelle décoration rapportera-t-il ?
Lorgeron était fatigué par le choc que lui avait causé la lettre de l’avocat Pluvier. Il entendait Martine parler fort, joyeuse et sûre d’elle, mais lui, il regardait devant lui, sans rien dire, buvant par petites gorgées le porto rouge qui le réchauffait.
Ils passèrent ensuite à table avec le docteur Lançot qui n’était pas à l’aise et qui en rajoutait.
Lorgeron ne disait rien et mangeait à peine. Douglas servait et desservait. Il lui avait dit tout bas en lui présentant la mousse au chocolat : « Vous allez mieux ?»
Non, Lorgeron n’allait pas mieux, il était triste.
(A suivre)
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mar.
04
juil.
2023
Le comte de Lorgeron
un récit de Henri de Meeûs
Chapitre 1
J’avais entendu parler du comte de Lorgeron, l’aristocrate français qui s’était réfugié dans le château de cousins belges au bord de la Meuse, entre Namur et Dinant.
Agé de quatre-vingts ans, il était fatigué par les épreuves. Une des plus pénibles, cinq années auparavant, fut la mort de son épouse attaquée à Paris par des voyous lorsqu’elle se promenait un après-midi dans le Jardin des Tuileries avec son petit fox-terrier. Elle résista. Et pan, un coup de batte de base-ball dans le visage pour lui faire lâcher prise. Elle s’écroula, le crâne et la mâchoire fracturés. Son sac et ses bagues furent arrachés. Le petit fox retenu par la laisse qu’elle tenait dans sa main crispée reçut quelques coups de pieds, mais survécut. La comtesse mourut dans l’ambulance. Les agresseurs ne furent jamais retrouvés.
Jérôme, le fils unique du comte et de la comtesse de Lorgeron, quelques mois après la mort tragique de sa mère, disparut brusquement sans prévenir son père, ses oncles et tantes, et ses amis. Aucune lettre. Aucun message. On ne le revit plus. La police enquêta. Des affiches furent placardées dans toute la France. Peine perdue. Rien. Aucune nouvelle de lui vivant ou mort.
Ce fut le second drame.
Le comte de Lorgeron, au lieu de se morfondre dans son appartement parisien, préféra une retraite sur la Belgique chez des cousins qu’il aimait et qui, par leurs lettres et leurs conversations téléphoniques, essayaient de lui remonter le moral.
Il quitta Paris et s’installa un mois de novembre chez le baron et la baronne de La Maille qui le logèrent au premier étage dans la tour de gauche de leur château de Villiers-sur-Meuse. Il disposait d’un petit salon avec un feu ouvert alimenté par les bûches d’arbres tombés dans le parc suite aux tempêtes qui se succédaient depuis septembre. Les fenêtres du salon donnaient sur des prairies bordées d’étangs vastes et poissonneux. « Vous pourrez pêcher si le cœur vous en dit », avait écrit le baron de La Maille. A côté du salon, une chambre à un lit, avec un minuscule escalier de cinq marches qui communiquait avec une salle de bains cachée derrière une porte de chêne. Il y avait au second étage de la tour, un bureau où le comte de Lorgeron pouvait ranger ses livres dans une bibliothèque.
Là aussi un feu ouvert et des bûches pour se chauffer. A côté du bureau, un petit w-c éclairé par la vitre d’une meurtrière.
Son installation ne fut pas compliquée. Au volant de sa vieille Jaguar, et Jimmy le fox assis à la place du mort, il précédait une camionnette qui déménageait un bureau, un fauteuil confortable, deux caisses de livres, une chaise, trois tableaux de paysages, un portrait de femme peint par Degas auquel il tenait beaucoup, et trois valises contenant les costumes, le linge, les souliers, les chemises et les lainages.
Il apportait avec lui un fusil de chasse calibre 12 et une carabine qui avait servi à tuer le gros gibier en France, en Belgique et en Afrique du temps où il était jeune et chassait beaucoup.
Ses cousins lui avaient dit que les murs de la tour étaient libres et que les tableaux seraient suspendus là où il le désirerait. Ce fut fait comme il le souhaita : les trois paysages dans le salon de la tour et le Degas dans la chambre à coucher. Il avait accroché aussi, face à son bureau du second étage, un Christ en buis très beau qu’il regardait souvent. Le reste du mobilier contenu dans l’appartement de Paris fut placé en garde-meubles afin de libérer l’appartement qu’il avait vendu.
Durant son séjour, le comte de Lorgeron aimait la campagne et le silence, les oiseaux, les dessins inattendus des nuages sous le vent, les promenades lentes accompagnées du vieux fox tenu en laisse, le bavardage avec le jardinier qui travaillait dans les parterres d’où surgiraient de multiples fleurs du printemps jusqu’à la fin de l’automne, les lapins qui le soir sortaient des taillis et s’amusaient avec des jeux et des courses dans la grande prairie en face du château. Ces joyeux lapins hypnotisaient le fox-terrier Jimmy qui tremblait d’excitation, prêt à bondir comme dans sa folle jeunesse quand il courait les lapins dans les sous-bois.
Lorgeron aimait regarder les poules d’eau sur l’étang toujours à fureter entre les joncs, avec leurs mouvements de petite mécanique, à gauche et à droite, suivies de leurs poussins noirs à bec jaune et à pattes rouges. Il y avait aussi l’arrivée du héron cendré qui passait le soir lentement au-dessus des arbres et guettait sa nourriture au milieu des eaux verdâtres de l’étang, ce qui suscitait la colère des autres oiseaux, choucas, ramiers, merles, qui l’attaquaient en vol, pareils à des avions de chasse harcelant un bombardier.
Le baron de la Maille, châtelain de Villiers-sur-Meuse, était à la retraite sans avoir encore atteint la soixantième année. Il était grand, sportif, blond roux, portant un peu le genre anglais, toujours habillé de costumes de tweed ou de flanelle qu’il commandait à Bruxelles chez Brosowski, un tailleur visité chaque année avant l’automne.
L’épouse du baron, née Martine Sorgeloo, était la fille unique de riches brasseurs. Le couple n’avait donc aucun problème d’argent et vivait confortablement dans leur grand château.
Un jeune homme de vingt ans, Douglas, était le domestique qui les servait à table, le matin en veste blanche et gants blancs, le midi et le soir en livrée noir et or et gants blancs. La livrée portait des boutons armoriés. Il logeait au château parce qu’il avait été recueilli orphelin à huit ans par les châtelains suite à une conversation de Martine avec le curé du village qui l’avait informée d’un cas social : un enfant devenu orphelin et sans famille suite au suicide de ses parents qu’on avait retrouvés pendus dans leur grenier.
Martine avait veillé à ce qu’il reçût une bonne éducation et un enseignement correct à l’école du village qu’il quitta à quinze ans pour les servir. Il donnait entière satisfaction.
Les châtelains avaient prévenu le comte de Lorgeron qu’il pourrait compter sur Douglas pour toute l’aide domestique.
L’entretien et le nettoyage du château étaient assurés par une femme du village qui venait chaque matin accompagnée de sa fille de douze ans, simplette, mais heureuse d’aider sa mère qui ne la bousculait pas. Dans la cuisine régnait Emilia la cuisinière, grosse femme au regard doux, aux cheveux gris, fin cordon bleu, qui logeait au troisième étage sous les combles, dans une petite chambre dotée d’un lavabo avec l’eau chaude et l’eau froide et un chauffage électrique d’appoint pour les soirées plus froides.
Chaque matin, Emilia se levait à six heures. Elle descendait l’escalier de service à six heures et demie et entrait souveraine dans le couloir des sous-sols qui menait à la vaste cuisine éclairée par de hauts et nombreux soupiraux. Elle allumait les feux du four qui restaient actifs toute la journée pour la cuisson des plats que la baronne et elle avaient programmés la veille en tenant compte des goûts du baron. Les recettes manuscrites sur des feuilles jaunies rédigées du temps de la grand-mère du baron étaient numérotées et attachées avec du papier collant sur un tableau noir près de la porte, non loin du four.
Le château était vaste et silencieux. Les La Maille auraient préféré entendre des cris d’enfants dans les étages et sur le pourtour du château, les voir s’amuser à bicyclette dans les avenues et les chemins, pagayer sur l’étang dans la barque rouge. Mais la baronne n’avait pas eu d’enfants. Hélas. Il fallait l’accepter.
Le baron refusait toute idée d’adoption et la baronne n’avait pas insisté. « Je ne constate que des échecs avec les adoptions », lui disait-il. Elle aimait de tout son cœur son mari et refusait qu’une tension surgisse entre eux. Tout se passait bien dans ce couple.
C’est pourquoi la baronne, avec l’accord du baron, avait dit oui au curé au sujet d’un emploi au château pour l’orphelin Douglas. Le baron était satisfait de l’intérêt que portait sa femme à l’éducation du garçon. Il la sentait heureuse. Et on ne parlait plus d’adoption.
Douglas logeait au second étage de la tour située à l‘autre extrémité du château par rapport à la tour de gauche où s’était installé le comte de Lorgeron.
Douglas était beau. C’était l’évidence. Son allure pleine de charme et de discrétion enchantait ses maîtres ravis d’être servis par un majordome que les invités leur enviaient autant pour sa gentillesse, son sourire, son visage honnête, que pour l’efficacité du service.
Douglas réussissait à merveille à dresser une table avec les couverts en argent, les cristaux, les assiettes de la plus fine porcelaine, ou pour présenter, une main derrière le dos, les plats ou la saucière aux invités en évitant les taches sur la nappe brodée. Douglas avait l’œil à tout. Il s’occupait des vins après en avoir parlé au baron qui lui confiait les clefs de la cave; il débouchait les bouteilles, goûtait à l’office le bourgogne ou le bordeaux choisi en gardant en bouche une petite gorgée qu’il recrachait ensuite dans l’évier.
Il devenait un vrai connaisseur et donnait des conseils.
« Douglas est mon échanson », disait le baron de La Maille à ses invités. Douglas nettoyait l’argenterie une fois par mois sous l’œil de la baronne qui s’asseyait parfois à côté de lui à l’office pour donner le dernier éclat, au moyen d’une peau de chamois, aux pièces d’argenterie spectaculaires et anciennes telles les chandeliers dressés sur les commodes du grand salon. Une des grandes qualités du jeune domestique était son don pour le bricolage : plomberie, fuite d’eau dans les w-c, pannes électriques, arrêt intempestif de la chaudière à mazout, et j’en passe.
Il était habile à déjouer les pépins techniques. Le baron au contraire en avait horreur, ne voulant pas même les considérer car totalement maladroit face aux tâches manuelles et ne trouvant son équilibre que dans les arts, les lettres et la chasse. La chasse sur son domaine de bois et de prairies qui s’étendait sur le territoire de deux communes. Le baron, chaque premier samedi du mois, visitait les antiquaires du Sablon à Bruxelles.
-Il est parfait, disait Martine de La Maille à ses amies qui admiraient le travail du domestique.
Le baron de La Maille lui versait des gages généreux auxquels s’ajoutaient les étrennes du Nouvel-An augmentées chaque année. Douglas témoignait à ses maîtres fidélité et reconnaissance.
Puisse le lecteur (ou la lectrice) chasser la pensée que le jeune Douglas jouerait dans ce récit le rôle du serviteur destiné aux plaisirs de ses maîtres tel que fut décrit ce type de personnage, souvent victime consentante, dans les textes effroyables du marquis de Sade.
Chapitre 2
Le comte de Lorgeron avait été un homme plein d’énergie.
Jeune aspirant de réserve dans la cavalerie à Saumur, il prit part à la défense héroïque des 18 au 20 juin 1940 en ralentissant avec ses camarades la traversée de la Loire par les Allemands. Grièvement blessé, il fut hospitalisé dans les environs durant plusieurs mois sans être inquiété par la Gestapo. Il rencontra sa future femme, Isabelle de D…, dans l’hôpital où, infirmière, elle venait chaque soir refaire les pansements, contrôler les températures et nourrir les blessés.
Elle était la fille du duc de D…, jeune, jolie, espiègle, et faisait rire Lorgeron qui déprimait à cause de la défaite et de sa trop lente remise en forme. Convalescent, il fut invité par les parents d’Isabelle à passer les quinze derniers jours de septembre 1940 dans le château de celle qui deviendrait bientôt sa fiancée. Il marchait à petits pas, avec une canne dans les avenues du parc, et Isabelle le soutenait de son bras.
Rétabli, Lorgeron commença en 1941 une activité de résistant en approchant les cercles de Jean Moulin. Il échappa à plusieurs arrestations, ce qu’il mettait sur le compte de son instinct de chasseur ; il flairait les pièges et les situations troubles. Cela lui permit d’avertir à temps plusieurs camarades de ne pas se rendre à tel ou tel rendez-vous où la Gestapo se tenait en embuscade. Comme à Caluire où Jean Moulin fut piégé. Mais pas le comte de Lorgeron.
Après la guerre, il se maria avec Isabelle de D…
Ce fut un grand mariage très chic. Lui en uniforme et décorations avec la croix de guerre, elle dans une longue robe de mariée, immaculée, qui mettait en valeur sa ligne, son corsage et ses bras. Elle était ravissante.
Les invités, pour rien au monde, n’auraient refusé une invitation du duc et de la duchesse de D… Les villageois furent priés l’après-midi à un grand goûter dans la prairie devant le château.
Ils entendirent le discours du duc qui se réjouissait du mariage de sa fille unique avec un héros de guerre.
Bien accueilli par ses beaux-parents, le comte de Lorgeron passa la première année de sa vie d’homme marié dans le château du duc et de la duchesse. Il aimait sa femme qui le lui rendait bien. Excellent ménage, les époux sortaient dans la meilleure société, et même dans les milieux officiels détestés par le duc, son beau-père.
Ses amis dans les partis de droite proposèrent à Lorgeron un siège de député qu’il finit par obtenir en 1947.
La politique le déçut et il ne s’affirma guère à ce poste où son esprit individualiste était contrarié par l’intérêt du parti et les consignes de vote. Il finit par démissionner.
Sa femme et lui décidèrent d’habiter à Paris. En 1948, Isabelle attendit un enfant. Ce sera un fils, Jérôme - fils unique - élevé par une gouvernante, et qui étudiera à Sainte-Croix-de-Neuilly.
C’est la période où, fortuné, le comte de Lorgeron chassait beaucoup, préférant la chasse à une activité professionnelle régulière dans une banque ou dans un organisme public. Faute d’un diplôme universitaire, la guerre ayant perturbé ses projets d’études, il lui manquait les papiers indispensables pour être engagé dans les affaires à un poste de responsabilité.
Mais il était cultivé ; le moment qu’il appréciait le plus était celui de se retrouver dans son bureau bibliothèque tandis qu’Isabelle faisait de la peinture dans un petit atelier aménagé au fond de leur vaste appartement avenue Montaigne. Elle rencontra des peintres. Certains réalisèrent son portrait.
Libéré de corvée professionnelle, le comte de Lorgeron chassait dans le monde entier. En Europe d’abord, petit gibier et gros gibier, faisans, perdreaux, lièvres, lapins, chevreuils, cerfs, sangliers, mouflons, tétras, grouses, gibier innombrable abattu par centaines de bêtes innocentes, au cours d’innombrables journées de chasse à la fin desquelles les chasseurs entourés des traqueurs s’admiraient en posant devant leurs trophées.
Il y eut une période Afrique, notamment au Congo belge, pour tuer les buffles, les gazelles, les lions, les éléphants, certaines espèces n’étant pas encore protégées. Cela donnait des émotions. Il marchait dans la savane ou la forêt, escorté de boys et de porteurs chargés comme des mules.
Il avait même tiré un hippopotame sur un lac à bord d’une longue barque qui s’était approchée silencieusement de l’animal endormi. Pour chaque victime abattue, les indigènes, les bras couverts de sang,
riaient, chantaient et découpaient sur place la bête pour se partager les meilleurs morceaux en roulant des yeux.
Durant ces longues chasses, Isabelle restait à Paris avec son fils, une servante et un chien. Elle ne s’ennuyait jamais et le week-end, elle logeait avec Jérôme dans le château de ses parents à D…
Il ne venait pas à l’idée d’Isabelle que son époux puisse lui être infidèle dans ces contrées lointaines, comme le comte de Lorgeron ne pouvait supposer que sa femme le trahisse.
Chaque fois qu’il rentrait de ses chasses, Isabelle et lui se retrouvaient avec passion, mais leur amour était un amour taché par le sang des créatures de Dieu tirées par la carabine du comte, les innocentes chéries du Créateur pour lesquelles, seul, je verse des larmes.
Les époux-amants n’étaient pas conscients du ruissellement de sang des animaux massacrés. Pour les victimes vidées de leur existence, elles qui n’aimaient rien que le soleil, la lumière, l’eau fraîche d’un lac, c’en était fini à jamais de brouter les herbes délicieuses, de poursuivre des proies pour leur repas, de vivre, de vivre, de vivre, de nourrir leurs petits, d’engrosser leur amour sur cette planète habitée par des chasseurs vampires. Le soir, ces créatures si belles, si admirables, étaient allongées couvertes de sang, raides et mortes, dans les alignements de cadavres exposés pour la gloire du héros de Saumur. Horreur de ce monde, horreur de ces meurtres considérés comme un passe-temps par ceux qui payeront ces tueries après leur mort. S’il y a une justice.
Le fils unique, Jérôme, grandissait, voyait peu son père à qui il n’avait rien à dire, et le père, tendu dès qu’il était seul en face de lui, disait des banalités. Ils se saluaient le matin. Le fils embrassait son père sur la joue, disait bonjour Papa, le père répondait bonjour mon fils. C’était tout. Il est difficile pour un père d’aimer son fils, de lui dire je t’aime, cela ne passe pas dans la gorge paternelle.
La timidité du père paralyse le fils qui, petit enfant, se blottit contre son père mais celui-ci d’une main distraite lui caresse la tête, puis dit :
« Va jouer, j’ai du travail », alors qu’il n’a rien d’autre à faire que de lire une revue.
La mère intervenait : « Ne dérange pas ton père ». Le fils allait jouer ou lisait un livre de contes ou partait à bicyclette en pensant à mille choses, à ses études, à ses amis de collège, aux professeurs, aux examens à réussir.
Jérôme entre quatorze et dix-huit ans passait beaucoup de temps à étudier. Il était bon élève, sérieux, appliqué. Il aimait beaucoup son grand-père le duc de D… qui l’invitait à passer les deux mois de grandes vacances dans son château. Fabuleux souvenirs. Il parcourait les campagnes, les champs fauchés et les chemins boisés, à cheval aux côtés de son grand-père qui fut un des meilleurs cavaliers de son temps, un champion de sauts d’obstacles et une médaille d’or de jumping aux Jeux Olympiques de Stockholm en 1912.
Ils galopaient dans les chaumes, le duc sur un haut cheval blanc, et lui sur une jument brune, rapide et nerveuse. Les cultivateurs les saluaient de loin car ils aimaient leur duc qui les avait toujours défendus, qui ne les exploitait pas, qui les connaissait tous.
Le duc parlait à son petit-fils comme à un ami et toute la tendresse qu’il ne recevait pas de son père, Jérôme l’obtenait du duc, qui parfois le tenait serré contre lui en disant : « Je t’aime, Jérôme, je suis fier de toi, continue comme cela ». Le comte et la comtesse de Lorgeron savaient que leur fils était pleinement heureux auprès de ses grands-parents. Et ils n’étaient pas jaloux.
A seize ans, Jérôme vécut une amitié intense avec un camarade de collège, Michel Bariel, d’un an plus jeune, élève de la classe en-dessous de la sienne. Ils se parlaient dans la cour de récréation de Sainte-Croix-de-Neuilly, s’écrivaient des lettres passionnées où ils se confiaient mille choses. Ils montaient à cheval et jouaient au tennis dans les mêmes cercles.
Pour ses seize ans, Jérôme reçut la permission d’inviter son ami chez le duc pour quelques jours. Là, malheureusement, Michel Bariel prit froid, dût rester quelques jours au lit grelottant de fièvre, fut soigné par la duchesse et une gouvernante qui lui montaient des tisanes et des biscottes, et rentra à Paris tout pâle et amaigri. Pour Jérôme, cette invitation dont il s’était tant réjoui ne fut pas une réussite car les grands-parents lui avaient conseillé de ne pas visiter son ami dans sa chambre afin de ne pas tomber malade à son tour.
L’amitié des deux garçons qui était vive ne s’égara jamais.
Michel Bariel annonça à dix-huit ans qu’il entrait à la Trappe. Ce fut une désolation pour Jérôme qui ne comprenait pas une telle décision. Ils s’éloignèrent l’un de l’autre, leur correspondance traîna. Ils finirent par ne plus s’écrire.
Jérôme ne visita son ami qu’une seule fois dans son abbaye. Michel avait changé. Les yeux plus enfoncés, les maxillaires saillants, il parlait peu à Jérôme qui essayait de ranimer leur amitié. Le moine le conduisit à la chapelle, et après un grand signe de croix, demanda à son ami de prier avec lui quelques instants devant une statue de la Vierge. Jérôme aperçut quelques trappistes âgés, silencieux, agenouillés dans les stalles, qui les observaient. Il ne prolongea pas la visite et n’écrivit plus à celui qui avait choisi un chemin qu’il ne comprenait pas.
Après ses études à Sainte-Croix-de-Neuilly, Jérôme étudia le droit à la faculté de la rue d’Assas à Paris. Il réussit les cinq années sans problème.
Comme récompense, il reçut de ses parents un petit appartement situé dans le quartier, au huitième étage d’un immeuble à la façade blanche avec une cour intérieure et un ascenseur vétuste. De ses fenêtres, il voyait un panorama de la ville qui devenait féerique la nuit sous les multiples éclairages roses, bleutés, jaunâtres, avec des centaines de fenêtres allumées derrière lesquelles il imaginait des drames, des meurtres, des disputes ou des amours épouvantables.
Jérôme avait une forte imagination comme sa grand-mère la duchesse qui passait des heures à gribouiller des cahiers sur le bureau de son salon, près de son mari qui était son premier lecteur.
Jérôme après ses études effectua, boulevard de Sébastopol à Paris, un stage au cabinet de l’avocat Pluvier, homme de haute taille et de large carrure, spécialiste d’affaires pénales, très malin, mordant, pas impressionné par les magistrats à qui il en remontrait en matière de règles de procédure, ce qui lui permettait de faire passer certains clients à travers les mailles du filet judiciaire. Jérôme apprit beaucoup et notamment que les maîtres du barreau se détestent tous cordialement. Il noua avec son maître de stage d’amicales relations qui aboutirent à une participation comme associé dans le cabinet Pluvier.
Trois mois plus tard, sa mère, la comtesse de Lorgeron, contente d’avoir vu son fils prêter serment et revêtir la robe d’avocat, fut attaquée dans le Jardin des Tuileries par des voyous qui lui prirent la vie en même temps que son sac et ses bagues.
C’est quelques temps plus tard que Jérôme disparut sans laisser de traces. De même que les assassins de sa mère ne furent pas retrouvés, le fils ne donna plus signe de vie.
On comprend les interrogations douloureuses du comte de Lorgeron et son besoin de changer d’air.
(A SUIVRE, chapitre 3).
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
lun.
29
mai
2023
Poèmes
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Viendras-Tu ?
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J’aurais voulu te dire mon secret plus tôt
Avant que les nuages s’estompent
Et disparaissent.
Je tiens ta main pour le voyage
Si long, si lent, de la vie
Je ne Te demande rien
Sinon mille espiègleries
Dès le matin et parfois dans la nuit noire.
Ta douce voix me ravit
Se pose sur les mots
De l’Amour.
J’attends le passage de ta Seigneurie
Qui fait s’incliner les dos raidis
Puis lever les yeux tant éblouis.
Mon amour créateur, ne reste pas dans l’ombre
Il ne faut pas que je m’éloigne
Au risque de te perdre.
Gloire à tes anges qui me désaltèrent
M’entourent du parfum de ta présence
Je n’ai que Toi maître de l’univers,
Nos mains chaudes nouées l’une à l’autre
Je voudrais T’aimer davantage
Détailler les traits de ta face
Qui pourra m’en empêcher ?
Je n’ai que Toi, rien que Toi,
Ton absence me remplit
Personne n’égale ta beauté
Nous avons l’éternité pour nous aimer.
Des pigeons roucoulent dans l’arbre du jardin.
Ce sont les mêmes à chaque printemps.
Je t’attends, tout est calme
Viendras-Tu ?
Henri de Meeûs ,avril 2023
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A l’ermite
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Reviens, reviens de tes lointains séjours
Perdu trop jeune dans les méditations
Tu connais les ermitages qui surplombent la mer
Tu as quitté les villes et ton cœur est en feu.
Aux fêtes riches mondaines, tu as préféré le soleil
Tu as choisi le pur amour
Fuyant les rencontres d’un jour et la volupté menteuse
Pour les saintes douleurs.
Bel ermite tu refuses le vagabondage
Ta sagesse sans détour ranime mon âme,
Qui se plaint dans l’attente du baiser divin.
H de Meeûs avril 2023
L’amour n’insiste pas
___________________
L’amour n’insiste pas
Il passe son chemin
N’entend pas les appels
Ne regarde pas en arrière
Ne change pas le tracé de sa route.
Il faut l’attraper au vol
Il est sourd
Si tu pleures, si tu cries, il ne s’arrête pas
Il ne répond pas aux prières
Il est divin et susceptible
Il faut lui barrer le passage
Le regarder en face
Yeux dans les yeux.
Il faut une douce violence pour qu’il ne s’échappe pas
De tes bras, de tes mains.
Et prisonnier, l’entrer enfin dans ton cœur.
L’amour est comédien
Il aime qu’on l’affronte.
Crie dans ses oreilles et souffle dans sa bouche
Bouscule-le.
Sors toutes les cartes de son jeu
Attends qu’il te saisisse de la tête aux pieds
Ton âme se remplira d’une chaleur délectable.
A toi d’entretenir le feu de l’amour.
Négligé, il reprendra la route et te laissera sur le chemin.
Adieu mon bel amour, mon tendre amour
Ta course est infinie.
Henri de Meeûs, Avril 2023
******
Ils sont tous malades. Certains le savent, d’autres l’ignorent encore, mais ils ne perdent rien pour attendre. Personne n’échappera. Ceux qui vont mourir se traînent déjà dans les rues. On a caché la vérité. Les plus hypocrites sont les médias qui se taisent. Les médecins n’ont pas d’explications.
******
Changement dans les restaurants de la ville. De plus en plus de fermetures. Le prix des plats
et des menus a augmenté. La cuisine privée de bons chefs cuisiniers n’ouvre pas l’appétit des clients. Les serveurs se font rares. Depuis le Covid, beaucoup ont quitté le métier.
******
Les populations occidentales assistent tétanisées à cette guerre d’Ukraine déjà longue et meurtrière. Les pays européens membres de l’Otan sont très contents de ne pas être en première ligne et ils ont laissé durant 15 mois, hypocritement, les Ukrainiens encaisser tous les coups et les dévastations.
Les arsenaux de l’Occident sont vides vu que cette guerre ne fut pas prévue par les puissances occidentales endormies durant 20 ans par Poutine.
Poutine a trompé le monde.
En cas de confrontation Otan-Russie, certains pays membres de l’Otan lâcheront l’Ukraine.
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A la radio Europe 1, chaque soir, Olivier Delacroix de 23 h à 1h du matin, écoute des personnes qui, par téléphone, lui racontent leur vie, les drames vécus actuels ou passés.
Le journaliste montre beaucoup d’empathie ; il encourage les désespérés, sa voix chaude pose les bonnes questions. Il apporte les réponses qui donnent du courage. Cette émission rencontre un important succès. Delacroix mérite d’être reconnu pour son aide aux souffrants.
Je salue Philippe Sollers. Sa mort prive la littérature française d’un passionné qui se fichait des honneurs.
Les deux livres parus chez Gallimard, récemment de L-F Céline, Guerre et Londres, ressemblent à des brouillons plus qu’à des livres importants et risquent de ternir la prétendue gloire de celui qui fut considéré, avant cette publication, comme un des plus grands écrivains français du XXème siècle, Mais ces deux posthumes inédits n’augmenteront pas sa célébrité. Cette hâte de l’éditeur et des deux héritiers à publier, dans les plus courts délais, les manuscrits qu’on croyait perdus, n’ajouteront rien à la glorification de l’écrivain. Au contraire, c’est peut-être le début d’une remise à sa juste place.
Montherlant avait écrit que la littérature de Céline était artificielle. Je crois qu’il avait raison. Bientôt, on ne le lira plus. Sauf peut-être Voyage au bout de la nuit, Mort à crédit et D’un château l’autre. Mais les jeunes francophones sont classés parmi les plus mauvais lecteurs européens. Dans trente ans, qui lira encore Céline ?
Qui, au XXIème siècle, lit encore Rabelais ?
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jeu.
20
avril
2023
Poèmes
°°°°°°°°°°°
Dernier silence
________________
Que te dire si tu te tais
Dans le noir crépuscule
De la fenêtre ouverte ?
Trop d’ombres sont méchantes.
J’entends les battements de ton cœur
Et ta respiration sèche
Tu as dit Je vais mourir
Ne t’occupe plus de moi
Tu as assez donné.
Ce n’est pas facile de tout quitter
Je n’ai pas les ailes d’un ange
Ni celles du moineau
Je n’ai plus le temps d’attendre la visite du prêtre
Il faudra que Dieu ouvre grandes les portes
Pour le dernier passage.
Notre Père céleste n’aime pas le bla-bla-bla
Il veut ton cœur
Toi qui as aimé les plus pauvres
Les malheureux, les malades et les abandonnés
Le Christ t’a nourri de sa chair
Quel mystère, mon Dieu, cet échange !
Mon chien est entré dans la chambre.
Avec la mort si douce
Disparaissent les souvenirs.
Mars 2023
°°°°°
Retour
____________
Les mots sont des papillons noirs
Faut-il bouger, te serrer les mains sur le drap
Qui fut la nappe des derniers repas ?
Tes yeux sont fermés.
Me regardes-tu sous les cils
Joues-tu la comédie ?
Qui me dira si tu es là ?
La bonne hôtesse monte la garde.
Je me souviens de ta dernière visite
La meilleure, l’inattendue
A dix heures du matin
Je sortais respirer l’air de ma rue
Quand tu as crié mon nom
Impossible de quitter Bruxelles sans nous revoir
As-tu dit sortant d’un taxi jaune et noir
Mon chien heureux comme moi
Une longue absence se fête
Nous rentrons dans l’appartement que tu connais
Célébration du retour
J’allume les bougies.
Merci mon Dieu pour ce cadeau matinal
Rayon de soleil
Lumière de ma vieillesse.
Mars 2023
°°°°°
Dieu caché, ton silence me peine
__________________________
Dieu caché, ton silence me peine
Malgré les prières et les invocations,
Malgré l’appel aux puissances du Bien
Pour contrer celles du Mal, et la peur de mourir,
Que dois-je faire, quelle mise à genoux
Chaque soir pour te montrer mon humilité ?
Ah ! cher Dieu Amour secret
Créateur de tous les univers,
Ecoute-moi quelques secondes, Père céleste.
Mon cœur bat dans ta main,
Tu me connais mieux que je me connais
Certains disent que tu as gagné la partie.
Tes créatures souffrent
Océan de souffrances infinies
Qui échouent sur les plages divines.
Les vagues de la douleur chantent ta gloire, ô mon Dieu
°°°°°
Qui me dira ?
_____________
Tout est superflu, mieux vaut se taire.
Quand tout se désagrège
Il faut rester immobile
Attendre que les nuages s’éloignent
Les gris, les noirs, le soleil est absent.
Ma distraction ce sont les oiseaux qui passent
Plus discrets que ceux qui demeurent dans l’arbre du jardin
A lancer leurs cris d’amour répétitifs
Tout le printemps et l’été
Me réveillent trop tôt.
Je préfère les oiseaux voyageurs
Les noirs aux pattes blanches et du rouge sur le bec
Allez-y mes belles bêtes
Traversez l’espace, vite, vite
On vous attend.
L’amour et la beauté
Ô spectacle inégalable
Ô éternelle Majesté.
°°°°°
Mars 2023
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mar.
21
mars
2023
Sören Kierkegaard, immense génie, écrivain danois, philosophe et théologien protestant (1813-1855), m’a toujours fort touché, intéressé, encouragé dans le maintien de ma foi religieuse.
Je propose ici quelques textes de Kierkegaard qui font du bien et pourront aider ceux qui cherchent Dieu. Sources : Wikipedia Prières Kierkegaard, Site-catholique.fr et chez Gallimard 1961, Journal par Kierkegaard.
1) Prière sur le silence :
« Père céleste, Tu parles à l’homme de bien des manières. Toi à qui seul appartiennent la sagesse et l’entendement, Tu veux pourtant Te faire comprendre de lui. Et même quand Tu gardes le silence, Tu lui parles encore. Bénis donc ce silence comme chacune de tes Paroles à l’homme ; veuille qu’il n’oublie jamais que Tu parles alors que Tu Te tais ; donne-lui cette consolation, s’il s’attend à Toi, de savoir que Tu Te tais par Amour comme Tu parles par Amour, de sorte que, dans ton Silence comme dans ta Parole, Tu es cependant le même Père, le même Amour paternel, soit que Tu guides par ta Voix ou que Tu instruises par ton Silence. Amen. »
2) La Prière de Sören Kierkegaard « Père céleste, qu'est-ce donc que l'homme sans Toi ! » :
« Père céleste, qu'est-ce donc que l'homme sans Toi ! Qu'est-ce que toute sa science, fût - elle multitude de connaissances, sinon un misérable oripeau s'il ne Te connaît; qu'est-ce que
son effort entier, même embrassant un monde, sinon vaine entreprise, s'il ne Te connaît pas, Toi l'unique, l'un et le tout ! Donne donc à la raison la sagesse nécessaire pour concevoir l'un,
au cœur la droiture nécessaire pour en recevoir l'intelligence, à la volonté la pureté par l'unique volonté de l'un ; aux jours de prospérité, donne la persévérance, dans les distractions le
recueillement et dans les souffrances, la patience nécessaire pour vouloir l'un. Toi qui permets d'entreprendre et d'achever, donne à l'aube de la vie la jeune résolution de vouloir l'un ;
et quand le jour décline, donne au vieillard un souvenir renouvelé de sa résolution première, de sorte que la fin soit signe du début, et le début semblable à la fin dans une vie passée à ne
vouloir que l'un.
Toi qui donnes d'entreprendre et d'achever, donne de triompher au jour de la détresse, pour que l'échec subi dans l'ardeur du désir et les fermes desseins se transforme en victoire pour le cœur repentant : donne la volonté de l'un uniquement. Ainsi soit-il. »
3) La Prière de Sören Kierkegaard « Ô Esprit-Saint, habite-moi à demeure ! »
« Esprit-Saint ! C'est dans un vase d'argile frêle que nous autres hommes portons le Très Saint ; mais Toi, ô Saint-Esprit ! quand Tu habites un homme, Tu habites bien alors
dans ce qui est infiniment inférieur : Toi, Esprit de sainteté, Tu habites l'impureté et la souillure ; Toi, Esprit de sagesse, Tu habites la sottise ; Toi, Esprit de vérité, Tu
habites la tromperie ! Ô habite-moi à demeure ! Et Toi qui ne recherches point les aises d'un logis désirable, qu'en vain certes Tu chercherais, Toi qui crées et régénères et Te fais
Toi-même Ta demeure, ô habite-moi à demeure ! Pour qu'un jour Tu finisses par Te complaire à cette demeure que Tu T'es préparée Toi-même dans les souillures, les méchancetés et les
tromperies de mon cœur. Ainsi soit-il. »
(Journal Kierkegaard, Gallimard, p. 305, 1961)
4) La Prière de Sören Kierkegaard « Ô Seigneur, nous Te prions d'attirer à Toi les égarés de leur fausse voie » :
« Ô Seigneur, nous Te prions pour l'heureux de ce monde qui, dans sa joie, sait à peine où il doit aller, afin que Tu l'attires à Toi et lui fasses comprendre qu'il doit aller à Toi ;
nous Te prions pour celui qui souffre et ne sait dans sa misère où aller, afin que Tu l'attires à Toi. Veuille que l'heureux et le malheureux, si différents par leur sort, soient unis dans une
même pensée où ils ne sachent pas d'autre que Toi à qui aller. Nous Te prions pour ceux qui ont besoin de conversion afin que, du chemin de la perdition, Tu les attires à Toi sur le chemin de la
vérité; pour ceux qui sont tournés vers Toi et ont trouvé le chemin, nous Te prions de leur accorder d'avancer sur le chemin, attirés par Toi. Et comme la Vérité est « le chemin » qui
« peut être perdu de trois manières en se trompant de voie, en trébuchant sur la route, en s'écartant de la bonne direction ». Nous Te prions d'attirer à Toi les égarés de leur fausse voie,
de fortifier ceux qui chancellent sur la route, et de ramener les désorientés dans la bonne direction. Ainsi, nous Te prions pour tous ; mais on ne peut nommer chaque individu ; et qui
pourrait seulement dénombrer toutes nos différences ! Nous n'en évoquerons qu'une seule. Nous Te prions pour les serviteurs de la Parole, pour ceux dont la mission est d'attirer les hommes à
Toi, pour autant qu'un homme en est capable, nous Te prions de bénir leur travail ; mais veuille qu'en l'accomplissant, ils soient eux-mêmes attirés à Toi, afin que dans leur zèle à attirer
les autres à Toi, ils ne soient point retenus loin de Toi. Et nous Te prions pour les Chrétiens de la communauté, afin qu'attirés à Toi ils n'aient point d'eux-mêmes une idée mesquine, comme s'il
ne leur était pas aussi donné d'en attirer d'autres à Toi, dans la mesure de leurs moyens.
Dans la mesure de leurs moyens, car Toi seul peux attirer à Toi, bien que Tu puisses Te servir de tout et de tous - pour attirer tous les hommes à Toi. Amen. »
Dieu est amour
5) C’est cela, travesti et cliché et cuisiné en bêtise enfantine, qui a achevé d’embrouiller le christianisme et fait de la chrétienté un galimatias.
La loi de l’amour est tout simplement celle qu’on connaît bien : aimer c’est se changer à la ressemblance de l’être qu’on aime.
Mais, mais, mais cette loi ne vaut bien entendu que pour s’élever, et non pas pour descendre. Exemple : entre deux personnes, si l’une l’emporte en raison et sagesse, la loi de son amour envers l’autre, son inférieur et de loin, n’est tout de même pas de se changer à la ressemblance de cet autre. Cette manière d’aimer serait de l’absurdité, et quand l’un est réellement supérieur à l’autre, c’est donc exclu. Non, la loi est de vouloir tout faire pour élever à soi l’aimé, et si l’aimé y consent, la loi alors de son amour, c’est de se changer à la ressemblance de celui qu’il aime.
Cette loi est respectée aussi dans tous les cas possibles, elle est partout en vigueur.
On n’y a fait dans la chrétienté qu’une seule et unique exception : Dieu n’exigerait qu’on ne le dérange pas dans les cieux ; il doit, lui, au sens absurdement puéril, être l’amour pur, autrement dit le pur non-sens, ici on prend pour loi ce qu’on dénonce comme égoïsme, comme une tromperie, quand le supérieur ne se transforme pas pour ressembler au moins raisonnable, voilà ce qu’on prend pour loi, en d’autres termes on croit qu’il y a exception, car Dieu est amour pur, c’est-à-dire pur non- sens. » (p. 188, Journal Kierkegaard, Gallimard tome 5, 1961)
PRIERE
O Dieu !
6) Oui, ô Dieu ! tu ne récoltes vraiment que peines de nous autres humains ! Hélas ! quand, à la pensée de tous tes bienfaits envers moi, je veux recueillir mon esprit pour te rendre vraiment grâce… hélas ! souvent je me trouve alors si distrait, les pensées les plus disparates se croisent dans ma tête, et pour finir il faut que je te prie de m’aider à te remercier… mais quel bienfaiteur n’exigerait qu’on ne le dérange pas une fois de plus en lui réclamant de nous aider même à le remercier.
Oh! et quand le péché un moment reprend pouvoir sur moi dans un nouveau péché… et qu’alors, l’âme devienne inconsolable, je ne sais à la fin rien d’autre que te dire : « Tu le dois, aide-moi, console-moi, trouve un joint par où je trouve consolation, de sorte que mon péché même se transfigure en aide pour aller plus loin que je n’eusse été sans lui. » Quel toupet! C’était bien contre toi que j’ai péché! Et maintenant te réclamer que tu m’en consoles !
Et pourtant je le sais, cela ne te déplaît pas, toi l’infini amour, car en un sens c’est tout de même un signe de progrès! Un homme, que le péché tient tout en son pouvoir, n’ose nullement penser à toi ; s’il lutte contre le péché, mais non de toutes ses forces, tout au plus ose-t-il s’accuser devant toi et te demander pardon. Mais s’il met toutes ses forces à lutter, honnêtement… il se peut, mais alors seulement, que l’idée lui vienne à l’esprit que tu as tellement lié partie avec lui ou te tiens tellement de son côté que c’est à toi de le consoler, et qu’il ose, au lieu de ne faire que s’accuser, se plaindre à toi, presque comme si c’était un accident à lui arrivé. (XI I A 578,Journal extraits 1854-1855 Essais Gallimard p. 183- 184 tome V).
PRIERE
7) Père aux cieux ! O Toi qui prend soin du moineau, et sans exiger de lui qu’il soit comme toi, oh non ! toi qui tendrement prends soin du moineau en te mettant à sa place avec une inquiétude de père : tu prends bien soin aussi de l’homme. Et même si tu exiges de lui un effort à ton image que tu ne peux exiger du moineau : c’est sans cruauté cependant que tu l’exiges de lui. Non, mais inquiet comme un père, tu te mets à sa place, et c’est toi qui lui donnes la force pour s’efforcer. (Journal Kierkegaard, tome 3, p. 304, Gallimard 1961).
PRIERE5
8) Seigneur Jésus-Christ ! Toute une vie, tu as enduré de souffrir pour me sauver moi aussi : hélas ! et pourtant le temps de la souffrance n’est point passé ; mais n’est-ce pas cette souffrance aussi tu veux l’endurer en sauveur et rédempteur, cette passion de patience d’avoir affaire à moi qui si souvent ai dévié du droit chemin ou, encore que resté sur la bonne voie, y ai pourtant si souvent bronché ou du moins n’y ai avancé qu’avec tant de lenteur et si rampant. Infinie patience, infinie passion de patience ! Que de fois ne suis-je tombé en impatience, n’ai-je voulu renoncer, lâcher tout, prendre le raccourci affreusement facile du désespoir ! Mais tu ne perdais pas patience. (Journal Kierkegaard, tome 3, p. 304, Gallimard 1961).
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jeu.
09
févr.
2023
Poèmes
_________
Ténèbres
______________
Le temps passe vite, vite
Comme des oiseaux noirs lancés dans le vent
On entend les sifflements, les cris, les appels des mères
Mon enfant, mon enfant, où es-tu ?
Qui me consolera, qui m’aimera ?
Effondrements, maisons bombardées, champs troués
Cruauté des assassins qui s’enfuient loin des meurtres
Les bébés vivants ou morts sont rangés dans les caves
On attend la grande offensive, la guerre ne fait que commencer
Après une année de chipotages, de massacres
D’hommes jeunes qui voulaient plus de lumière
Sur leur visage tant embrassé.
Ils attendent la masse celle qui tue
Pauvres crétins à l’abri dans vos salons
Qui ne portez pas secours aux innocents
Qui calculez vos derniers gains
Qui vous gargarisez de commentaires à n’en plus finir.
Votre vie ne sera pas épargnée, prochains cadavres
Qu’on ramassera dès que le soleil se couche.
Pauvres chéris
Qui tiendra votre main pour le dernier souffle ?
On attend le Saint Esprit promis par Jésus
Pour gagner la partie
Et la troupe des anges pour vaincre les démons.
°°°°°°°°°
A l’abri du feuillage
______________________
Je voudrais vous dire quelques mots
A l’abri du feuillage
Il fait si calme mon cher Dieu
Qu’on ne peut croire que vous restiez insensible
Aux nouvelles de l’Est qui meurt et qui perd
Par milliers ses guerriers chaque jour.
C’est ma prière du soir quand les oiseaux se taisent
Où sont les courageux qui prendront la place des morts ?
Les jeunes, les moins vieux, les vieillards
Ceux qui dorment dans le fracas des bombes
Qui n’ont personne dans la bataille
Pour leur dire courage mon amour, Dieu te regarde.
Qu’ils saisissent leurs armes
Et fauchent de traits de feu les tranchées ennemies
La Vierge accueille les âmes désemparées
Qui montent en larmes vers la Reine des cieux
Mère du Christ, je vous invoque
Pour les tués, les blessés, les perdus,
Chaque soir
Nous souffrons trop.
Quand on criera tout est perdu,
C’est alors que Dieu donne la victoire
Aux armées innocentes.
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Henri de Meeûs
Janvier 2023
mar.
17
janv.
2023
Poèmes
COVID
Si tu savais, si tu savais, reclus malade du Covid
Après deux mois dans le sommeil sans t’éveiller jamais
Au lit les yeux fermés, dormant, dormant,
Aux mains des infirmiers, hommes, femmes,
Et tous ces tuyaux qui te traversent
Pour que tu vives
Ton réveil fut pénible
Ils durent s’y reprendre à plusieurs reprises
La trachéotomie de ta gorge ouverte pour aspirer l’air
T’avait rendu inaudible, ta voix sans force
Pendant ces deux mois de coma provoqué,
Les visites furent interdites
Puis réveillé tu as demandé ma présence.
Je parcourais les couloirs de la clinique
Entrais dans ta chambre celle du fond
Il y avait peu de passage après quatre heures
Pour te comprendre, j’approchais mon oreille
De ta bouche sans rien comprendre
De ce que tu voulais dire.
Puis la gorge percée fut refermée
Et très doucement tu repris tes esprits
Pendant deux autres mois où les appareils
Continuaient d’observer toutes tes coutures
Pauvre martyr, tension trop haute puis trop basse,
Petit infarctus, pneumonie, et d’autres morbidités.
Je te donnais à boire.
Il ne fut jamais possible de connaitre le détail de tes tourments
Le personnel médical renseignait peu les proches
Trop de malades
Ou bien, ils disaient la situation est stationnaire
Sans qu’on sache si tu allais mourir.
Plusieurs fois, on a cru que tu ne te remettrais pas.
Ta mort, insupportable hypothèse.
On restait une demi-heure près de ton lit
Sans parler pour ne pas te fatiguer
Puis au revoir, au revoir, à demain
Ne veux-tu pas que je t’apporte quelque chose
Ta tête répondait non.
°°°°°°°°
HIVER
La lumière s’est enfuie, les oiseaux se sont tus,
Les rues sont désertes, il faut le dire
La guerre approche, les gens ne sortent plus
Sauf quelques courses, vite, vite.
On annonce une épidémie, la sixième en trois ans
Venant de Chine et d’Amérique.
Qui calculera le nombre des morts ?
Tabou ce sujet, on ne rit plus, les fêtes sont finies
Protégeons les enfants, les vieux, les malades.
Revient le temps des provisions, des files sans patience
Les masques sont de sortie.
Entendez-vous le bruit des canons
Aux frontières de l’Ukraine où s’entassent les morts ?
°°°°
H de Meeûs, décembre 2022
dim.
11
déc.
2022
Dieu caché
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Le Dieu caché (Deus absconditus) est un des plus grands mystères. Comment comprendre que l’Etre infini, trinitaire, éternel, Père, Fils, Esprit, reste non dévoilé, et n’apparaisse pas dans son infinie splendeur, décourageant les croyants par sa discrétion totale et infinie. Personne n’a jamais vu Dieu. Certains mystiques ont goûté son approche, sa proximité, mais n’ont peut-être jamais pu atteindre de leur vivant l’ineffable vision de l’Amour créateur.
C’est une des plus grandes souffrances des mystiques de sentir que Dieu est parfois proche d’eux, malgré son invisibilité ; cette proximité est, pour la plupart, de courte durée et s’évanouit, laissant le mystique seul, désemparé, en manque de cet amour prodigieux qu’il a ressenti « comme un souffle léger ».
Deus absconditus (expression latine signifiant « dieu caché », du verbe abscondere, « cacher ») est un concept de la théologie chrétienne issu de l'Ancien Testament. Il désigne Dieu en tant qu'inconnaissable par la seule raison humaine.
Pour Pascal, le Deus absconditus est moins un « Dieu caché » qu'un « Dieu qui se cache » en raison de l'aveuglement des hommes, dû au péché originel, et dont seul le Christ peut les délivrer. De surcroît, rejoignant en cela l'enseignement des jansénistes, Pascal récuse l'aptitude de la raison à pénétrer les mystères de la foi tout comme il se méfie des « preuves métaphysiques » de l'existence de Dieu. En ce sens, le Deus absconditus est nécessaire à la foi : « Si Dieu se découvrait continuellement aux hommes, il n'y aurait point de mérite à le croire ; et s'il ne se découvrait jamais, il y aurait peu de foi. »
Les prières que nous adressons au Dieu caché sont humaines et donc limitées dans leurs expressions Ces prières ne sont pas perdues car le Dieu caché les reçoit, s’en nourrit et y répond de façon divine qui est celle du Créateur de celui qui le prie. Rien n’est perdu pour Dieu. S’Il nous a créés par milliards d’êtres avec un corps et un esprit, Il reçoit en retour les invocations et les prières (pensées) de ceux qui se tournent vers Lui et l’appellent à l’aide.
Dieu me connait totalement, vu qu’Il m’a créé, et me connait mieux que je ne puis me connaitre.
Chaque être est un morceau minuscule de la Création, miroir dans lequel la divinité de Dieu se reflète et se multiplie à l’infini.
Ainsi cette prière : O mon Jésus, face adorable, seul amour qui ravit mon cœur, daigne imprimer en mon âme ta divine ressemblance, afin que lorsque tu la regardes, tu puisses te contempler toi-même.
Dieu est le Créateur qui se contemple dans ses créatures. Tout vient de Lui. Dieu peut tout, sait tout, voit tout. Au même instant, il connait tous les univers créés par Lui.
On ne peut mesurer Dieu, ni le définir dans son existence qui n’a ni origine, ni début ni fin.
Il connait la plus petite fourmi vivant sur notre planète, comme en même temps, le moindre animalcule rampant dans une planète située dans une autre galaxie, à des milliards de kilomètres de la nôtre.
Pourquoi Dieu a-t-il choisi de rester caché ?
Est-il resté invisible depuis le début de l’existence humaine ?
A cause du péché originel commis par les premiers humains qui, selon la Bible, furent punis par Dieu et chassés du Paradis terrestre ? Leur désobéissance eut pour conséquence que Dieu ne voulut plus se montrer et resta caché. Le péché éloigne de Dieu.
Mais la puissance infinie du Créateur, bonté infinie, qui châtie une intelligence humaine pour son péché ? Il y a là un déséquilibre des forces entre créateur et créé. Est-ce crédible ?
Dieu n’avait-il pas prévu cette punition en renvoyant du Paradis terrestre les êtres humains pécheurs ? Dieu qui sait tout, devait avoir programmé qu’Il resterait caché de ses créatures après leur création. Cela fait partie du plan divin et notre raison ne peut le comprendre.
Dieu est caché : sa divine volonté l’a voulu. Pour les chrétiens, Il se révèle par son fils, le Christ, mort sur la croix pour nos péchés mais ressuscité ensuite par le Dieu caché.
Le Christ qui est l’incarnation de Dieu dans son fils (Dieu fait Homme) éclaire le Dieu caché, qui est le Père.
La puissance de Dieu est infinie. Il peut tout. Il n’a ni origine ni fin. Il est dans les siècles des siècles pour toujours. En conséquence, s’Il a créé l’univers (le Big Bang ?), sa puissance infinie lui permettrait de créer d’autres dieux. C’est sans doute ce qu’il a voulu en créant les êtres humains. « Vous êtes des dieux ». Ce sont des dieux qui n’ont pas une divinité identique à celle de notre Dieu créateur. C’est pourquoi, Dieu est entouré d’une myriade d’anges. Les Anges sont des dieux qui n’ont pas les qualités infinies du Dieu créateur.
Et les Humains peuvent être classés comme des dieux qui se construisent durant leur existence avant de rejoindre Dieu après leur mort, (et devenir des Dieux), pour l’éternité en Dieu.
Dieu ne peut commettre aucun mal. Toutes les catastrophes qui frappent la Terre, tuent ou blessent les créatures ne sont pas le fait de Dieu. Rien ne se produit sans sa permission, mais il ne sera jamais coupable, incapable de commettre le mal. Ces évènements destructeurs pour ses créatures, sont des passages afin de hausser ses créatures à un niveau supérieur : les morts passent dans un autre monde pour leur plus grand bien. Si les survivants pleurent la mort de leurs disparus, les morts abandonnent leur enveloppe charnelle, et découvrent un autre paysage, sublime, divin, qui fait chanter leur joie d’avoir découvert le monde du Dieu caché. Les morts ne souffrent plus. Ils sont entrés dans une union éternelle, une fusion, une contemplation de l’amour infini du Dieu créateur.
Dieu punit-il certains morts ? S’il punit les êtres créés par Lui, c’est qu’il n’est pas parvenu à les garder près de Lui. Je crois plus logique que Dieu place les êtres mauvais dans un espace spirituel gardé par des Anges, - le Purgatoire ? -, pour les purifier, les convertir, les rendre propres et sans souillures, avant de les ramener ensuite dans le Paradis et rejoindre la joie de ceux qui furent récompensés pour leur fidélité au Dieu caché. Les morts ne meurent jamais. C’est leur enveloppe corporelle qui est détruite. L’esprit ou leur âme, fruits de la Divinité, sont éternels.
Après la mort, commencera pour les créatures une vie éternelle en fusion avec Dieu, une vie mystique organisée par des travaux mystiques, où chacun aura des activités d’une infinie diversité, dans une extase permanente. L’ennui n’existera pas. Chacun sera placé au centre de joies les plus intenses jamais connues. Il n’y aura plus de larmes, plus d’infirmités, plus de maladies ni de destructions. Chaque être sera au sommet de la beauté, un délice pour la vue de tous les bienheureux, dans des paysages ou des villes édifiés par la divinité éternelle. La lumière de Dieu sortira resplendissante de chaque être, humain, animal et végétal.
Il faudra une éternité pour inventorier la Beauté infinie de Dieu.
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lun.
14
nov.
2022
Ukraine (encore et toujours) :
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Depuis le 24 février 2022, le monde vit avec les menaces d’une guerre nucléaire, tant les Russes rappellent chaque jour à tous les habitants de la terre qu’ils possèdent des armes terrifiantes, nombreuses et diverses, capables d’anéantir une ville, un pays et tous leurs habitants, s’ils lancent leurs fusées plus rapides que l’éclair, pour préserver leurs intérêts vitaux
Poutine est un dément, un esprit de petite envergure, complexé, qui règlera ses comptes jusqu’à en mourir, en nous entraînant tous dans la mort. Il a créé la machine infernale nouée à son corps et qu’il est incapable d’arrêter
Poutine est entouré d’une bande de gangsters, issus de la lie du peuple : il suffit de voir la tête de ses proches (Prigogine, Kadirov, âmes damnées, complices criminels génocidaires) pour comprendre qu’il ne nous faut rien espérer s’ils se maintiennent au pouvoir : ridicules créatures couvertes du sang de leurs victimes innombrables.
Le goût affreux de la décoration des salles de réunion gigantesques où Poutine reçoit ses visiteurs. Ses origines modestes dominent son obsession impériale et l’enlaidissent.
La lâcheté inouïe de Poutine et de ses généraux responsables de la destruction des villes et des villages, même les plus minuscules, et celle des infrastructures électriques, de chauffage et de distribution d’eau, plongeront les Ukrainiens survivants dans la nuit la plus profonde et le froid le plus intense, de jour comme de nuit.
Les Russes seront punis affreusement pour les atrocités commises contre les Ukrainiens. Le sang des innocents retombera sur eux.
L’hiver des Ukrainiens sera atroce si les Russes ne sont pas arrêtés dans leurs bombardements tout azimut.
L’Occident va devoir envoyer par milliers aux Ukrainiens des systèmes de chauffage de petite taille. Angoisse des vieillards, angoisse des mères avec leurs petits face à cet hiver qui vient.
La population russe qui subit et accepte Poutine et ses sbires sans se révolter sont les complices des crimes les plus affreux de cette époque maudite.
Il faut considérer comme des saints, ou des héros, ceux qui résistent par les armes aux destructeurs russes qui n’ont aucune pitié des innombrables innocents, adultes et enfants qu’ils assassinent par leurs bombardements insensés, leur chantage aux céréales, la suppression de l’eau potable et de l’électricité. Pauvres mères avec leurs petits ! Quelle angoisse de chaque jour ! Les habitants des pays (Pologne, Pays Baltes, Roumanie, Moldavie, Allemagne) non encore atteints par les démons russes ne doivent pas se rassurer. Leur tour viendra.
La plus grande bêtise de cette guerre fut les premiers mots du Président américain Biden qui voulait rassurer Poutine et s’engageait dès le jour de l’invasion (24 février 2022) à ne jamais placer aucun soldat américain sur le sol ukrainien pour aider la résistance de l’Ukraine. Ce Président trop âgé, ivre de son ambition, vieillard dépassé, n’est pas un cadeau pour l’Amérique. Jusqu’où le conflit ira -t-il ? Si Poutine ne cède pas, l’Occident devra choisir entre s’engager ouvertement dans une guerre devenue mondiale, plus terrifiante que les deux précédentes, ou devenir esclave des Russes.
Depuis le début de l’attaque russe sur l’Ukraine, est ahurissante et méprisable l’attitude timorée du Pape François qui prend garde de condamner clairement Poutine et ceux qui lui obéissent.
Chaque jour, ce Pape Ponce-Pilate devrait au balcon de Saint-Pierre hurler son indignation et ses excommunications face aux démons qui essaient de détruire par cette guerre une Europe fatiguée, dépendant entièrement des Etats-Unis pour se défendre face aux Russes.
L, très croyant, n’est pas content : Il prie, rappelle chaque soir à Dieu que le Christ a promis d’exaucer les prières qu’on Lui adresse (« Frappez et on vous ouvrira »), et cet ami s’étonne, malgré ses prières, du silence de Dieu face à tant de drames, de dévastations, de victimes. Si Dieu est bon, d’une bonté infinie, pourquoi n’intervient-Il pas pour faire cesser ces horreurs ? Pourquoi Dieu permet-Il tant de douleurs, de souffrances ? Pourquoi tant d’innocents massacrés ? Pourquoi ce silence de Dieu qui affaiblit la croyance en Lui ?
Il n’est pas permis de s’amuser dans ce temps d’horreurs quotidiennes. Ceux qui s’amusent encore sont des imbéciles. Il faut prendre déjà le deuil des temps qui s’annoncent plus terribles encore, inarrêtables. Tempora perdita.
En Occident, les gens sont tétanisés, essaient de vivre au jour le jour. Minés par l’angoisse, les soucis d’argent, et le cauchemar ukrainien, ils ne connaissent plus de joies. Finis les rires, finies les fêtes, les humains encore lucides doivent réfléchir sur la violence russe, barbare, brutale, qui s’étendra bientôt au reste de l’Europe, et emportera tout. Les démons sans pitié sont lâchés.
Les USA, dirigés par le vieux démocrate Biden, manifestement dépassé par la situation, doivent passer bientôt par les élections qui vont modifier la composition de la Chambre et du Sénat. Les Républicains sont annoncés comme gagnants, emportant la majorité partout. Vont-ils poursuivre la politique très généreuse des Démocrates qui à juste titre ont arrosé l’Ukraine de milliards de dollars pour lui fournir des armes de tous calibres, essentielles à la défense du pays martyr. Les Républicains américains vont-ils continuer à secourir les Ukrainiens ? Si les Républicains diminuent leur aide, ce sera la victoire certaine de Poutine et avec certitude une troisième guerre mondiale.
Dieu Bonté et Puissance infinie, qu’on prie de nous épargner une apocalypse poutinienne, doit peut-être se lasser des créatures humaines jamais converties par les guerres qui ont précédé celle d’Ukraine. L’homme naturellement pécheur connait une guerre à chaque nouvelle génération. Illusion mortelle que la Paix perpétuelle. Les Européens se sont enfoncés depuis 1946 dans la consommation, les achats, les voyages, le foot, le plaisir, et tout ce qui dégrade, gouvernés par des dirigeants pour qui le pouvoir importait d’abord, quitte à trahir l’intérêt général : tels certains hommes et femmes politiques allemands. L’Allemagne piégée par son égoïsme et le gaz russe dont elle ne pourra pas se passer.
Il ne restera rien de l’Europe. On entend déjà sa dislocation. Celle la Tour de Babel : même destin.
Si Poutine ne trouve pas de porte de sortie, ou si ses ennemis ne lui en offrent pas, ce sera la guerre mondiale avec des armes terrifiantes qui détruiront les nations occidentales. Fin de partie !
dim.
09
oct.
2022
Dans cette guerre en Ukraine, chaque jour qui passe est plus terrible que celui de la veille. La folie poutinienne n’a pas trouvé ce qui l’arrêtera. Le dictateur règne par la terreur, les assassinats, les emprisonnements pour longue durée. Les hauts gradés et les membres de la police secrète lui semblent entièrement dévoués et pas prêts à le démettre. Poutine, qui se croit chef de guerre, fait valser les généraux qui le déçoivent.
L’armée russe va d’échecs en échecs dus, entre autres, à une très mauvaise logistique qui éreinte les soldats manquant d’armes, de munitions et de nourritures. Faute d’une réserve de soldats aguerris ou d’une riposte par un tir nucléaire tactique, la Russie s’effondrera.
La mobilisation partielle est chaotique et semble non préparée. Les jeunes hommes enrôlés découvrent que beaucoup d’armes qu’ils reçoivent, ne sont pas en ordre de marche, qu’il n’y a pas de pansements ni de produits pharmaceutiques. Pas de lits dans les camps de regroupement qui ressemblent à des baraquements de prisonniers.
Enrôlés de force, ces jeunes vont à l’abattoir. S’ils refusent de marcher, ce sera la prison. Dix à quinze années. Beaucoup fuient vers la Finlande, la Georgie, l’Arménie, le Kazakhstan.
Avec les referendums fabriqués en toute hâte, Poutine obtient des votes avec des majorités de plus de 90% en vue de rattacher les quatre régions ukrainiennes à la Russie. Le Kremlin accueillera donc ce vendredi 30 septembre une cérémonie lors de laquelle l’annexion des régions ukrainiennes de Donetsk et Lougansk (est) et Kherson et Zaporijjia (sud) sera formalisée.
Tout cela est fabriqué en toute hâte, et ne sera pas reconnu par les règles du droit international, ni par d’innombrables états. Mais Poutine essaie de donner une apparence de consultation, à forme juridique, des habitants russophones, afin de pouvoir clamer haut et fort à la Douma que ces quatre régions, avec l’accord quasi unanime de leur population, font désormais partie intégrante de la Russie. Elles seront défendues par des armes nucléaires tactiques si nécessaire. On va vers la guerre mondiale. Les USA s’expriment peu, et ne semblent pas faire peur à Poutine. Les USA se méfient et demandent à l’Inde et à la Chine de raisonner Poutine et de ne pas utiliser les armes nucléaires tactiques . Vains efforts ?
Si la Troisième Guerre mondiale éclate, après 8 mois de guerre en Ukraine attaquée par les Russes, ce sera la fin de l’Europe non armée, - dépendante de l’OTAN, donc des USA - avec ses chefs d’Etat mondialistes, pourris par le clientélisme et les partis, qui ont accepté de désarmer leur pays en économisant sur le budget de leur armée systématiquement, et durant des dizaines d’années.
L’Europe depuis sa fondation n’a pas voulu se doter d’une armée puissante et structurée, préférant les contrats juteux du commerce mondial et des règles multiples pour brider les nations dans leur liberté souveraine. Réactions de défense des Polonais et des Hongrois. D’autres pays suivront et refuseront la tutelle européenne. Il y a eu la Grande-Bretagne, il y aura bientôt l’Italie. Chassez le naturel, il revient au galop quand la guerre s’approche.
L’Europe est incapable de défendre ses habitants. Elle récoltera ce qu’elle a semé.
Les sacrifices et les morts de la Seconde Guerre mondiale n’auront servi à rien, vu que c’est toute l’Europe qui va passer prochainement dans la moulinette poutinesque sans avoir les défenses nécessaires. Comme en 40 ? En pire.
Les peuples aveugles continuent de vivre sans trop s’attarder sur les menaces des Russes. Poutine veut appliquer ses plans mais rencontre beaucoup d’obstacles, même si son armée a tué des milliers d’Ukrainiens civils et militaires et démoli l’immobilier de l’Ukraine ravagée par des bombardements fous. Que de villes et de villages détruits, que de morts ! Les Occidentaux n’osent pas faire entrer leurs soldats pour venir à l’aide de l’Ukraine ; ils livrent des armes, surtout les USA, la Grande-Bretagne, les pays baltes. La France, à part les canons Caesar, n’est pas très généreuse dans ses secours. Lors de son déplacement à Kiev, Emmanuel Macron a annoncé que la France allait livrer « six Caesar additionnels », des canons automoteur réputés pour leur précision. Douze ont déjà été livrés.
Depuis le début de la guerre en Ukraine, la France a livré 18 canons Caesar à l’Ukraine, dont six supplémentaires annoncés le 16 juin à Kiev par le président Macron. Ces canons sont d’une extrême précision. Cette nouvelle livraison ampute de près du quart le stock de l’armée française de ce type de matériel. En février, la France possédait 76 Caesar. « Le choix de donner six Caesar supplémentaires (à l’Ukraine), soit 18 au total répond à une nécessité immédiate de survie des Ukrainiens face aux Russes », justifie-t-on au ministère des Armées, précisant que ceux-ci étaient prélevés sur « les réserves de l’armée de terre ».
Le Canon Caesar
Comme le président ukrainien Zelensky l’a dit, « le Caesar fait la différence sur le terrain, par la précision de ses tirs et par sa capacité à échapper aux ripostes adverses ».
C'est un canon de 155 mm , long de 52 calibres (soit un peu plus de huit mètres) conçu et fabriqué par Nexter Systems à Bourges.
Vitesse tout terrain : 50 km/h en tout-terrain
Armement principal : Canon de 155 mm/52 cal.
Vitesse sur route : 100 km/h sur route
Moteur : Diesel
Leur portée est d'environ 40 km avec une capacité de tir de 6 coups en 1 minute (mise en batterie et sortie de batterie en 2 minutes). Ils possèdent une grande mobilité tactique et stratégique (autonomie 600 km et vitesse sur route plane >80 km/h). Les Caesar sont aérotransportables en C130 et A400M
Les canons Caesar ont rendu la défense ukrainienne plus agile, moins prévisible. Ce système est principalement très maniable et mobile. C’est un facteur très important dans une guerre contemporaine comme celle-ci , opposant les Caesar aux vieux systèmes ukrainiens non mobiles . « Grâce à cette arme, nous gagnons beaucoup de temps, de sorte que l’ennemi ne peut pas nous attaquer ni riposter rapidement », (Wikipedia)
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mer.
07
sept.
2022
Dieu et le Mal
Essayons d’avancer dans une compréhension. Sans orgueil. Avec simplicité
Dieu est un esprit invisible, qui ne fut pas créé, qui n’a ni origine, ni fin car Il est l’incréé. Il existe depuis toujours, immortel.
Il a créé l’univers visible et invisible, et qui est défini entre autres par le qualificatif d’infini, mais qui peut se loger dans l’infini de Dieu, comme un enfant dans le sein de sa mère. On peut dire que l’Univers a une origine et aura une fin, vu qu’il n’est pas Dieu, mais il est né de l’infini de Dieu qui l’a lancé dans un espace qui semble infini.
Dieu ne s’est pas créé lui-même. Il existe depuis la nuit des temps. Avant la création de l’univers, Il était.
Il peut avoir créé un ou plusieurs ou une infinité d’univers différents car il n’y a pas de limites à sa puissance infinie.
Oui, infini quelle que soit la définition qu’on essaie d’avancer : Infinie bonté, infinie sagesse, infinie majesté, infinie justice, infinie puissance, infini amour, etc.
Toutes les qualifications négatives ne concernent pas Dieu : ainsi infinie méchanceté, infinie haine, infinie injustice, etc. Tout ce qui n’est pas parfait anéantit le qualificatif d’infini. C’est le fini qui reçoit les défauts, les caractères négatifs, le mal. Dieu seul est bon. Le Mal n’est pas infini.
Dans les êtres créés par Dieu, il y a du mauvais qui ne vient pas de Dieu. Ces êtres ne sont pas divins. Etant autres que Dieu, ils n’ont pas sa divinité. Mais issus du divin, ils ont une présence de divin en eux.
Le mal fini qui atteint toujours une limite où il s’anéantit, est en opposition partielle avec le Dieu parfait infini qui est sans limites et ne peut s’anéantir.
Le mal qui est fini, est donc toujours dominé par le Dieu infini.
Le mal est toujours finalement dominé par le Bien, même si parfois il faut attendre longtemps avant de voir le Bien dominer le Mal. Mais même quand le mal semble dominer le Bien, c’est le Bien qui permet au mal de subsister tant que le Bien (Dieu) l’accepte, le tolère.
Le Mal peut disparaitre d’un seul coup ou lentement dans l’espace que lui accorde le Bien (Dieu).
Dieu seul est bon. Les Saints sont des mauvais qui se sont orientés vers le Bien, tout en restant des pécheurs touchés par le Mal. Le divin en eux brille avec plus d’éclat sans qu’ils s’en rendent compte. Il y a l’ombre et la lumière dans la création des êtres. Dieu n’est que pure lumière.
L’amour doit être examiné dans l’infini de Dieu. L’amour ne peut jamais devenir le mal. S’il devient toxique, il n’est plus l’amour.
Vu que tout être créé l’est par Dieu, il a en lui une parcelle de Dieu, mais il n’est pas Dieu. Le corps matériel est animé d’un souffle divin. Même celui du criminel ou celui de la panthère. L’être créé doit réussir sa vie en freinant au maximum toutes ses tensions négatives (passions, instincts), qui l’orientent vers le Mal, et qui souvent ne parviennent plus à l’en détacher. Pourtant, il ne peut perdre le souffle divin reçu de sa création par Dieu.
Un être créé par Dieu ne peut être anéanti vu son origine qui le protège même s’il nie cette origine. Son enveloppe matérielle, son corps, son esprit peuvent être détruits. Mais pas l’étincelle divine qu’il a reçue de Dieu en apparaissant dans le monde fini. L’être créé par Dieu est donc éternel. En mourant, il retourne à sa source divine. Pour d’autres parcours dans l’infini ?
Le Mal est très présent dans le monde, depuis l’origine.
Exemple : Dieu a permis que durant des millions d’années sur la planète Terre, règnent des animaux gigantesques et cruels. L’homme n’existait pas. Ces monstres créés par Dieu avaient aussi une étincelle de divin qui les rendait immortels.
La notion de durée a-t-elle de l’importance pour Dieu ? Mille ans est comme un jour pour Lui, dit l’Ecriture sainte. Mais les jours du prisonnier torturé actuellement dans sa cellule comptent essentiellement même si la durée du supplice est courte. Dieu participe totalement à chaque attaque du Mal contre le Bien, car il voit tout, sait tout.
Donc, Dieu pendant des millions d’années a pu voir les carnassiers monstrueux se battre en se dévorant les uns les autres. Ces êtres créés par Dieu ressentaient des souffrances terribles comme les prisonniers humains découvrent la douleur dans les salles de torture actuelles.
Il y a donc le Mal qui règne sur terre depuis des siècles et des siècles, et le Bien très discret mais qui à chaque confrontation face au Mal, parvient après un combat de plus ou moins longue durée à l’emporter sur le Mal.
Dans la prière du Notre Père, on demande que le règne de Dieu vienne. Cela veut dire que Dieu maître de l’univers infini, ne règne pas encore sur la Terre. Son royaume est proche mais non encore dominant.
Faudra-t-il attendre l’Apocalypse pour que le royaume de Dieu soit enfin installé sur la Terre, le Bien ayant récupéré toutes les créatures, après la disparition du Mal ?
Pourquoi Dieu permet-Il le Mal ? Dieu puissance infinie pourrait d’un souffle faire disparaitre le Mal de la surface de la Terre. Ce n’est pas le cas. Dieu tolère le Mal et ses effets horribles qu’on voit partout, de plus en plus. Cette attitude passive de Dieu peut être jugée scandaleuse. La religion catholique et les Evangiles indiquent que Dieu a permis la crucifixion et la mort de Jésus son fils bien aimé, Dieu fait Homme, seconde personne de la sainte Trinité.
Dieu a donc montré par son incarnation en Jésus, Dieu fait Homme, sa volonté de se diminuer jusqu’à descendre au niveau humain, mêlant sa divinité à son humanité. Dieu fait Homme, était totalement Dieu et totalement Homme.
Il a donc permis que le Mal agresse Dieu fait Homme, acceptant une provisoire réussite du Mal dans le supplice de Jésus et dans sa mort. Le Bien était vaincu. Trois jours plus tard, Jésus le fils bien aimé, le Dieu fait Homme, ressuscitait. Son corps était vu et touché par ses disciples.
La résurrection est-elle historique ou n’est-elle qu’un mythe ? La résurrection met un point final dans le combat entre le Bien et le Mal. C’est le Bien qui sera vainqueur jusqu’à la nuit des temps malgré les essais du Mal de reprendre sans cesse le combat contre le Bien, mais il sera toujours vaincu à la fin par le Bien.
Dieu puissance infinie est le maître de la vie et de la mort. Il peut ressusciter les morts, ce qui se fera à la fin des temps. Dieu permet que chaque jour par milliers des enfants naissent et sortent des entrailles maternelles. Dieu tisse les bébés dans le ventre de leur mère, et il peut faire naître comme il permet la fin de ses créatures en les laissant mourir. Mais ce n’est pas parce que les créatures disparaissent de ce monde qu’elles ne passent pas dans un autre état, soit la survie dans un autre espace visible ou invisible, car ce que Dieu crée est immortel, n’a pas de fin.
Tout reproche fait à Dieu au sujet de la présence du Mal dans le monde créé, se heurte à la puissance infinie de Dieu qui tolère ce Mal, l’ombre dans laquelle les créatures se meuvent avec le Bien.
Les créatures participent au combat du Bien contre le Mal. Ce combat est un des caractères les plus puissants de la Création. Les créatures peuvent choisir le camp du Bien ou le camp du Mal, et au cours de leur vie plus ou moins longue, changer de camp. S’ils meurent dans le camp du Mal, l’étincelle divine présente en eux du fait de leur origine divine, peut les sauver vu que l’Amour infini de Dieu ne rejettera pas ses créatures.
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Le petit magasin, par Henri de Meeûs
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J’avais ouvert un petit magasin, me dit X, en approchant sa tête de la mienne car je suis devenu un peu sourd avec l’âge. Il continua car il avait envie de me parler : « Je m’ennuyais comme employé de banque à effectuer durant vingt années des opérations sur titres dans le même département dirigé par la même personne, la directrice Félice, amie du grand patron.
J’ai lutté durant ces vingt années afin de garder avec elle une relation équilibrée entre la politesse, le sourire et la froideur. Mais la politesse fatigue les nerfs à la longue. Cette directrice surveillait principalement ses contacts avec le grand chef et n’avait que peu de soucis avec moi qui exécutais parfaitement ses instructions. Nous n’avions jamais une conversation détendue. Avec elle, c’était vite, vite, et moi, c’était oui, oui, parfaitement Madame, comptez sur moi
Vingt années, c’est long. J’avais des économies. Je vivais seul. Pas de famille, pas d’enfants, pas de maîtresse ou de passions repréhensibles.
Donc un matin, vers huit heures trente, alors que les employés étaient tous à leur poste dans la petite salle des opérations sur titres que je dirigeais, je me suis levé derrière mon bureau quand la Directrice est apparue pour saluer chacun des membres du personnel, et quand elle est arrivée devant mon bureau, je lui ai dit à voix suffisamment forte pour que les employés assis aux bureaux voisins et proches, entendent ces quelques mots : « Madame la Directrice, j’ai l’honneur de vous remettre ce jour ma démission car ma santé ne me permet plus d’effectuer les tâches quotidiennes pour lesquelles je suis payé dans votre entreprise. »
Je lui tendis l’enveloppe qui contenait ma démission, et je me remis au travail.
Je suis parti après le préavis de trois mois en usage à l’époque. On ne fit rien pour me retenir. J’étais content. Je ne tardai pas à découvrir un petit rez-de-chaussée à louer à bail commercial pour installer mon magasin. Peu de frais, une table, trois chaises, pas de travaux de peinture ou de menuiserie. Un petit local sanitaire. J’étais heureux que tout se déroulait sans problème. »
Et ensuite, dis-je ? Quel était votre activité commerciale ?
« Je vendais des consultations psychologiques sous forme de petits carnets dans lesquels les clients notaient ma réponse à leurs questions souvent nourries de leurs soucis et anxiétés. L’époque était très pénible, il y avait des guerres qui s’allumaient sur la planète. Mon magasin portait le nom : « Au havre de paix ». Les clients étaient rares au début, mais petit à petit, ils s’inscrivaient en rendez-vous, jamais plus de dix minutes par client. Certains clients satisfaits revenaient. J’avais imaginé un abonnement pour dix consultations. J’aimais cette occupation, je rendais service, heureux de les voir quitter le magasin avec un large sourire. »
Ce monsieur avait décidé de me parler, il habitait dans le quartier un petit appartement, son magasin était situé dans une autre commune. Nous nous croisions de temps en temps quand je promenais mon chien, mais nos échanges se limitaient à un bonjour et à une inclinaison de la tête, je ne me doutais pas de ses activités professionnelles ni de ses consultations qui semblaient apporter du réconfort.
Je vous félicite, dis-je, d’avoir trouvé une activité bienfaisante qui vient en aide aux angoissés.
N’est-ce pas, me répondit-il. Je serais vraiment heureux d’avoir l’honneur de vous recevoir à l’heure qui vous conviendra dans mon Havre de paix.
Et nous nous séparâmes, lui promettant d’y réfléchir.
Henri de Meeûs
Août 2022
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ven.
05
août
2022
Nous vivons une période de l’humanité où le mal, le mensonge et la destruction sont déchaînés. La Nature souffre avec un climat de plus en plus brûlant qui anéantit des forêts en quelques jours. Les pompiers sont dépassés, la faune et la flore sont détruites.
Qui sauvera les animaux prisonniers dans les brasiers ? Personne.
On repère maintenant que plusieurs feux ont une origine criminelle.
Des incendiaires multiplient leurs crimes le jour, la nuit. Mais le pouvoir judiciaire s’il trouve un coupable, le condamnera légèrement.
Dans leurs appartements surchauffés, ceux qui ne prennent pas de vacances, se claquemurent derrière leurs rideaux ou leurs volets fermés, regardant le thermomètre monter de 30° à 40°. C’est trop. On n’en peut plus. Les vieillards, dans leur séniorie, boivent des litres d’eau.
Les étés deviennent redoutables, font peur autant que les hivers rudes des temps plus anciens.
On sait que les étés caniculaires sont suivis, souvent, par des inondations, des tempêtes, des orages parfois effrayants. Comment se protéger ? L’être humain de plus en plus fragile devient nerveux. Son agressivité augmente car il ne peut supporter calmement la montée des périls.
Les peurs sont augmentées par les médias et les images dramatiques, qui passent en boucles. C’est à qui publiera la plus terrifiante.
La guerre en Ukraine décidée par le prince des démons multiplie les états de stress. On vit dans la pensée qu’après avoir réglé son compte à l’Ukraine, Poutine continuera ses destructions avec d’autres Etats qui ont osé fournir des armes aux Ukrainiens. Les nations occidentales sont tétanisées et les impulsives sanctions décrétées par elles contre la Russie, sans trop de réflexion, leur reviennent en boomerang, mal calculées, mal ajustées mal appliquées, comme le gaz que Poutine utilise en armes de guerre anti-occidentales, en fermant de semaine en semaine les robinets.
Pourquoi les Occidentaux n’interrompent – ils pas eux-mêmes les flux du gaz qui traverse sous terre leur pays et sous les flots de la Baltique ? Poutine serait incapable alors de vendre le gaz qui ne peut plus passer dans les canalisations situées hors de la Russie.
Je la vois souvent dehors, marchant à pas lents sur le trottoir. Elle traîne derrière elle une laisse. Au bout de celle-ci, un petit collier blanc accroché à la laisse. Le collier tressaute sur les pavés. Mais il n’y a ni chien ni chat au bout de celui-ci. Je me permets de l’arrêter. Elle me regarde en clignant des yeux. Je dis : « Madame, pourquoi cette laisse que vous tirez derrière vous ? » « Je promène mon chien, trois fois par jour chaque jour vingt minutes. Il faut qu’il sorte. » Elle ajoute : « C’est un chien de haute race. Il est invisible. Vous ne l’avez pas encore vu. Il s’appelle Brésil. » Et elle poursuit sa promenade.
Je rêve beaucoup. Je remercie le Seigneur de ne pas m’exposer à des cauchemars. Ces rêves sont vite oubliés.
Mes amis connus à l’université - nous avons le même âge – et moi, nous souffrions des mêmes problèmes dans la vie sociale :
1°) la dégradation des services bancaires où les clients qui étaient les rois, ont perdu le respect du monde bancaire, obligés de se plier aux folies de l’informatisation toujours plus poussée sous peine de n’être plus servis correctement.
2°) La fermeture des églises, c’est la déchristianisation partout.
3°) Les deux années de Covid ont abîmé la vie sociale : moins de réunions, d’invitations, de concerts, d’activités culturelles. On voit moins d’amis. Quelque chose est cassé. Et la guerre d’Ukraine n’améliore rien.
Elle est très âgée. 95 ans. A encore toute sa tête. Mais vivant seule dans un petit appartement, elle reçoit les visites quotidiennes d’un de ses fils. L’autre fils sort d’un long covid et doit se ménager et vivre au grand repos. Elle n’a plus le moral, et cherche à convaincre ses deux enfants de signer les documents l’autorisant à se faire euthanasier.. Elle est têtue et insiste. Une trop longue vie n’est pas un cadeau.
Les caractères innés de la petite fille de quatre ou cinq ans, jouant déjà à la petite dame.
M d’0 m’écrit à propos des aphorismes de Montherlant :
« Je goûte aux aphorismes de MONTHERLANT avec grand plaisir, ses aphorismes qui sont les plus vrais que je connaisse (avec ceux de Paul Valéry). (On peut le dire sans trembler, en attente de la fin de son purgatoire, qui s’éternise, Montherlant est bien le plus grand penseur au monde) ». L’aphorisme qui suit me ressemble, ajoute mon correspondant :
« Un, c’est possible ;
Deux, cela peut encore aller ;
Trois, c’est presque la foule ;
Quatre, cela devient dément. »
(Même chose pour moi. Je déteste le groupe et la foule.)
Joie de rencontrer un jeune Français qui goûte à la beauté des textes de Montherlant !
On fait un foin du dernier Louis-Ferdinand Céline, Guerre, un inédit publié il y a quelques mois par Gallimard. Ce livre assez grossier n’est pas un chef d’œuvre. Vendredi 29 juillet 2022, sur deux pages, le journal Libération sort un article de philologues pour mettre en doute le classement chronologique de Guerre établi par l’éditeur par rapport à deux œuvres de Céline, Voyage au bout de la nuit et Casse-Pipe. Les philologues aiment se perdre dans les détails minuscules et passent souvent à côté de l’essentiel. Ils veulent montrer que l’éditeur et les ayants-droits de la succession donnent une représentation inexacte des dates de création de Guerre ! Mais qu’est- ce que cela change ?
Extrait du Journal de Kafka : 14 février 1914 (Pléiade, Gallimard Journaux et lettres, 1897-1914, p. 390) :
« S’il m’arrivait de me tuer, personne, à coup sûr, n’en serait responsable, quand bien même le premier motif manifeste serait le comportement de F. Dans un demi-sommeil je me suis déjà imaginé la scène qui se produirait si, en prévision de la fin, j’arrivais à son appartement, une lettre d’adieu dans la poche, me faisais éconduire en tant que prétendant, posais la lettre sur la table, me dirigeait vers le balcon en écartant vivement tous ceux qui se précipiteraient pour me retenir, et sautais par-dessus la balustrade, obligeant leurs mains à me lâcher tour à tour. Or dans la lettre, il y aurait écrit que si je me jette par la fenêtre, c’est à cause de F., mais que, même si elle avait accepté ma demande, ça n’aurait pas changé grand-chose pour moi. Ma place est en bas, je ne vois aucun autre arrangement, il se trouve que F. est par hasard la personne à même laquelle s’affiche ma destinée, je ne suis pas capable de vivre sans elle et je n’ai plus qu’à sauter par la fenêtre, mais je ne serais pas capable non plus, et F. le devine, de vivre avec elle. Pourquoi ne pas y employer cette nuit ? Déjà m’apparaissent les orateurs de la soirée parentale d’aujourd’hui, qui ont parlé de la vie et des conditions à créer pour elle, mais je m’accroche à des idées, je vis complètement embarqué dans la vie, je ne le ferai pas, je suis froid comme tout, triste d’avoir une chemise qui me serre au cou, je suis maudit, je happe l’air dans le brouillard. »
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L’extrême discrétion du Pape François dans la guerre de Poutine à l’Ukraine ! Pourquoi ? On a reproché le silence de Pie XII lors du massacre des Juifs. Qui connait et dira le pourquoi de cette réserve face aux crimes de Poutine ?
On parle souvent des valeurs à défendre envers et contre tout. Nos valeurs européennes ! Nos valeurs de civilisation ou des démocraties !
Grande escroquerie qui se cache derrière des mots vides de sens et de contenu. Les valeurs du monde sont le fric, le pouvoir, la jouissance avec les multiples plaisirs. En le chacun pour soi.
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ven.
01
juil.
2022
Cette guerre d’Ukraine n’en finit pas. La Russie attaque systématiquement les villes et les villages avec son énorme artillerie, détruisant tout, immeubles, palais, églises, hôpitaux, écoles, avec des milliers de morts civils et militaires et des milliers de blessés. Cette entreprise, méthodique, n’oublie rien. C’est le rouleau compresseur, lent, qui écrase à fond. Il ne restera rien de l’Ukraine sinon des ruines.
On perçoit le recul des Ukrainiens malgré leur courage immense. Ils supplient qu’on vienne les aider, qu’on leur procure au plus vite des armes lourdes et modernes pour riposter à la puissante artillerie russe, dix fois plus nombreuse que celle des Ukrainiens.
Les Européens ont promis beaucoup, mais ces armes arrivent au compte-gouttes. Les Européens qu’on croyait unis pour aider l’Ukraine sont en réalité divisés. Les Allemands, dépendant pour 60/100 du gaz russe, livrent peu d’armement. Les Russes menacent ceux qui veulent fournir des armes à l’Ukraine de les traiter de co-belligérants.
Les Russes s’amusent à sortir les menaces nucléaires, tactiques et même stratégiques, pour faire rentrer les lapins occidentaux dans leurs terriers.
Poutine est un être complexé. Il est petit de taille. Il a des origines modestes. Il a le pouvoir. Peut-être est-il malade et n’a plus beaucoup de temps à vivre. Mais il s’est construit une histoire glorieuse de l’Empire russe depuis les premiers tsars, et il se prend pour un nouveau Pierre le Grand chargé de reconstruire un nouvel Empire russe après la chute des Soviétiques (Eltsine, Gorbatchev) qui ont permis le morcellement des républiques ex-soviétiques, dont certaines se sont empressées de se rapprocher de l’Europe, de l’Otan, et pour lesquelles Poutine est le diable qui veut les récupérer sous prétexte de les protéger des nazis, c’est-à-dire de l’Europe occidentale, libre mais dépourvue d’une armée européenne de taille à résister aux Russes..
La population russe nourrie de propagande réagit peu. La crainte des emprisonnements et des camps la fait taire. Poutine continue. L’armée lui obéit. Pas de rebelles jusqu’à maintenant et d’autant moins que l’armée russe qui avait mal commencé sa campagne en février et mars 2022, s’est ressaisie et fait actuellement reculer l’armée Ukrainienne moins lourdement armée.
L’Europe, au début unie, a promis monts et merveilles aux Ukrainiens, afin de leur donner une plus forte résistance ; on allait leur procurer des armes modernes qui allaient rivaliser avec celles des Russes. Mais les armes promises arrivent trop lentement. Et l’Ukraine qui a 100 à 200 tués militaires chaque jour est en train de se décourager et d’abandonner certaines villes ou villages pour essayer de résister sur d’autres points du territoire devenus cruciaux.
Le moral baisse. Les médias s’intéressent moins à cette guerre. Il faut du neuf ! Les Usa ont abondamment promis des milliards de dollars et de nombreuses armes de guerre à condition qu’elles ne seront pas tirées sur la Russie, elles ne peuvent pas toucher le sol russe, c’est l’ordre de Biden qui à 78 ans ne semble pas dans la meilleure forme pour commander l’armée des Etats-Unis lors d’une crise mondiale.
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Un bijou littéraire est apparu en juin 2022, édité par le Musée René Magritte, 135 rue Esseghem à 1090 Jette-Bruxelles, tél : 00 32 2 428.26.26. ou info@magrittemuseum.be
Il s’agit d’un livre de 113 pages rassemblant plus de 500 aphorismes de Henry de Montherlant, choisis par le directeur de ce musée, Monsieur André Garitte.
Titre du livre : Montherlant le plus grand penseur au monde.
Prix du livre = 12 eur (plus 4 eur frais postal Belgique, et 13 eur frais postal Europe).
Compte bancaire = BE 22.0682.1674.8547
Livre remarquable par son contenu et sa présentation.
Voici de courts extraits de l’introduction d’André Garitte :
« Ce livre contient plus de 500 sagesses ou idées réussies. Après des années de recherche en littérature (de Platon à Schopenhauer et de Nietzsche à Sartre), il s’est avéré qu’aucun autre philosophe ou moraliste ait jamais été à même de concevoir autant de sagesses. Ce tour de force fait donc d’Henry de Montherlant (1895-1972) « le plus grand penseur au monde ». Ses atouts sont : une grande lucidité, un génie logique, une sensibilité pour l’essentiel, la profondeur d’esprit et un style limpide. Qui croit qu’un autre écrivain atteint le même niveau peut proposer un ensemble aussi valable. Nous n’en avons en tout cas jamais trouvé. (…)
« Cela commence déjà avec le nom : Montherlant. Il est si beau, si noble, si relevé à l’oreille. Le simple fait de prononcer son nom est un plaisir. Il avait aussi une tête expressive, une vraie tête de caractère avec des yeux pénétrants. Avec par-dessus une étendue de cheveux droits, dressés et combatifs, comme on en voit rarement. (…)
Est bien inhabituel et remarquable le fait qu’un homme qui atteint un si haut niveau voulût absolument faire ses preuves physiquement aussi. Course à pied, football, tauromachie, un peu de boxe, volontaire pour son pays pendant la Première Guerre, c’est vraisemblablement sans fin. Heureusement son cerveau est resté intact malgré tout. (…)
Personne n’a jamais tutoyé Montherlant et on ne pouvait pas non plus l’appeler par son prénom. Il donnait l’impression d’être hautain à bon nombre de personnes, mais par ailleurs il repoussait les snobs et les hommes de pouvoir. Et il côtoyait volontiers des êtres simples d’extraction modeste. (…)
Le vrai Montherlant ne correspondait donc pas toujours à la figure publique. Comme lorsque vers 1959, le journaliste anversois Georges Krakowsky, qui admirait l’écrivain, partit à Paris avec son amie Nadia Donckerwolcke pour aller à la recherche de son idole et le rencontrer. Ils sonnèrent chez lui Quai Voltaire, le long de la Seine. Montherlant lui-même apparut à la porte en peignoir et dit : « Monsieur de Montherlant n’est pas à la maison » (témoignage de Nadia Donckerwolcke, 2019).
André Garitte
Directeur du Musée René Magritte
ven.
03
juin
2022
Cette guerre d’Ukraine va nous emporter bientôt dans un conflit généralisé entre Poutine et les pays démocratiques occidentaux (les trente membres de l’Otan, notamment).
Nos villes seront détruites comme celles de l’Ukraine, car nous sommes trop lâches, trop effrayés par l’attitude inattendue et criminelle de Poutine, qui a tétanisé les chefs d’Etat de l’Ouest. Même Biden, trop âgé, aurait mieux fait de se taire plutôt que d’annoncer dès le début de l’attaque russe, qu’aucun soldat américain ne sera confronté aux Russes en Ukraine. Fuite éperdue, et dès le 22 février, des conseillers Américains comme ceux fuyant Kaboul.
A nouveau, Poutine est rassuré, lui qui détruit ville après ville du territoire ukrainien. Il a le champ libre.
Etonnement de Biden de constater ensuite la résistance des Ukrainiens et revirement de sa stratégie : il appuie maintenant les Ukrainiens avec des milliards de dollars pour les armer et il leur envoie un matériel militaire très performant des arsenaux américains.
Mais la livraison des nouvelles armes aux Ukrainiens, pour répondre à l’artillerie russe, est très lente, et les Ukrainiens en demandent chaque jour davantage, et crient chaque jour plus fort car le temps travaille contre eux ; l’armée russe a compris ses erreurs tactiques et concentre le gros de ses forces, une artillerie variée et destructrice, sur certaines villes, prises une par une, vidées pour la plupart de leurs habitants en fuite, et elles seront complètement détruites.
Poutine cherche à dominer d’abord le Donbass.
Le Donbass est un bassin houiller, de l'est de l'Ukraine et frontalier de la Russie, situé entre la mer d'Azov et le fleuve Don. C'est une région économique et culturelle importante de l'Ukraine, qui comprend deux oblasts de l'est du pays : l'oblast de Donetsk et l'oblast de Louhansk. C’est là, durant ces derniers jours de mai 2022, que les combats entre Russes et Ukrainiens ont atteint une très forte intensité.
Et maintenant le président américain Joe Biden a exclu ce lundi 30 mai la livraison à l'Ukraine des systèmes de lance-roquettes (MLRS) à très longue portée et très performants, qui auraient pu renverser le sort de la bataille. En cause : leur capacité à atteindre la Russie. Biden ne veut pas attaquer le territoire russe. Mais il n’interviendra pas avec ses troupes, avions et chars en première ligne, pour stopper les dévastations russes en Ukraine.
Les Ukrainiens s’estiment trahis par cette promesse non tenue par Biden, qui les met en difficulté dans le Donbass, où l’artillerie russe domine de loin l’artillerie adverse.
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Aucun chef d’état membre de l’Otan n’a pris le risque d’engager des troupes, dès le début de cette guerre, pour défendre l’Ukraine, ni même de menacer Poutine d’une intervention quand les bombardements russes se sont multipliés, dévastant villes et villages de ce beau pays, grenier de l’Europe.
Poutine rassuré par Biden le gaffeur du retrait américain voyait toute l’Ukraine offerte, territoire immense à ajouter à son immense pays.
Poutine nous a fait croire que ses revendications se limiteraient aux territoires russophones du Donbass sis le long de la frontière russe. En réalité, depuis le début, il voulait l’Ukraine toute entière et la Mer Noire et la Mer d’Azov, bientôt entièrement russes.
Et ensuite il s’attaquera à la petite Moldavie, aux trois états baltes, et ensuite il démembrera la Pologne déjà martyrisée par les Allemands et les Russes qui se la partagèrent en 1939.
Poutine est rancunier et Il ne pardonnera jamais aux Ukrainiens leur résistance ; il détruira chacune des villes, chacun des villages. Il s’emparera des récoltes abondantes pour les envoyer en Russie ou vers certains pays vassaux comme la Biélorussie. Il pillera l’Ukraine de ses richesses céréalières, de ses métaux, de ses terres rares. Il la privera de ses ports, il déportera, jugera, condamnera.
Il y aura des milliers de morts qui s’ajouteront aux cadavres innombrables déjà comptés pour les quatre premiers mois de cette guerre scandaleuse.
La guerre mondiale va donc éclater emportant les états endormis de l’Europe, peu armés, persuadés d’être protégés par l’Otan et les USA. Pauvres naïfs…
Oui, penser que cette opération spéciale invasion-guerre se limitera à l’Ukraine est naïf.
Poutine ne va pas risquer son sort ni celui de ses forces militaires, dans son rêve de reconstitution d’un nouvel empire russe, s’il n’est pas convaincu de gagner. Il risquera tout, comme le joueur au casino. Ses mouvements et progressions sont lents et implacables, précédés par les tirs d’une immense artillerie qui tue, par milliers, les militaires et les civils ;
il détruit et rase les immeubles des villes, les beaux monuments, les bâtiments historiques, les écoles, hôpitaux et théâtres, les maisons et fermes campagnardes. Aucune fin pour arrêter la destruction systématique par celui qui a annoncé depuis le début que ses buts seront atteints. Son opinion publique gavée de communications mensongères est muette, et les rarissimes opposants sont emprisonnés dans les délais les plus courts.
Qu’attend notre Dieu pour manifester sa colère contre les démons ? Il est temps, Seigneur, que votre Justice infinie se manifeste..
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En 1945, notre population belge était persuadée que la paix règnerait très longtemps, malgré la période soviétique et la guerre froide qui ont suivi la seconde guerre mondiale.
« La dislocation de l'URSS se produisit le 26 décembre 1991 lorsque le Soviet suprême de l'Union soviétique et le Soviet des Républiques du Soviet suprême de l'Union soviétique, par la déclaration n° 142-N (N = Н en russe) créèrent la Communauté des États indépendants (CEI) et reconnurent officiellement la séparation, intervenue dans les mois précédents, des républiques de l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), reconnaissant ainsi formellement la disparition de l'Union soviétique en tant qu'État et sujet du droit international.
La veille, le 25 décembre, le président soviétique Mikhaïl Gorbatchev, huitième et dernier dirigeant de l'URSS, avait démissionné, déclarant son poste supprimé et transférant ses pouvoirs, y compris le contrôle des codes de lancement de missiles nucléaires, au président de la fédération de Russie, Boris Eltsine. Ce soir-là, à 19 h 32, le drapeau soviétique fut abaissé pour la dernière fois du Kremlin et fut, le lendemain à l'aube, remplacé par le drapeau russe pré-révolutionnaire.
Auparavant, d'août à décembre, les quinze républiques soviétiques, Russie comprise, avaient fait sécession de l’Union soviétique et aussi dénoncé le Traité sur la création de l'URSS. La semaine précédant la dissolution officielle, onze républiques signèrent les accords d'Alma-Ata établissant officiellement la CEI et déclarant que l'URSS avait cessé d'exister. Les révolutions de 1989 et la dissolution de l'URSS marquèrent également, pour plus de vingt ans, la fin de la guerre froide.
Plusieurs des anciennes républiques soviétiques, comme la Biélorussie, l'Ukraine, la Moldavie, l'Arménie et les cinq d'Asie centrale maintinrent des liens étroits avec la Fédération de Russie et formèrent des organisations multilatérales telles que la CEI, la Communauté économique eurasienne, l'union de la Russie et de la Biélorussie, l'Union douanière de l'Union eurasiatique et l'Union économique eurasienne afin de renforcer la coopération économique et en matière de sécurité. En revanche, les pays baltes rejoignirent l'OTAN et l'Union européenne.
Lorsque l’Etat soviétique s’est effondré et que les républiques de la Fédération de Russie ont pris leur indépendance, les démocraties européennes toujours rassurées, n’ont pas vu venir le danger malgré plusieurs signes, que la guerre s’annoncerait avec les premiers combats en Georgie, et les destructions en Tchétchénie, déclenchées par la stratégie de Poutine.
L’erreur de l’Europe est de n’avoir pas compris que Poutine haïssait les démocraties et leur richesse, lui qui, ne parvient pas à atteindre, pour son immense Etat, le plus grand de la planère, un produit national brut plus élevé que celui de l’Epagne ou celui des Pays-Bas.
Poutine est un complexé qui n’oublie aucune humiliation, aucune offense. Il déteste les occidentaux et leur vie relâchée, même s’il n’est pas un ange mais plutôt un chef de gang immensément riche, régnant par la terreur, les assassinats et la corruption. Il méprise Macron, Brigitte et leur fort de Brégançon où il fut invité. Il humilie Macron lors de leur entretien à Moscou au début de la guerre d’Ukraine, démontrant l’inutilité du Président des Français, ivre de paroles mais qui n’obtient aucune concession, chacun assis à l’extrémité d’une table digne d’Alice au pays des merveilles.
Poutine ne reculera pas car il ne veut pas perdre la face, s’étant déjà trompé dans sa stratégie du début de la guerre d’Ukraine, ce qui a causé la mort de milliers de soldats russes, mal commandés malgré un armement abondant et meurtrier, fusées, missiles, chars, avions, répandant terreur et destruction.
Henry Kissinger a appelé l'Ukraine à céder une partie de son territoire pour arrêter la guerre. Il estime que l'Occident devrait forcer le pays à négocier. C’est vite dit !
L'ancien secrétaire d'État américain Henry Kissinger a déclaré au Forum de Davos que l'Ukraine devait céder du territoire à la Russie pour aider à mettre fin à l'invasion, suggérant une position contre laquelle la grande majorité des Ukrainiens s'opposent, selon le Washington Post/Daily Telegraph.
Kissinger a également appelé les États-Unis et l'Occident à ne pas rechercher une défaite honteuse pour la Russie en Ukraine, avertissant que cela pourrait saper la stabilité à long terme de l'Europe.
Soulignant que les pays occidentaux ne doivent pas oublier l'importance de la Russie pour l'Europe et ne pas être "emportés" par les sentiments actuels, Kissinger a également exhorté l'Occident à forcer l'Ukraine à accepter des négociations avec le statu quo ante ou l'état antérieur des relations.
C’est vite dit !
« Les négociations devraient commencer dans les deux prochains mois avant de créer des remous et des tensions qui ne seront pas facilement surmontées. Idéalement, la ligne de démarcation devrait être un retour au statu quo précédent », a déclaré l'ancien secrétaire d'État américain.
Selon lui, la poursuite des hostilités ne signifiera pas la liberté pour l'Ukraine, mais une nouvelle guerre contre la Russie elle-même.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a souligné que certaines de ses conditions pour entamer des pourparlers de paix avec la Russie incluraient la restauration des frontières avant l'invasion.
Les commentaires de Kissinger interviennent alors que les dirigeants mondiaux affirment que la guerre de la Russie en Ukraine a remis en question "l'ensemble de l'ordre international".
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a déclaré aux dirigeants mondiaux à Davos que la guerre n'était pas seulement "une question de survie de l'Ukraine" ou "une question de sécurité européenne", mais aussi "une tâche pour l'ensemble de la communauté mondiale".
Elle a condamné la « rage destructrice » du président russe Vladimir Poutine, mais a déclaré que la Russie pourrait un jour retrouver sa place en Europe si elle « retrouvait le chemin de la démocratie, de l'État de droit et du respect d'un ordre international fondé sur des règles ». « Parce que la Russie est notre voisin. » Bla-bla européen ?
Madame von der Leyen est très optimiste. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a fermement rejeté la possibilité que son pays cède une partie de son territoire au nom d'un accord de paix avec la Russie. Dans son traditionnel discours vidéo du soir, Zelensky a critiqué les propositions de certains politiciens occidentaux demandant à l'Ukraine de faire des concessions à Moscou, notamment en renonçant à son territoire, a rapporté l'agence de presse ukrainienne UNIAN.
Ces "grands géopoliticiens" qui proposent de telles solutions ignorent "les intérêts des Ukrainiens ordinaires, les millions qui vivent réellement dans les territoires qu'ils proposent d'échanger contre l'illusion de la paix", a déclaré Zelensky cité par l'Associated Press. Nous devons toujours penser aux intérêts du peuple et nous rappeler que les valeurs ne sont pas que des mots, a déclaré le dirigeant ukrainien.
Il a exprimé sa perplexité face aux « missiles russes… malgré les dizaines de milliers d'Ukrainiens tués… malgré Bucha et Marioupol. Malgré les villes ukrainiennes détruites », à Davos, par exemple, M. Kissinger a sauté du passé profond et a dit donner à la Russie un morceau de l'Ukraine ». Afin de ne pas aliéner la Russie de l'Europe. J'ai le sentiment que pour M. Kissinger, l'année n'est pas 2022, mais 1938. Et il pensait qu'il ne parlait pas au public de Davos, mais de ce qui était alors Munich, a déclaré Zelenski.
(Sources Wikipedia)
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lun.
02
mai
2022
POEMES
Sur la destruction de l’Ukraine (2022)
_______________________________
Mon bel amour, mon tendre amour,
Que dis-tu de ces monstres qui envahissent nos terres
Qui réduisent en miettes nos palais, nos demeures,
Qui tuent nos enfants, nos bébés et nos chiens ?
Nous vivons en enfer
Les grand-mères s’épuisent nuit et jour
Dans les caves étouffantes
A soigner ceux dont les mères sont mortes
Enterrées vite, vite, quand les mugissements des sirènes
Se taisent.
Nos hommes sont loin en avant
Sur le front
Courageux maris, soldats, fils intrépides,
O mes tendres virils avec vos longues armes
Vous explosez les tanks, incendiez les hélicoptères
Qui rasant les terres neigeuses laissent derrière eux
Des flammes rouges orangées
Avant de s’écraser près de nos fermes.
Coup au but ! Vive celui qui a bien visé la cible !
Chers Ukrainiens, mon esprit ne vous abandonne pas,
Je vous parle à l’oreille doucement
A vous réfugiés en longues files sur les routes
Marchant vers les gares et les stations de cars,
Les attentes s’allongent dans les couloirs
Ou dehors dans le froid
Vos vies ne comptent pas sous les bombes
Explosant sur vos têtes.
Les tirs sont suspendus pour une heure ou deux
On leur a dit, mais qui l’a dit
Le temps de rassembler quelques affaires
Du linge, des lainages, sans oublier des photographies
Et courir, marcher, fuir
Si fatigués de ne plus dormir
S’entasser dans les gares
Des heures et des heures.
Dans l’attente du train sauveur
Quais de départ, quais d’arrivée
Aidez-nous par pitié, nous n’en pouvons plus.
Vous avez cru les démons harnachés de noir
Qui vous crient en avant, vite, vite.
Où sont mes petits, et ma fille, et mon mari
Elle a dit je n’ai plus mangé depuis deux jours
Et j’ai soif, je suis malade, mes jambes sont de l’ouate.
Je vais mourir de tant vous regarder
Du matin au soir et la nuit
Je ne puis vous serrer dans mes bras
Ni sécher vos larmes sur vos joues grises, sales,
Pauvres grandes dames courageuses
Héroïnes paysannes, ouvrières saintes
Je prie à vos genoux.
Ils sont pressés comme des citrons
Tant la mort les enserre
De partout
Ils ne peuvent respirer, ils n’ont plus de maisons
On ne respecte pas les domiciles
Façades béantes
Comment est-il permis de tant détruire ?
Seigneur, Créateur, Puissance infinie,
Vos chéris sont mis à mort
Qu’attendez-vous pour les protéger ?
Cela devient insupportable, les mots sont inutiles.
Et les prières ? Etes-vous sourd ou aveugle
Petit Seigneur des causes ardues ?
°°°°°
Hurlements dans les villes dévastées,
Femmes violées puis abattues
Dans les caves ou sur les routes.
Enfants déportés dans la noire Russie
On voit quelques chiens, les habitants sont morts.
Des ponts sont cassés, interdiction de passage
Les grands immeubles, les maisons simplettes
Sont comme des boites d’allumettes
Tous les efforts des bâtisseurs durant des siècles
Anéantis en quelques jours
Ils étaient fiers de leur travail
Mais c’est fini
Tout est détruit
Le démon a tout saccagé avec ses fusées,
Ses bombes, ses missiles
Le mal ne s’économise pas
On rit en enfer
Malheur à Poutine et malheur aux vivants qui l’ont suivi.
Le Ciel est-il vide ?
Le démon a créé un missile le plus puissant du monde
Et le plus destructeur,
Il bat tous les records et se nomme Satan.
C’est son nom, je n’invente pas.
Dieu puissant Créateur encore combien de temps
Avant que votre justice fasse trembler le criminel
Qui laisse sa trace partout où il passe.
Bave de limace
Pauvres corps abandonnés sans sépulture
Assassinés.
Les oiseaux se sont tus.
Les Ukrainiens seuls à se défendre
Répondent coups pour coups
Aux tueurs grimaçant dans leurs tanks
Semeurs de ruines
Votre tour viendra Européens
Ivres de mots, de commentaires,
Ravis de n’être pas sous les feux du démon
Gazés, violés,
Tirés comme des lapins,
Pulvérisés sous les bombes.
Cela n’arrivera pas, disent-ils, il n’osera pas nous attaquer.
L’Otan est notre armure
Se rassurent les naïfs sans armée
Ce sera trop tard méchants bavards
Le démon viendra chez vous
Cheval noir de l’Apocalypse
Ses brides sont lâchées
Courageux Ukrainiens, vous criez au secours,
Hommes et femmes dans les caves
Ou le métro durant des mois
Qui vous répondra parmi les beaux parleurs ?
Je pense à vous
Militaires voltigeurs assénant vos coups
Rares mais bien ajustés
Mortels
Dans vos souterrains de Marioupol
Cernés par les diables qui ne vous laisseront pas sortir
De votre usine géante aux mille dédales
Il vous a traités de mouches
Vous tuera si vous quittez vos catacombes
Gloire à la Pologne
Mère accueillante aux enfants, femmes, vieillards
Trois millions de réfugiés
A Varsovie on parle tant de langues depuis la guerre
De 2022.
Le démon a coupé le gaz à la Pologne
Merci pour le cadeau, Vladimir Poutine
Qui se signe de la Croix dans les églises orthodoxes
Où les popes russes se rengorgent
Encensant le Maitre du Kremlin.
H de M.
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mar.
05
avril
2022
Un démon est sorti de l’enfer pour envahir le 24 février 2022, avec ses troupes de fer et de feu, l’Ukraine de vieille civilisation, peuplée d’habitants pacifiques unis dans une jeune démocratie.
Maintenant, chaque jour et chaque nuit, ce pays est dévasté par les bombardements d’avions et de centaines de missiles russes.
Ville après ville, chacune est détruite. Certaines rasées. Plus un immeuble debout. Dans les caves, des Ukrainiens qui n'ont pas voulu fuir, tandis que plus de cinq millions, surtout les femmes et leurs enfants, se sont réfugiés en Pologne, en Moldavie, en Roumanie, et dans d’autres pays proches qui les accueillent chaleureusement, quoique ces pays voisins eux-mêmes sont sous la menace d’être attaqués à leur tour par l’envahisseur démoniaque.
Chaque jour, chaque nuit, des milliers d’êtres humains, y compris des femmes, des enfants, des bébés, sont écrasés sous les décombres d’immeubles innombrables ; ceux qui survivent, se terrent dans les caves, des jours et des nuits, parfois des semaines, sans sortir.
Dieu devrait hurler dans l’espace infini et renvoyer les êtres diaboliques dans leur géhenne. Non, Poutine est le seul maître qui commande, le président Biden des USA ayant, dès le début de l’invasion, déclaré stupidement qu’aucun militaire américain ne viendrait porter secours aux Ukrainiens attaqués. Débrouillez-vous ! Les Américains sont au spectacle télévisuel. Et l’ennemi poutinien sait qu’il a le champ libre pour ravager et tuer.
Ces quarante millions habitants d’Ukraine ont une petite armée d’active et de réserve, avec peu de blindés et quasi pas de marine ; les militaires d’active sont 60.000 face aux 200.000 soldats russes équipés d’une formidable artillerie et de centaines de tanks et des milliers de missiles. Les Ukrainiens ne peuvent compter que sur leur courage, sur leur connaissance du terrain et sur leur mobilité. Ils ont des armes légères air-sol, et les munitions que leur envoient par camions les pays de l’OTAN. Impossibilité, en effet, d’enfreindre l’interdiction du démon de survoler l’espace aérien de l’Ukraine.
Etonnamment, et malgré la disproportion des forces, les Ukrainiens se battent comme des lions. Ils ont été formés par l’armée américaine depuis une dizaine d’années. Mais les quelques Américains diplomates ou militaires encore en mission en Ukraine ont dû la quitter huit jours avant le 24 février suite à l’ordre du président Biden, de rentrer au pays, informé par ses services d’espionnage de l’imminence de l’invasion russe.
Biden le Démocrate refuse le moindre contact entre l’armée russe et l’armée américaine. Trop dangereux ! Risque de choc nucléaire et de troisième guerre mondiale.
Donc l’Ukraine non membre de l’Otan, ne sera pas défendue par l’Amérique même si elle donne aux Ukrainiens des milliards de dollars, et leur envoie des milliers d’armes légères, avec des missiles air-sol et des défenses anti aériennes.
Le silence du Pape comme chef de la chrétienté est assourdissant. Sauf quelques mots à son balcon le dimanche. Il est fâché, il déteste la guerre,
Il parle à juste titre de guerre sacrilège, mais il ne désigne ni ne condamne pas nommément le démon responsable de l’invasion qui dévaste l’Ukraine. Un nouveau Pie XII trop prudent ? Il serait temps qu’il renvoie les diables en Enfer. A moins qu’il n’intervienne via sa diplomatie secrète ?
Le pape jésuite ressemble à Ponce-Pilate.
Il lui faut sans doute ménager aussi les Eminences religieuses orthodoxes qui se déchirent entre Kiev et Moscou.
Chaque jour, chaque nuit, depuis le 22 février, c’est le spectacle continu, atroce, d’immeubles effondrés, hachés, perforés, incendiés, noircis, ruinés sous les coups des missiles ou des bombes aériennes russes, affreux spectacles de terribles destructions qui réduisent les villes et villages à un tas de matériaux éparpillés, déchiquetés, à des déchets et des cendres. Les façades sont éventrées, les toitures sont aplaties. En-dessous, les morts et les blessés.
Parfois dans les communes que les Russes ont quittées, des cadavres d’Ukrainiens en tenue de civils sont allongés sur le bas-côté des routes. Assassinés. Tirés comme des lapins. Certains ont les mains liées derrière le dos.
Mais dans les caves, il y a encore des Ukrainiens vivants, certains en treillis militaires, qui survivent pour défendre leur pays très aimé. Beaucoup ont mis à l’abri leur femme et leurs enfants dans les pays voisins. Surtout en Pologne. Courageuse Pologne toujours au premier rang, et victime sacrée en Europe. Pologne bouc émissaire dont on déchire les morceaux. Pologne civilisée voisine d’une nation devenue folle dont le chef Poutine a prévenu d’utiliser le feu nucléaire si on lui résiste.
Dans les ruines, on voit des centaines de cadavres ; les corps ne sont pas tous enterrés. Vu les tirs en surface, il est parfois impossible d’être fossoyeurs. Parfois les « services sanitaires ukrainiens » travaillent à creuser des fosses la nuit pour y placer les pauvres morts. Mais plus les combats sont intenses, plus il y a de morts qui jonchent les trottoirs et les rues, ou écrasés dans les ruines.
On dit maintenant que les Russes mal organisés, trop jeunes combattants, qui, dans certaines villes, reculent sous les contre-attaques ukrainiennes, abandonnent leurs morts sur place, laissant aux Ukrainiens la charge de ramasser, d’enterrer ou de brûler les cadavres russes
Quand je contemple durant des heures depuis tant de jours le spectacle abominable de cette guerre, je vois maintenant que le Mal n’arrête pas quand il se lance dans l’anéantissement de l’être humain. Rien ne résiste à ses avancées. Le diable tueur déteste l’être humain, il le méprise, le viole, le fait hurler de douleur.
Les généraux russes qui, sous les ordres du Démon, pilotent cette invasion poutinesque, ordonnent des milliers de tirs sur une population pacifique, sans défense importante, sauf le nombre de sa population (40 millions d’habitants), n’ont-ils aucun recul, aucun remords, d’avoir commis ces innombrables atrocités ?
Il faut interdire aux subordonnés d’exécuter les ordres supérieurs, et ne pas hésiter à risquer sa propre vie en désobéissant. Qui osera ?
Ce superbe pays avec ses belles villes anciennes, berceau de la Russie, ses grands espaces fertiles, grenier de l’Europe, est détruit jusqu’à la racine. Pertes immenses irréparables. Massacres entre frères et cousins, tant il y a de familles mixtes russo-ukrainiennes.
Viols des maisons, des appartements, mais viols aussi des esprits et des corps. Folie qui guette les habitants sans cesse stressés par le bruit des sirènes et des explosions qui percent de frissons les corps à toute heure du jour et de la nuit. Fracas assourdissant des missiles qui éclatent et ravagent d’un coup une rangée d’immeubles devenus des clapiers charbonneux, ouverts incendiés à tous les vents.
Cette guerre montre la bêtise du Démon que rien n’arrête, mais le Mal s’épuisera soudain sous la masse de ses crimes, avec la mort des responsables. Le Mal est toujours perdant à la fin, même si cela peut prendre du temps. Poutine finira mal. Le Bien triomphera.
Des familles entières sont bloquées durant des jours et des jours dans des caves sous leurs immeubles démolis, n’osant pas sortir, privées d’eau et de nourriture, mangeant leurs animaux de compagnie pour survivre, attendant de pouvoir intégrer des colonnes de cars organisées sur place par la Croix-Rouge, sans certitude que les routes seront à l’abri du feu ennemi, sans connaître d’avance la date de la mise en mouvement de ces colonnes.
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La ville martyre : MARIOUPOL (source Wikipedia)
Assiégée depuis la fin du mois de février, la ville portuaire de Marioupol à l'est de l'Ukraine sur la mer d'Azov est détruite à plus de 90%. Peuplée de 450.000 habitants avant la guerre, environ 160.000 personnes seraient toujours coincées sur place. La ville tient bon, mais l'armée russe ne relâche pas la pression.
Malgré les
bombardements incessants et les milliers de civils tués depuis le 24 février, Marioupol tient bon. Assiégée depuis le début de l’offensive russe, ce port situé au sud-est du pays sur la mer
d'Azov est au centre du conflit. Les habitants qui n’ont pas pu fuir la ville doivent vivre dans des conditions compliquées, sans eau potable ni électricité.
Malgré la résistance rencontrée, l’offensive se poursuit à Marioupol. Le 21 mars, Kiev a rejeté un ultimatum lancé par Moscou. Pourtant, une maternité a été frappée, des zones d’habitations ont été rasées et un théâtre, où des civils s’abritaient, a été bombardé, faisant environ 300 morts.
Une ville stratégique
Marioupol est une ville stratégique pour les Russes. « C’est même le seul port que les Russes ne maîtrisaient pas dans leur volonté de faire la jonction entre les
territoires de Crimée et le Donbass », détaille Emmanuel Dupuy, président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe. Depuis le début de l’offensive, les ports de Berdiansk
et Kherson sont tombés aux mains des Russes. Il ne leur manque que celui de Marioupol pour assurer la jonction entre les deux régions.
Si Marioupol tombe, la mer d’Azov sera contrôlée à 80% par les Russes. En effet, elle se trouve entre les régions du Donbass, la Crimée et la Russie. Économiquement parlant, Marioupol joue un rôle clé dans l’exportation du blé en provenance des terres noires ukrainiennes.
Une symbolique importante
« Pour Vladimir Poutine, dans sa façon de présenter son opération spéciale de paix, une prise de Marioupol serait une victoire », estime Emmanuel Dupuy. « C’est la seule ville du Donbass qui n’avait pas été conquise en 2014 », rappelle l’Institut Prospective et Sécurité en Europe. La chute de Marioupol serait une revanche du président Vladimir Poutine,
vu que cette ville avait résisté sans tomber en 2014 lors de la guerre entre Ukrainiens et séparatistes russophones.
La terreur russe
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Que faire devant ce désastre de civilisation, devant cette flambée d’un brasier immense au centre de l’Europe, avec les risques d’extension de la guerre, avec le chantage à la guerre mondiale et nucléaire ?
Il y a des êtres méchants qui dirigent le monde sans aucun souci de la vie des populations : arrestations nombreuses jour et nuit, manifestations interdites, censures et interdiction des media, dénonciations, juges à la solde du pouvoir, bombardements de villes, tortures, séjour dans les camps, mises à mort, mensonges permanents attisés par une propagande en perpétuel éveil.
L’homme terreur pour l’homme jusqu’à la destruction prochaine et totale de la planète.
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jeu.
03
mars
2022
Introduction au sujet de l’Ukraine pour bien comprendre la tragédie actuelle suite à l’attaque russe du 24 février 2022 :
C'est seulement vers 1989 que la libéralisation du régime soviétique et la libération des détenus politiques permettent aux Ukrainiens de s'organiser pour défendre leurs droits à la souveraineté. En 1989, le Mouvement national ukrainien, Roukh, est créé. Lors des élections de mars 1990, les partis ukrainiens du bloc démocratique obtiennent alors environ 25 % des sièges au Parlement. Sous l'influence des députés démocrates, le Parlement adopte, le 16 juillet 1990, la Déclaration sur la souveraineté politique de la République d'Ukraine. C'est le premier pas vers l'indépendance complète de l'Ukraine. Celle-ci est proclamée le 24 août 1991 et confirmée par le référendum du 1er décembre 1991 : 92 % des électeurs votent en faveur de l'indépendance.
Le 8 décembre 1991, la dislocation de l'URSS est actée par l'accord de Minsk, signé par les dirigeants russe, ukrainien et biélorusse.
L'Ukraine devient l'un des membres fondateurs de la Communauté des États indépendants.
Par le Mémorandum de Budapest sur les garanties de sécurité, signé le 5 décembre 1994, l'Ukraine abandonne son arsenal nucléaire en échange de la garantie par les États-Unis, le Royaume-Uni et la Russie de son intégrité territoriale.
Une situation entre Russie et Europe de plus en plus difficile depuis 2004 :
Révolution orange en décembre 2004.
La situation de l'Ukraine, coincée entre la Russie et l'Union européenne, devient difficile dès 2004 avec la Révolution orange, marquant l'opposition entre deux parties de la société, celle majoritairement pro-européenne et occidentale (surtout à l'ouest du pays) et celle russophile (surtout à l'est du pays). La difficile élection du candidat pro-européen Victor Iouchtchenko marque le début de relations tendues avec la Russie qui n'admet pas la prise de distance de l'ancienne république soviétique, jusqu'alors restée alliée de Moscou. Des tensions au niveau du gaz éclatent dès 2006.
En 2010 le pro-russe Victor Ianoukovytch est élu président, mais le courant pro-européen et occidental persiste. À la suite du refus du gouvernement de signer des accords de rapprochement avec l'Union européenne, le renforcement du mouvement Euromaïdan provoque un renversement du pouvoir. Très rapidement, une crise éclate entre les territoires majoritairement russophones du sud-est du pays et le nouveau pouvoir central de Kiev.
Le 11 mars 2014, la Crimée proclame son indépendance, puis à la suite d'un référendum est rattachée à la fédération de Russie le 18 mars. Ce référendum et le rattachement qui a suivi ont été condamnés par l'Ukraine et une large part de la communauté internationale. Ainsi, le 27 mars 2014, l'Assemblée générale de l'ONU a voté la résolution 68/262 sur « l'intégrité territoriale de l'Ukraine », la majorité des pays condamnant le rattachement de la Crimée à la Russie : 100 pays dont les États-Unis et l'UE.
Une guerre civile, dite guerre du Donbass, éclate ensuite dans l'est de l'Ukraine majoritairement russophone, qui entraîne plus de dix mille morts.
L'Ukraine est la cible de cyberattaques dont le but est de réduire la légitimité du pouvoir ukrainien et tester de nouvelles cyberarmes, perturbant également l'économie. Les cyberattaques ont pu notamment arrêter des centrales nucléaires et empêcher les distributeurs de billets de fonctionner. Parmi les attaques, NotPetya (un logiciel malveillant) aurait affecté 70 à 80 % des ordinateurs des grandes entreprises. Bien que NotPetya ait été utilisé par la suite pour créer des attaques mondiales, d'après Microsoft, la première infection a eu lieu en Ukraine. Lors de l'annonce des résultats de l'élection présidentielle en 2014, la principale chaine de télévision, victime d'un piratage, a annoncé des résultats erronés.
En 2016, l'OSCE, une organisation chargée notamment d’observer le cessez-le-feu en Ukraine a été la cible d’une attaque de grande ampleur attribuée à Moscou. L’OSCE est le seul acteur indépendant capable de documenter des exactions ou de vérifier si les promesses faites par Kiev, les prorusses ou le Kremlin sont mises en application. Alors que le conflit dans la région du Donbass semble se transformer en conflit de « basse intensité », depuis le début des combats près d'un million et demi de personnes ont été déplacées, 850 000 à l'intérieur de l'Ukraine, 600 000 en dehors dont 350 000 vers la Russie et 250 000 vers les pays de l'Union européenne.
Le 23 janvier 2022, Joe Biden, président des États-Unis, ordonne aux familles de diplomates américains de quitter le territoire ukrainien en raison des fortes tensions avec la Russie, évoquant « la menace persistante d'une opération militaire russe ».
Le 21 février, le président russe Vladimir Poutine reconnait l'indépendance des républiques populaires autoproclamées de Donetsk et de Lougansk et ordonne à ses troupes de se rendre dans ces parties de l'est de l'Ukraine dans le cadre de ce que le Kremlin qualifie de « mission de maintien de la paix ».
Le 24 février, la Russie procède à des bombardements par missiles de croisière et balistiques sur plusieurs villes ukrainiennes, dont Kiev. Les troupes russes au sol pénètrent sur le territoire ukrainien, ce qui constitue le point de départ de l'invasion de l'Ukraine par la Russie.(Wikipedia)
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Le président de l’Ukraine Volodymyr Zelensky
Volodymyr Oleksandrovytch Zelensky, né le 25 janvier 1978, est un humoriste, producteur, acteur, scénariste, réalisateur et homme d'État ukrainien. Il est président de l'Ukraine depuis le 20 mai 2019.
Puissance de l’armée ukrainienne : L'armée ukrainienne se trouve sous les ordres du ministre de la Défense, celui-ci gère le financement de l'armée (estimé à 1,12 milliard d'euros en 2007), et la défense du territoire. Le commandant en chef est le président : il supervise les déploiements de l'armée, ainsi que les opérations de défense.
À 18 ans, chaque jeune homme est appelé à faire son service militaire, d'une durée de 12 mois pour l'armée de terre et l'armée de l'air, et 18 mois pour la marine. En 2009, les conscrits forment 47 % de l'armée ukrainienne. Cependant, les étudiants qui ont fait une préparation militaire dans leur université sont dispensés de service.
Effectifs : En 2015, l'armée ukrainienne professionnelle compte 280 000 soldats, dont 43 000 travailleurs civils (mécaniciens, techniciens, ingénieurs, et médecins). De même, il y a aussi 700 000 réservistes. La structure de l'armée est la suivante :
145 000 militaires en 2016 (dont 2 brigades blindées, 8 brigades mécanisées, 2 brigades aériennes, 1 brigade aéroportée, 3 brigades d'artilleries, et 1 brigade anti-char.
Armée de l'air ukrainienne : 20 000 militaires en 2016 (dont 247 aéronefs).
Marine ukrainienne : 15 470 militaires en 2016 (dont 2 corvettes, 1 frégate, 1 embarcation de débarquement, 2 navires de soutien).
Paramilitaires :
o Troupes internes du ministère de l'Intérieur (en) : 33 330 militaires (dont 600 travailleurs civils) selon une loi de 2002.
o Service national des gardes-frontières d'Ukraine : 48 000 militaires (dont 6 000 travailleurs civils) selon une loi de 2003.
o Forces de la défense civile (Ministère des Situations d'urgence) : 10 218 militaires (dont 668 travailleurs civils) selon une loi de 1998.
o Garde nationale de l'Ukraine (sous le commandement du ministère de l'Intérieur) : création décidée lors de la crise de Crimée le 14 mars 2014, effectif annoncé de 60 000 hommes8. À l'origine, celle-ci avait été créée le 4 novembre 1991 après l'indépendance du pays sous la supervision directe de la Rada mais avait été démantelée le 11 janvier 2000 dans le cadre d'économies par l'ancien président Leonid Koutchma.
En 2013, les effectifs sont d'environ 180 000 personnes et il est alors prévu qu'ils baissent à 122 000 en 2017. À partir de 2014, les forces armées seront recrutées sur une base contractuelle9. En mars 2014, lors de crise de Crimée, le ministère de la Défense estime que seuls 6 000 hommes des 41 000 soldats d'infanterie étaient « en état de combattre ».
En 1997, l'Ukraine et la Pologne ont signé un accord qui prévoit la formation d'un bataillon commun de maintien de la paix. Depuis 1999, ce bataillon se trouve au Kosovo. (Extraits Wikipedia)
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Après la calamité non encore terminée de la Covid durant les deux dernières années, qui aura fait mourir plus de 30.000 Belges en deux ans et trois mois, nous voilà repartis avec une nouvelle horreur, une guerre à l’est de l’Europe lancée le 24 février à 4 heures du matin, par le président Poutine de Russie et dirigée contre l’Ukraine démocratique, pays immense aux frontières de la Russie et de la Pologne. L’Ukraine ne sera pas protégée, ni par l’Amérique, ni par l’Otan (elle n’est pas membre), ni par aucuns voisins. Le président des USA, Biden, a proclamé très vite que les Etats-Unis n’interviendraient pas sur le terrain. Poutine est maître de tout l’espace air-terre-mer, et du numérique.
L’Ukraine sans alliés, peu armée, avec une aviation réduite, attaquée par une Russie avec ses tanks les plus modernes, une artillerie de masse, maîtresse du ciel, et 180.000 hommes équipés de pieds en cap, est incapable de résister longtemps. Si Poutine le décide, la capitale Kiev sera neutralisée en quelques jours. La stratégie russe est d’encercler l’Ukraine et d’attaquer tout azimut.
On ne trouvera personne parmi les Occidentaux à accepter de mourir pour Kiev. Que de massacres en perspective et quelle fuite éperdue de réfugiés ukrainiens vers la Pologne, la Roumanie, et ensuite les côtes occidentales et l’Amérique, si on le leur permet.
Poutine, le nouveau César, persuadé que les Occidentaux ont berné les Russes au moment de la dislocation du bloc soviétique, en permettant l’indépendance de plusieurs républiques soviétiques de plus en plus tentées de se tourner vers l’Occident, et en intégrant dans l’Union européenne et l’Otan les pays baltes et la Pologne, veut reprendre, petits morceaux par petits morceaux, et faire tomber dans l’escarcelle russe telles la Crimée, la Georgie, et maintenant l’Ukraine pour essayer de recomposer au moins une partie de l’ancien empire russo-soviétique.
Les Occidentaux sont terrorisés. Ils n’iront pas combattre Poutine, mais ils dressent une liste très importante de sanctions notamment économiques pour faire reculer la Russie. La Russie sera déconnectée du système de paiement international Swift, ce qui devrait gêner son commerce international et ses transactions financières . Les capitaux des milliardaires russes, de Poutine et de ses proches seront gelés. Cela suffira-t-il pour arrêter l’attaque de Poutine sur l’Ukraine ?
La réponse de Poutine ne s’est pas fait attendre : il place en alerte sa force de dissuasion nucléaire, sous le prétexte que la Russie risque d’être attaquée par l’OTAN.
Les trente pays membres de l’Otan (organisation du traité de l’Atlantique nord) sont énumérés ci-dessous, avec dates d’entrée dans l’Otan. Sans la présence des Etats-Unis fondateurs en 1949, l’Otan serait incapable de défendre les pays européens.
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Mais après quatre jours de combats, les troupes russes, si elles ont encerclé plusieurs grandes villes d’Ukraine, n’ont pas réussi encore à faire tomber les dirigeants de l’Ukraine. Les Ukrainiens avec des moyens limités résistent avec leur président Zelensky comédien élu à la tête de l’Etat, transformé en chef de guerre admiré par son peuple et par les pays occidentaux qui se sont décidés à fournir à l’Ukraine des moyens matériels, armements et munitions. L’Allemagne a décidé de se réarmer en vitesse et va y consacrer plusieurs milliards de dollars.
Grande nervosité du camp occidental vu que Poutine a prévenu que tous pays qui interféreraient entre la Russie et l’Ukraine, devront supporter un châtiment comme ils n’en auront jamais connu dans leur histoire. Il fait allusion au feu nucléaire.
Plusieurs pays ont déjà enfreint les interdictions furieuses.
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La lourdeur de la masse militaire russe est confrontée à un adversaire ukrainien léger et très mobile, discipliné, combattant le plus souvent de nuit, malgré les bombardements qui frappent les villes. Combien de temps encore avant que la capitale Kiev de près de trois millions d’habitants se rende avec les dirigeants détestés par Poutine ?
Au 1er mars, alors qu’on était quasi certain que Kiev serait attaquée et ne pourrait pas résister, on constate qu’une énorme colonne de 65 kilomètres de chars, engins, transporteurs de troupes, se dirigeant vers Kiev la capitale pour la réduire, se trouve à l’arrêt, faute de carburant et de nourriture suffisante. C’est annoncé ce soir du mardi 1 mars 2022 par le Pentagone américain. Info ou intox ?
Les médias se font l’écho de rumeurs décrivant un Poutine isolé au Kremlin, terrorisé par la Covid, paranoïaque, vivant dans un monde détaché des réalités, et donc devenu très dangereux. Le monde est-il au bord de l’apocalypse nucléaire ?
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mer.
02
févr.
2022
On nous annonce que la pandémie va bientôt disparaître, que le variant Omicron dix fois plus contagieux que le précédent variant Delta, mais beaucoup moins dangereux, jouera le rôle principal du dernier acte de cette calamité. Le rideau sera bientôt baissé. On revient aux grippettes. Mais ces grippettes sont innombrables. Fin du feu d’artifice ? On ose à peine le croire. Ce film d’horreur qui depuis plus de deux ans se joue sur la planète, va-t-il vraiment s’arrêter ?
Mais on ne signale pas qu’ à cette date du 25 janvier, on n’a jamais vu autant de contaminations, d’hospitalisations et de morts chaque jour. La consolation des médecins est que les soins intensifs ne sont pas débordés, qu’il n’y a pas encore une pénurie de lits, donc calmez-vous, bonnes gens, ce n’est pas si terrible. Soyez optimistes, faites-nous confiance, disent les médecins, spécialistes infectiologues, virologues, épidémiologistes et autres dompteurs sur graphiques des petites bêtes diaboliques qui nous tuent.
Cette pandémie ne m’a pas incité à la lecture de romans. Je lis davantage les journaux. Et je regarde des films sur des chaînes, je zappe beaucoup.
Récemment, je me suis plongé dans le Journal de Kafka et dans anéantir de Houellebecq. La profondeur des écrits de Kafka n’a d’égale que la vacuité des écrits de Houellebecq. Ce dernier raconte de la façon la plus plate une histoire de cadres de sociétés financières, il dresse le portrait d’un ministre macronien qui dans la vraie vie se rengorge, dit-on, d’être un des modèles du livre. Pauvre gloire.
Les vieillards malades ont le cerveau occupé par la certitude de leur mort prochaine. Elle est au centre de leurs idées noires. Plus rien n’importe que les rares consolations matérielles qu’on veut bien leur accorder.
On découvre maintenant de nombreuses maltraitances dans certaines maisons de repos. Vieillards martyrs et sous alimentés malgré le coût de ces séjours de fin de vie.
Un ami très cher, polonais, parlant avec perfection la langue française m’envoie de Varsovie son premier roman dans une édition soignée avec en exergue une pensée de Montherlant qu’il révère. Hélas pour moi qui voudrais tellement lire son roman encensé en Pologne, je ne comprends pas un mot, pas une ligne, car la langue polonaise est à des années lumières du français pour le francophone limité que je suis.
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Extraits choisis du Journal de
Franz Kafka (1883-1924)
Portrait de Madame Tschissik, actrice, par Kafka :
Madame Tchissik (j’ai tant de plaisir à écrire son nom) incline volontiers la tête à table même en mangeant de l’oie rôtie, on croit parvenir du regard sous ses paupières quand on commence par regarder avec précaution en longeant les joues et puis on glisse à l’intérieur en se rapetissant, mais sans être d’abord obligé pour autant de hausser les paupières car elles sont haussées et laissent justement passer une lueur bleuâtre qui invite à tenter l’expérience. De la profusion de son jeu plein de vérité émergent ici et là le geste de brandir le poing, celui de tourner le bras pour envelopper le corps dans les plis d’invisible traînes, de poser les doigts écartés contre la poitrine parce que le cri sans art ne suffit pas. Son jeu manque de variété : les regards effrayés sur son partenaire, la recherche d’une issue sur la petite scène, la douceur de la voix avec de brèves montées droites qui se font héroïques sans forcer simplement par l’ampleur de l’écho intérieur, la joie qui pénètre en elle par un visage qui s’ouvre et se répand sur le haut du front jusqu’aux cheveux, son autosuffisance dans les solos sans s’adjoindre de nouveaux moyens, le geste de se redresser pour résister en forçant le spectateur à s’inquiéter pour la totalité de son corps ; et pas beaucoup plus. Mais tout y est dans sa vérité et par conséquent la certitude que ne peut lui être retiré le plus petit de ses effets.
(Kafka, Journal 1909-1923, premier cahier, p. 95, inédit essais folio Galli
mard).
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Un texte sur sa mère, par Kafka :
24 octobre 1911 : Notre mère travaille toute la journée, elle est joyeuse ou triste, c’est selon, sans revendiquer la moindre attention pour son existence personnelle, sa voix est claire, trop forte pour la conversation ordinaire, mais bienfaisante quand on est triste et qu’on l’entend subitement au bout d’un certain temps. Voilà déjà longtemps que je me plains d’être certes toujours malade mais sans jamais avoir une maladie particulière qui me contraindrait à m’aliter. Si j’ai ce désir c’est surtout parce que je sais comment notre mère sait consoler, p. ex. quand elle quitte la lumière du salon pour entrer dans la pénombre de la chambre du malade ou bien le soir, quand elle revient du magasin à l’heure où le jour commence à passer uniformément à la nuit et qu’avec ses soins et ses rapides instructions elle fait renaître le jour déjà si avancé et encourage le malade à l’aider dans cette tâche. Cette chose j’aimerais qu’elle m’arrive de nouveau car alors je serais faible et donc convaincu par tout ce que ma mère ferait et la sensibilité plus aigüe de l’âge ne m’empêcherait pas de connaître des joies d’enfant. Hier l’idée m’est brusquement venue que si je n’ai pas toujours aimé notre mère comme elle le méritait et comme je le pourrais, c’est uniquement parce que la langue allemande m’en a empêché. La mère juive n’est pas une « Mutter » ; le terme de Mutter la rend un peu comique (non pour elle-même puisque nous sommes en Allemagne) nous donnons à une femme juive le nom de Mutter allemande, oubliant la contradiction qui pèse d’ autant plus lourd dans le sentiment, « Mutter » est particulièrement allemand pour le Juif, inconsciemment, outre la splendeur chrétienne, il contient la froideur chrétienne, si bien qu’une femme juive appelée Mutter ne devient pas seulement comique mais aussi étrangère. Mama serait un nom préférable si seulement on n’imaginait pas « Mutter » derrière. Je crois qu’il n’y a plus que les souvenirs du ghetto pour conserver la famille juive, car même le mot Vater est très loin de désigner le père juif. (Journal de Kafka, p.98 et.99, Folio Gallimard 2021)
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Aujourd’hui je me suis retrouvé devant le conseiller Lederer, qui est venu à l’improviste, sans y être invité, avec puérilité, mensonges et ridicule jusqu’à me faire perdre patience, s’enquérir de ma maladie. Il y avait longtemps, à moins que ce ne soit finalement la toute première fois, que nous n’avions pas eu de conversation aussi intime, et j’ai senti que mon visage, qu’il n’avait jamais observé avec autant de précision, s’ouvrait pour lui dans des parties fausses, mal considérées mais qui en tout cas le surprenaient. Pour moi-même, j’étais méconnaissable. Lui, je le connais dans tous les détails. (Journal de Kafka, Folio Gallimard,p.99)
Kafka et son père :
Il est désagréable d’écouter mon père quand il ne cesse d’assaisonner de remarques désobligeantes sur la bonne situation de ses contemporains et surtout de ses enfants le récit des maux qu’il a dû endurer dans sa jeunesse. Personne ne nie que pendant des années, suite à l’insuffisance de ses vêtements d’hiver, il ait eu des plaies aux jambes, qu’il ait souvent souffert de la faim, que dès l’âge de dix ans il ait été obligé de courir les villages en poussant une petite voiture y compris l’hiver et très tôt le matin, mais ce qu’il ne veut pas comprendre c’est que ces faits exacts au regard du fait non moins exact que je n’ai souffert d’aucun de ces maux ne l’autorisent aucunement à en déduire que j’ai été plus heureux que lui, qu’il a le droit de se prévaloir de ces plaies aux jambes, qu’il suppose et soutient depuis le tout début que je suis incapable d’apprécier comme il le faudrait les maux dont il a souffert à cette époque et que tout compte fait, justement parce que je n’ai pas souffert de maux équivalents, je lui dois une reconnaissance illimitée. Comme je l’écouterais volontiers s’il parlait sans interruption de sa jeunesse et de ses parents, écouter tout ça sur le ton de la vantardise ou de la dispute, c’est de la torture. Il ne cesse de battre des mains : « Qui sait ça de nos jours ! El les enfants ils savent quoi ! De ça personne n’a souffert ! Quel enfant comprend ça de nos jours ! » La même chose aujourd’hui avec la tante Julie qui est venue nous voir. Elle a d’ailleurs le visage énorme de tous les parents du côté de mon père. Il y a juste une petite nuance fâcheuse qui fausse la position ou la coloration des yeux. Elle a été placée comme cuisinière à l’âge de 10 ans. Là elle a dû aller faire des courses dans une petite jupe mouillée, la peau de ses jambes se crevassait, la petite jupe gelait et ne séchait pas avant le soir au lit. ( Journal de Kafka, p. 264, Folio Gallimard )
Texte du Journal de Kafka du 27.XII 11
Un homme malheureux, qui n’aura pas d’enfants, est affreusement enfermé dans son malheur. Aucun espoir de renouvellement, d’aide
de constellations plus heureuses. Il lui faut suivre sa route lesté de son malheur s’estimer heureux quand son cycle est achevé et ne plus chercher à se lier pour voir si le malheur qu’il a subi en empruntant une voie plus longue, dans d’autres circonstances physiques ou temporelles, pourrait se perdre ou même produire du bien. (Journal, Folio, p.264)
Hier à l’usine, extrait du Journal de Kafka :
Hier à l’usine. Les filles dans leurs vêtements en eux-mêmes d’une saleté insupportable et chiffonnés, les cheveux hirsutes comme au réveil, la physionomie figée par le bruit continu des transmissions et celui de chaque machine qui fonctionne certes automatiquement mais s’arrête inopinément, ces filles ne sont pas des êtres humains, on ne les salue pas, on ne s’excuse pas quand on les heurte, si on leur demande un petit de travail, elles l’exécutent, mais retournent immédiatement après à leur machine, on leur indique d’un signe de tête où elles doivent intervenir, elles sont là en jupon, livrées au moindre pouvoir et n’ont même pas assez d’intelligence tranquille pour gratifier ce petit pouvoir de regards et de courbettes susceptibles de se le concilier. Mais qu’il soit six heures et qu’elles s’appellent pour se le dire, elles détachent les mouchoirs qu’elles ont au cou et sur les cheveux, se dépoussièrent avec une brosse qui fait le tour de la salle, réclamée par les impatientes, passent leurs robes par-dessus la tête et arrivent tant bien que mal à avoir les mains propres, finalement ce sont bien des femmes, que leur pâleur et de mauvaises dents n’empêchent pas de sourire, qui secouent leur corps engourdi, on ne peut plus les pousser, les dévisager ou les ignorer, on se serre contre les caisses poisseuses pour leur libérer le passage, on garde son chapeau à la main quand elles disent bonsoir et on ne sait pas très bien comment le prendre quand l’une d’elles nous tend notre manteau pour que nous le mettions.(Journal de Kafka, Folio, p. 302)
dim.
02
janv.
2022
Ces innombrables virus mutants du Coronavirus (variant anglais Alpha, variant sud-africain Beta, variant brésilien Gamma, variant indien Delta, variant Omicron d’Afrique du Sud et ceux qui les remplaceront sans doute), montrent une intelligence redoutable. Ils s’attaquent depuis deux années, jour et nuit, aux créatures humaines. traversent les résistances, balaient les vaccins multiples et insuffisants créés par l’homme pour se protéger. Ils me font penser aux nuées innombrables de sauterelles voraces, ou à celles d’autres insectes calamiteux, qui s’étendant en nuages gigantesques, s’abattent sur la terre pour tout dévorer sans que l’homme ne puisse les arrêter. Quelle est l’intelligence qui les meut ?
Les virus existaient avant l’humanité et lui survivront comme des poisons éternels.
Créatures de Dieu, sont-ils une punition que Dieu invisible envoie à ses créatures humaines pour les réveiller, pour qu’elles modifient le chemin de perdition, de destruction, où elles se sont engagées. On oublie Dieu qui attend qu’on se tourne vers Lui. Dieu permet cette calamité qui atteint la planète entière.
Sodome et Gomorrhe furent punis à force de persister dans le mal. C’est à notre tour, et cela ne fait que commencer.
Ceux qui pensent qu’il faut faire la fête dès le moindre assouplissement des mesures de protection, n’essaient pas de comprendre pourquoi nous vivons dans cet essaim de virus depuis deux ans.
Il est terrible de voir certains médecins persuadés que les enfants, brebis innocentes, doivent subir des vaccins mal préparés, peu efficaces, affaiblis avec le temps qui passe. Ces enfants, la plupart en bonne santé, sont poussés vers la piqûre par leurs parents, indécis, déchirés sur la décision à prendre : vacciner leurs chéris ou les laisser exposés au virus qui manquant de chair fraîche, se résignera à plonger maintenant sur les enfants.
Les informations sur les vaccins sont contradictoires, peu claires quand il faut les administrer aux enfants.
Le covid long anéantit sa victime, tourmentée jour et nuit par des malaises innombrables se nichant partout dans l’organisme : respiration, dépression, sommeil, peau, épuisement, digestion, etc. etc.
Après deux années sous le masque, malgré le lavage des mains, les gestes barrières, on revient à la case départ vu que les vaccins n’ont pas mis fin à la pandémie, contrairement à ce que certains politiques faisaient espérer en proclamant leurs certitudes dans tous les micros. On administre la troisième piqûre celle du rappel, dont on ignore encore la durée de protection. On se prépare sans doute à la quatrième injection, puis la 5ème, la 6ème, la 7ème ?
Comment l’être humain pourra- t-il résister à ces cadences toujours plus rapprochées des seringues déchaînées par les laboratoires ivres de profits ? Des vaccins, dont la validité a une durée de 3 ou 4 mois, peuvent-ils encore être appelés des vaccins ? Qui suis-je pour émettre un avis autorisé, moi qui suis vacciné, comme d’innombrables multitudes de résignés.
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Depuis deux ans, les humains portent le masque du carnaval des débuts de fin du monde.
Dans quelle mesure, cette épidémie a-t-elle des effets sur la sexualité humaine ? On ne parle guère de cette question.
Sommes-nous loin du point de rupture où les populations crieront : « Y en a
marre » et commenceront de tout casser ?
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Comment l'Église s'est-elle organisée pour protéger ses fidèles lors des grandes épidémies ?
« Les premières connaissances sur les mécanismes de contagion datent du XIXe siècle. Avant cela, l'idée que rassembler des fidèles dans un lieu clos revenait à ouvrir la porte à la maladie n'existait pas. Au moment de la "grande peste" ou "peste noire" (1348-1352), il y a même une recrudescence du culte. On organisait de nombreuses manifestations religieuses, des processions destinées à conjurer le fléau. Des premières mesures commencent à apparaître à la Renaissance, comme lorsque l'archevêque Ambroise de Moscou, décide en 1771, en pleine épidémie de peste frappant la Russie de supprimer une grande prière collective qui devait être faite devant une célèbre icône. Il y a eu une émeute. L'archevêque a même été tué.
Plus près de nous, lors de l'épidémie de grippe espagnole en 1918-1919, alors que les mécanismes de contagion sont déjà bien connus, la France restreint fortement les services religieux. Mais dans le très pieux canton suisse du Valais, les curés refusent de répondre à la demande des autorités civiles de plutôt célébrer des messes en plein air, et ils rassemblent les fidèles dans leurs églises.
Quels sont, historiquement, les rituels de conjuration en temps d'épidémie ?
Il existe de nombreuses mentions de prières, formules et messes dédiées à repousser le fléau. Il existe aussi des saints spécialisés de la chose. Saint Sébastien, saint antique du IIIe siècle, devient au Moyen-Age, un des premiers saint antipesteux. Plus récemment, un autre saint plutôt secondaire à l'origine, saint Roch, est devenu à partir du XIVe siècle un grand saint invoqué contre la peste, dont les reliques et les images sont censées conjurer le fléau.
A Rome, il existe une icône, conservée dans la basilique Sainte-Marie-Majeure, représentant la Vierge et qui a fait l'objet d'une légende élaborée au Moyen-âge. On lui prêtait alors d'avoir sauvé la ville lors d'une peste aux alentours de 600, lors de la pandémie de la peste dite "de Justinien" (541-767), qui frappa le bassin méditerranéen sur deux siècles. Elle est ainsi régulièrement portée en procession dans les rues de Rome, et la ville lui attribue sa sauvegarde en cas d'épidémie.
L'intensification du phénomène religieux accompagne toujours les grandes crises. Pour la grande peste de 1720 à Marseille, les historiens ont constaté qu'il y avait une flambée de dévotion la même année, retombée aussi vite qu'elle était apparue, comme c'est souvent le cas.
L'idée que ces fléaux étaient des châtiment divins a-t-elle complètement disparu de la doctrine chrétienne ?
Pendant la grande peste, un mouvement a frappé les imaginaires, celui des "Flagellants", ces processions de fidèles qui se fouettaient pour expier leurs péchés, avec l'idée que l'épidémie est une punition de Dieu. La papauté, qui y voyait un élément de désordre, s'est empressée de condamner. Et d'ailleurs aujourd'hui, il n'y a à peu près aucune chance pour qu'on entende cette semaine le pape François dire que le coronavirus a été envoyé sur la Terre pour punir le péché des Hommes. Ce genre de discours- là ne fait plus partie de l'arsenal des plus hautes autorités de l'Eglise.
En revanche rien n'empêche des prêtres ou des pasteurs, souvent de tendances plus conservatrices, de tenir localement ce genre de discours. On peut les entendre, par exemple aux Etats-Unis, du côté des évangéliques, qui peuvent lier l'épidémie actuelle à des phénomènes de société qu'ils récusent, par exemple le mariage pour tous. »
Scène de la peste de 1720 à la Tourette (Marseille) par Michel Serre © Wikimedia Commons
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Fin des temps
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Tout se défait, tout s’efface
La fin de vie s’approche
Rendre des comptes
C’est le dernier travail
Je n’ai plus de forces
On oublie le rossignol
Le cheval rouge dans la prairie
Les galops dans les chaumes de Villers.
En été le refuge sous les arbres
Fraîcheur, silence, mouches qui s’envolent
Papillons blancs dansant sur les pelouses
Tout cela fut un rêve
Je n’ai rien compris
Ni le temps suspendu ni le baiser furtif
Ni l’amour qui se jette à mon cou.
Les soirs d’été sur la terrasse
A bavarder longtemps
Une servante passe
On dit merci Hortense, c’est la grenadine fraîche
Il fait si calme. Ma jeunesse est éternelle
J’ai encore tant de travail. A cinquante ans je serai mort
Quelle erreur je suis nul en mathématique.
Je suis pris à la gorge par la vie qui s’écoule
Il n’y a pas de passage secret ni de sauveur
Contre toute attente, il faudra lutter
Dans quel état, mon Dieu,
Pitié pour moi désespéré
Rendez mon âme joyeuse sous la cendre.
Henri de Meeûs
Décembre 2021
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ven.
03
déc.
2021
Nous voilà repartis pour affronter le quatrième ou la cinquième vague de ce maudit virus qui colle sur l’Europe toute entière, à l’exception peut-être provisoire de pays plus avantagés par la météo comme le Portugal et l’Espagne. Mais ces virus innombrables comme les sauterelles d’Egypte, ont décidé de ne pas nous laisser tranquilles. Le cirque sanitaire recommence. Sauvez les hôpitaux ! Il n’y aura pas assez de lits pour accueillir les victimes de la Covid qui se moque des vaccins, car certains malades sont pourtant vaccinés. On pensait que les vaccins nous sauveraient. Non.
Les autorités n’ont rien fait depuis deux ans pour augmenter, comme la Chine, le nombre des espaces sanitaires équipés de lits et de respirateurs pour accueillir les malades. En Chine, dès que les gardiens du Pouvoir découvrent un cas positif, ils isolent la ville, décrètent un confinement. La manière forte toujours pour colmater la pandémie. Ici en Belgique, on attend qu’il y ait 15.000 contaminations par jour, pour commencer à se réveiller, à organiser des sommets entre politiciens de nos nombreux partis, avec les virologues, infectiologues et autres diplômés du virus.
On est en automne, il fait déjà froid. Le virus réapparait à toute vitesse plus méchant que ceux des vagues précédentes. Donc plus le temps passe, plus cela devient périlleux, et plus les morts augmentent chaque jour : 27 morts le 18 novembre, 30 morts le 21 novembre, 40 morts le 30 novembre.
La Belgique avec une forte densité de population est un des pays le plus contaminé, malgré le taux élevé de vaccinations de 73%. Maintenant on dit que les vaccins ne sont pas une solution miracle, qu’on peut tout en étant vacciné, être porteur et contagieux. Du coup, on commence à nouveau à interdire les visites aux patients, malades pourtant vaccinés, enfermés à nouveau dans des maisons de retraite ou hospitalisés. Le virus est partout, à l’intérieur des maisons, à l’extérieur, dans les rues, les magasins. Il faut porter des masques ! Et ne pas croire à l’invincibilité des vaccins. J’en suis à ma troisième dose, faveur due à mon âge. Mais ces vaccins trop vites affaiblis, ont la vie courte. Faudra- t-il se faire vacciner deux fois par an ? Ou plus encore. Mourir sous le coup de vaccins répétés ? Fûmes-nous trompés ?
Les restaurants vont perdre à nouveau ceux qui y avaient renoué des contacts et retrouvé une distraction sociale, en dégustant un repas et du vin, avec des amis. Fini de rire. On va droit vers de nouveaux confinements si les misérables gestes barrières ne stoppent pas la diffusion de la covid.
Beaucoup de médecins ont déçu, inapprochables ou peu loquaces, avec des explications confuses aussitôt contredites par des collègues. La médecine n’est pas une science, dit-on. C’est sans doute vrai.
Je m’occupe d’un ami, âgé, atteint d’un covid long. Il a un extraordinaire courage malgré 5 mois de clinique dont deux mois endormi dans un coma respiratoire ininterrompu.
Il dit parfois : « Je me sens cassé intérieurement ». Mais petit à petit, on dirait que le corps qui doit encore subir les conséquences de la maladie, se répare imperceptiblement. Il se soumet à la radiographie des poumons pour faire le point des dégâts. Pour lui, l’essentiel est le repos : fuir le stress et les problèmes qui assaillent toute personne en bonne santé. Se lever vers midi.
L’épidémie est destructrice si elle se vit dans la solitude.
Des scientifiques sud-africains ont annoncé jeudi 25 novembre qu’un nouveau variant du Covid-19 présentant un nombre extrêmement élevé de mutations et avec un potentiel de propagation très rapide, avait été détecté. Grands cris médiatiques car, disent les « spécialistes », ce nouveau variant serait plus dangereux et plus contagieux que le virus Delta.
Issu d’Afrique du Sud, nommé l’Omicron, il est déjà repéré en Angleterre, en Belgique, en Allemagne, en Israël, en France. Les « spécialistes » ne cachent pas leur inquiétude. Toute l’Europe sera touchée.
Selon Santé Publique France, Omicron présente en effet « 32 mutations, insertions ou délétions de la protéine Spike dont notamment la mutation N501Y qui a été associée à l’augmentation de la transmissibilité des variants alpha, beta et gamma. » À titre de comparaison, Delta présentait seulement deux mutations.
On n’arrête pas le progrès !
« Le souci, c’est que lorsque vous avez autant de mutations, cela peut avoir un impact sur la façon dont le virus se comporte », a déclaré à Sud-Ouest Maria Van Kerkhove, responsable technique de l’OMS pour le Covid-19. Surprise, surprise …
Le nombre élevé de mutations de ce nouveau variant pourrait l'aider à éviter les défenses immunitaires de l'organisme. Il pourrait par définition être plus transmissible. « Nous pouvons voir qu'il a un potentiel de propagation très rapide » a affirmé le virologue Tulio de Oliveira, lors d'une conférence de presse du ministère de la Santé.
Ce virus prendra-t-il le dessus sur le virus Delta son prédécesseur dans la liste de ces calamités virales combattues avec des vaccins qui perdent trop vite leur force car, après six mois, ils doivent être soutenus par une troisième dose pour les booster sur la durée. On nous a fait croire que la vaccination à deux doses suffiraient pour nous préserver ; il n’en est rien. Pauvres de nous obligés de voir arriver d’autres vagues tant que la population mondiale toute entière ne sera pas vaccinée.
C’est l’humanité dans son ensemble qui est attaquée par ces sauterelles invisibles et démoniaques.
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Il faut être jeune pour lire sans se lasser Louis-Ferdinand Céline.
Je l’ai beaucoup lu entre 18 et 30 ans. Il a écrit trois chefs d’œuvre : Le Voyage au bout de la nuit, Mort à crédit et D’un château l’autre. Par contre Féeries pour une autre fois, est pour moi illisible, répétitif, ennuyeux.
Un vieillard ne peut être qu’irrité par le caractère forcené de ce génie qui cherche avant tout à étonner avec un vocabulaire grossier, brutal, injurieux, argotique, peu compatissant pour les faiblesses humaines, et obsédé par sa création qui a quelque chose de sale. Sale comme à Meudon Céline vêtu en SDF. Il croit son écriture raffinée, mais elle est parfois triviale. Ses pamphlets antisémites sont insupportables et illisibles.
Céline fatigue maintenant. Il sera bientôt oublié comme des milliers d’autres avant lui. Il est hors mode, n’a pas de famille littéraire dans laquelle le raccrocher, il n’a ni disciples ni suiveurs. Ceux qui ont voulu écrire comme lui, se sont cassé les dents et sont oubliés. Les imitateurs ne parviennent pas à retrouver sa petite musique.
Mais chez Céline, les grands textes ne sonnent pas faux. Le reste de sa littérature ne survivra pas. C’est mon avis, je puis me tromper sur lui, sa littérature ne semble pas naturelle, elle est souvent forcée et artificielle. De plus en plus, avec le temps, la prose de Céline deviendra une langue morte. L’excès de son style nuit. Tout ce qui est excessif est insignifiant.(Talleyrand).
Céline est un aérolithe qui a traversé le XXème siècle, a pris feu, mais son français qui n’est plus du français, sera un jour périmé. Maintenant c’est encore la gloire avec les milliers de pages manuscrites inédites découvertes en 2021. Effet de surprise inouï. Son retour éditorial est assuré. Tant mieux pour ses fervents et pour l’éditeur.
Il faudra reprendre alors l’examen de son œuvre à la lumière de ces découvertes. Peut-être les critiques négatives seront effacées, peut-être je me trompe. Ce génie solitaire qui aura déconstruit la langue française et bousculé les Classiques, sera soumis à de nouveaux examens.
En l’enterrant trop vite, Montherlant s’est trompé qui, en 1950, avait écrit : « La littérature de Céline est aussi artificielle que désuète, et ne sera plus lue dans cinquante ans. ». Il reconnaissait qu’il n’avait pas lu de Céline plus de trois pages. Ces deux écrivains ne se ressemblent en aucun cas pour le style. Et Céline ne ménageait pas Montherlant, mais l’avait-il lu ?
Louis-Ferdinand Céline
Henry de Montherlant
Je déteste lire Sade, être diabolique. Mais Céline occupe sans doute un cachot voisin.
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Il ne faut pas m’aimer
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Je voudrais bien t’aimer
Mais je n’ose
M’avancer t’indispose
Il ne faut pas m’aimer
Restons en là
Eteignons la lumière.
A trop vieillir
On attend le bras secourable
Pour entrer dans le jardin des roses.
Il ne faut pas m’aimer,
La fuite du temps me décourage.
Le soleil se couche
Mon âme se désole
De triste solitude, d’amère sagesse.
Pourquoi tant de regrets ? C’est le temps
Qui dévaste par les deuils et les chagrins.
L’armure s’est refermée.
Sans doute n’ai-je pas assez pleuré.
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H de M.
(novembre 2021)
ven.
05
nov.
2021
Madame Bollaert
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(Suite et fin de la Nouvelle inédite Madame Bollaert de Henri de Meeûs. Lire les Carnets de juin, juillet, août et septembre 2021)
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Ma réponse à leur lettre servait à gagner du temps, mais les deux femmes ne réagissaient pas, laissant les jours s’écouler.
Elles étaient décidées à déménager dans la maison, propriété de Greta, pour donner plus d’espace aux souris, source de leurs revenus. Je compris qu’il ne servait à rien de protester, d’engager un avocat pour faire traîner les choses, même si le délai trop court d’un mois pourrait sans doute être prolongé par un juge de paix défenseur des locataires. Il existe des juges de paix compréhensifs. Mais je devrai sortir de l’argent : les honoraires d’un juriste, les frais d’un procès seront élevés. Ce sera perte de temps et d’argent de résister.
Je me résignais à réintégrer la maison de mes parents décédés.
Voilà ce que je me disais le soir, mais le lendemain j’échafaudais d’autres hypothèses. Je dormais mal. Mon anxiété monta au point de consulter le médecin généraliste installé dans le quartier, en lui expliquant un divorce difficile.
Il prescrivit un anxiolytique, en disant je vous comprends.
Je décidai de garder le silence et d’attendre quinze jours avant de donner mon accord de quitter la maison confortable de Greta Bollaert pour vivre dans celle héritée de mes parents. Tel est mon destin.
Je ne comprenais pas pourquoi Greta Bollaert se désintéressait de moi.
Pourquoi ne m’avait-t-elle pas contacté en me proposant, dans une conversation souriante, une solution moins brutale ? Qui tirait les ficelles ? Georgette Tamisard mon ex ? Mais je n’en étais pas certain, car Georgette n’aimait pas les conflits.
Bref, je tournais mes pensées dans tous les sens depuis leur lettre de préavis.
Greta Bollaert avait toujours été généreuse pour moi ; je vivais dans sa maison, sans reconnaissance de dettes. Il ne fallait pas lui résister en refusant de quitter les lieux qui étaient sa propriété de riche retraitée. Elle était par son passé professionnel à l’aise avec des règles juridiques dont j’ignorais tout. Elle avait trouvé une solution pour l’organisation de mon mariage avec Georgette, choisi le menu de l’excellent déjeuner des noces entièrement payé par elle, dans le meilleur restaurant de la région, et plus tard elle dirigera parfaitement la manœuvre pour notre divorce.
J’étais son préféré, comme un fils adoptif.
Je n’avais pas évalué son attachement pour Georgette mon ex-épouse avec qui elle s’était installée après la mort de mes parents. Je crois qu’elle admirait Georgette pour son dévouement à ma mère et pour son énergie à gérer l’élevage des souris de mon père. Georgette aimait mes parents. Et Greta aimait Georgette.
Les deux amies me demandaient maintenant d’aller vivre dans la petite maison familiale, ma propriété, mon unique héritage, tandis qu’elles regagneraient l’immeuble aux trois étages de ma bienfaitrice décidée soudainement d’arrêter les frais en ma faveur. A moi de me débrouiller maintenant ! Je ne plaisais plus, je ne comptais plus. Pour Greta Bollaert, Georgette et les souris rosées passaient avant moi. Orphelin, je perdais ma protectrice.
L’impossibilité de vivre correctement avec les indemnités de chômage, me déprimait. Améliorer mes finances avec un travail « en noir », mais lequel ? C’était prendre des risques avec les lois, m’exposer à des punitions financières et perdre le chômage. Toutes ces hypothèses m’angoissaient. Je n’étais pas de taille à jouer au plus fort. Je devrai économiser et dépenser le moins possible pour l’entretien de ma maison. Si je n’en sors pas, si je ne reçois plus d’aide de Greta, il faudra vendre la maison, vivre avec le petit capital car cette maison ne dépassait pas cent mètres carrés de surfaces construites. Quelques années suffiront à dépenser le prix de la vente. Qu’allais-je devenir ?
J’espérais encore un coup de téléphone suite à ma lettre, afin d’être averti de la date précise de mon déménagement. Quand je sortais, je ne les rencontrais jamais. J’observais le matin, vers neuf heures, la camionnette conduite par Georgette qui partait livrer des souris aux animaleries clientes.
J’eus la tentation de sonner à leur porte, profitant du fait que Greta Bollaert, seule dans la maison, me donnerait plus d’explications, qu’elle continuerait à m’aider financièrement, mais non, je ne poussais pas sur le bouton de la sonnette. J’avais ma fierté.
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Deux semaines s’étaient écoulées depuis l’envoi de ma réponse, quand un soir le téléphone retentit. On me téléphonait rarement. Un célibataire intéresse peu de monde s’il n’a pas de métier ni de vie sociale.
- Allo, c’est toi ? c’est Greta Bollaert ici.
- Oui c’est moi, bonsoir Greta.
- Nous avons mis du temps à te répondre. Ta lettre exprime tes craintes de quitter ma maison.
- Oui, oui, tu sais, Greta, tu m’as fort gâté depuis que je te connais, mais je n’ai pas d’économies, à part la maison de mes parents, mon seul héritage, que vous demandez que je réintègre.
- Ecoute mon Coco, Georgette et moi, nous ne voulons pas te faire souffrir inutilement. Nous avons longuement réfléchi. Il est inutile de penser que tu pourras rester dans ma maison plus longtemps. Nous avons besoin d’espace pour l’élevage des souris vu le don extraordinaire de ton ex-femme comme éleveuse. Elle a un succès fou dans le monde des animaux d’appartements nourris par les souris : serpents, chats et d’autres bêtes rares souvent exotiques raffolent de nos bestioles.
- Je suis content pour vous que l’entreprise marche.
- Nous voulons te faire une proposition. Tu es toujours chômeur ?
- Oui, hélas. Je cherche mais les sociétés contactées ne répondent même plus. Je suis découragé. Et réoccuper la maison familiale m’a donné un choc. Je ne m’y attendais pas.
- Voici ce que Georgette et moi, nous te proposons. Nous sommes prêtes à t’engager dans la nouvelle société que nous avons créée et à te donner le poste de chauffeur-transporteur pour livrer, dans toute la Belgique, les souris bien vivantes, achetées par notre clientèle qui s’est étendue. Tu recevras un salaire fixe, nettement plus élevé que ton indemnité de chômage. Nous signerons avec toi un contrat à durée indéterminée. Cela permettra à Georgette de rester concentrée sur son élevage, car les transports lui prennent du temps et elle n’aime pas conduire la camionnette.
J’étais surpris par cette offre inattendue. Le combat était évité. Je trouvais enfin une activité professionnelle. Je dis : « Je ne demande pas mieux de vous aider et d’avoir enfin un travail fixe et rémunéré. Pouvons-nous en parler ensemble ? Envoie-moi le projet du contrat d’emploi. Je te remercie Greta de ne pas me laisser tomber. »
Je pus enfin m’endormir sans avaler un tranquillisant et me réveiller à sept heures du matin plus léger, plus confiant. L’oisiveté est la mère de tous les vices, dit-on. Je n’étais pas arrivé à ce stade de loque humaine privée de travail vu l’impossibilité d’en trouver, comme tant d’êtres humains piégés, et bientôt sans ressources, vivant dans la dépendance financière peu généreuse d’organismes sociaux gérant une population malheureuse.
Deux jours plus tard, la lettre d’engagement était déposée dans ma boite aux lettres : Greta confirmait ce qu’elle avait proposé. Elle signait comme Administratrice-Directrice. Je gagnerai une rémunération mensuelle nette d’un tiers plus élevé que le chômage. Mon contrat de travail débute le mois prochain et il est d’une durée indéterminée. Je recevrai une avance de trois mois de salaire pour m’équiper.
Du lundi au samedi, je disposerai de la camionnette Renault uniquement pour la livraison des souris; le véhicule devra être garé chaque soir devant la porte de la maison de Greta avant vingt heures sauf en cas de transport en dehors des heures pour certains clients privilégiés.
Je verrai du pays, les petits villages et les villes où des animaleries sont plus nombreuses depuis que la mode des animaux exotiques s’est développée. Mon ex avait eu du flair de continuer l’élevage que mon père avait créé et géré pendant vingt ans sans penser devenir le spécialiste renommé que Georgette était maintenant.
Bien conscient de ne pouvoir vivre sans l’apport d’un salaire, je ferai tout pour satisfaire Greta et Georgette qui dirigent la nouvelle société.
Finis ma paresse et mon manque d’ambition ! La vraie vie commençait.
Je signai « pour accord » le contrat d’emploi et répondis par écrit que je quitterai la maison de Greta à la date qu’elle proposera. Je retrouverai les meubles de mes parents et mon petit lit de camp ; je ne comptais pas rafraîchir la maison par des peintures intérieures ou par de nouveaux rideaux, tout sera nettoyé, m’avaient-elles précisé. Il n’y aura pas d’odeurs.
Une nouvelle vie allait commencer pour moi. Celle de responsable des transports de la société « Les Souris Bollaert ».
Deux jours après avoir renvoyé à Greta ma lettre et le contrat signé pour accord, je fus à mon réveil saisi par un malaise. Le plafond de la chambre et les murs tournaient comme un carrousel. Incapable de sortir du lit, j’attendis que cela passe, mon corps mouillé d’une sueur froide. Nausées. Ma vie était mal engagée depuis ma naissance. J’allais devoir expliquer à Greta que ma santé n’était pas à même d’exercer ce job, ni mes forces de déménager.
FIN
Henri de Meeûs
Réflexions après avoir côtoyé durant avril 2021 à fin septembre 2021 un malade du Covid long.
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Vers 16 heures, le 14 avril 2021, bientôt septuagénaire, il fut transporté par une ambulance des Urgences à la clinique XZ, car il avait, depuis quelques mois, de plus en plus de difficultés respiratoires, principalement la nuit, expliquées selon lui par une apnée très forte qui l’épuisait.
Comme cette apnée avait commencé plusieurs mois auparavant, on ne pensait pas au covid, d’autant plus qu’il ne voulait pas se faire tester ni passer un examen médical approfondi à cause des risques de contagion en clinique.
Les deux médecins consultés en leur cabinet particulier ne semblaient pas trouver la solution pour diminuer l’apnée.
Il se méfiait de la médecine et n’était pas vacciné.
J’ignorais le contenu des entretiens qu’il eut avec les deux docteurs, car il évitait de s’épancher sur sa santé.
Mais le 14 avril, je dus appeler les urgences vu sa détresse et le transfert en clinique eut finalement lieu. Il me dit qu’il se sentait mourir.
Il avait peu de famille.
Il reçut une chambre particulière dans la clinique, fit savoir qu’il s’y sentait bien, qu’on allait s’occuper de lui.
Deux jours plus tard, sa famille apprit qu’il était atteint du covid et qu’il avait fait un petit infarctus. Ensuite tout s’aggrava. Pneumonie, cœur fragile, Isolé, fiévreux, respirant de plus en plus difficilement, il fut endormi, et intubé. L’intubation pénétrait sa gorge apportant l’oxygène directement dans les poumons. Ce sommeil comateux avec respirateur artificiel dura deux mois, jour et nuit sans réveil. Soigné par l’équipe médicale des soins intensifs. Nourri par sondes et une quantité de médicaments censés répondre aux multiples attaques du Covid.
La première semaine, une nuit, sans doute victime d’un arrêt respiratoire, il subit une trachéotomie, c’est-à-dire l’ouverture chirurgicale de la trachée au niveau du cou pour permettre une respiration assistée en urgence. Il est vraisemblable qu’il fut aussi victime d’un arrêt cardiaque et que le cœur fut relancé par électrochoc. Mais on nous le dira pas.
Les médecins des soins intensifs donnaient peu de détails. Chaque matin, son frère téléphonait pour s’entendre dire le plus souvent : l’état est stable. On ne recevait jamais d’explications détaillées ; patientez était le mot d’ordre. Les médecins renseignaient le moins possible. Quand il ne fut plus contagieux, je reçus la permission de le visiter vingt minutes chaque jour aux soins intensifs. Visites courtes pour ne pas le fatiguer.
Après deux mois de sommeil-coma, et l’enlèvement de l’intubation, les médecins tentèrent de le sortir du sommeil. Il ne se réveillait pas. Stress. Ce n’est qu’après trois tentatives de réveil étalées sur deux semaines qu’il ouvrit les yeux. Joie.
S’il avait repris conscience, la trachée restait ouverte pour garantir, en cas d’urgence, le complément d’oxygène nécessaire aux poumons, mais la trachéotomie rendait sa parole inaudible; il ouvrait la bouche, formait des mots, mais on ne comprenait rien. Seules certaines infirmières, lisant sur les lèvres, devinaient ce qu’il essayait d’exprimer.
Lors de mes visites les après-midis, je ne vis jamais un médecin, c’était des infirmières ou des assistants d’infirmiers qui surveillaient le patient, les machines, et les ordinateurs gardiens de sa survie.
On le faisait beaucoup dormir à coups de calmants.
A la fin du troisième mois, toujours aux soins intensifs, les médecins mirent fin à la trachéotomie, assurés que l’ouverture de la gorge pouvait être refermée sans risques, l’oxygène de la sonde nasale, toujours présente, suffisant comme appoint. Il parlait à nouveau et on le comprenait. Immense soulagement.
Les sondes demeurèrent pour l’alimentation, les liquides et l’évacuation des urines.
C’est alors que le cœur et la tension furent suivis particulièrement car on passait d’une hypertension à une hypotension et vice-versa. Il dut subir une opération pour calmer l’arythmie cardiaque.
Durant des mois, un escarre au cratère profond au bas du dos le fit souffrir jour et nuit intensément, nécessitant un pansement renouvelé deux fois par jour, puis après des semaines, on ne soigna plus qu’une fois par jour cette blessure. Il ne trouvait pas la position confortable pour s’asseoir ou se coucher. « Cette douleur ne me quitte jamais, cela me mine », disait-il.
A la mi-octobre, rentré dans son logis, sorti de clinique depuis trois semaines, un infirmier passe encore chez lui tous les deux jours pour refaire un nouveau pansement. L’escarre est sur le point d’être guéri maintenant.
Il a réintégré son logement après six mois de clinique ; il se sent intérieurement cassé en mille morceaux. Mais son esprit et sa mémoire sont intacts. Il marche sans avoir besoin d’aide. Chaque effort le fatigue, il est vite à court de souffle. Je le considère comme un martyr tant cette maladie vicieuse dévaste tout l’organisme
Les médecins ont dit qu’il était un miraculé. C’est vrai, il vit toujours.
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sam.
02
oct.
2021
Madame Bollaert
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(Suite de la Nouvelle inédite de Henri de Meeûs, MADAME BOLLAERT, première partie publiée dans les Carnets de juin 2021, deuxième partie dans les Carnets de Juillet 2021, troisième partie dans les Carnets de Août 2021).
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Une fin d’après-midi, on sonna. Greta et moi, nous dînions. Nous allâmes ouvrir la porte de rue. C’était Georgette mon ex-épouse presque divorcée. Elle pleurait.
« Que se passe-t-il ? », dit Greta.
– Ta maman est tombée dans l’escalier, il y a une heure. Elle a glissé. Elle est morte sur le coup. Ton père a appelé immédiatement le docteur Thomas qui n’a rien pu faire. La nuque est cassée, a-t-il dit. Il est encore dans la maison pour signer les papiers et le permis d’inhumer. Si vous voulez la voir, on l’a installée sur le lit de la chambre de tes parents.
– Oui, oui, nous venons, a dit Greta.
Et nous avons suivi Georgette.
J’ai embrassé mon père qui avait les yeux rouges, et nous sommes montés dans l’escalier étroit où ma mère à la jambe raide avait trébuché. Nous sommes entrés dans la chambre. Le docteur repliait les papiers qu’il remit à mon père, salua tout le monde, et dit : « Je vous présente mes sincères condoléances, madame était une femme courageuse. » Et il quitta la maison raccompagné jusqu’à l’entrée par Georgette.
Ma mère était allongée sous un drap immaculé, avec la tête aux cheveux décoiffés sur l’oreiller. Je m’inclinai et baisai son front déjà froid. Je ne ressentais pas grand-chose. Ai-je aimé ma mère ? Elle était plus douce que mon père mais sans autorité et gérant la douleur chronique qui la faisait souffrir jour et nuit, sa pauvre jambe abîmée par sa fuite éperdue de Pologne avec l’oncle chef de la police juive à Varsovie. Elle avait renoncé à bien s’occuper de moi, son unique enfant.
Une personne effacée mais pas méchante. Toujours fatiguée, toujours assise ou couchée.
Greta Bollaert s’approcha du corps de ma mère ; elle traça dans l’air un signe de croix au-dessus du drap qui recouvrait le cadavre, puis baissant la tête, donna un bisou sur la joue de ma mère morte. C’est à ce moment que mes larmes coulèrent. J’étais sec en entrant, mais en larmes en sortant.
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Le divorce avec Georgette fut prononcé rapidement. Nous vivions une période où un couple sur deux divorçait en Belgique. Magistrats et notaires avaient accéléré les procédures, les avocats ne perdaient plus de temps dans les dossiers, leurs honoraires étaient forfaitisés selon un barème favorable aux couples à faibles revenus.
Georgette s’était domiciliée dans la maison de mon père, et moi dans celle de Greta.
Qu’en pensaient les voisins ? Rien de bien, à mon avis. On ne leur parlait pas. Peut-être faisions-nous scandale pour ces retraités, âgés, avides d’histoires minuscules à croquer chaque jour, qui nous guettaient, Greta et moi, derrière leurs rideaux quand allongés sur nos transats, nous lisions au jardin des revues de mode.
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Il n’y avait pas de jardin derrière la maison de mon père veuf et de sa seconde épouse Georgette, devenue la nouvelle Madame Vansmet et automatiquement, ma belle-mère, car mon père et mon ex s’étaient mariés dans la plus stricte intimité. Cela faisait rire Greta qui disait : « On se croirait dans une tragédie de Sophocle ! »
Elle ne croyait pas si bien dire.
Deux années après le divorce, ce fut au tour de mon père de mourir. Proprement, sans chichis, tombé de vélo sur la piste cyclable, en rentrant du café où il descendait depuis son veuvage, chaque après-midi vers seize heures pour retrouver d’autres solitaires attablés devant leur bière quotidienne. Une chute à vélo, c’est classique. Un instant de distraction, un cycliste qui l’aurait gêné, on ne le saura jamais. Il fut conduit directement à la morgue des Pompes Funèbres de La Louvière, Au bon repos, toilette, maquillage, petit embaumement, vite couché dans un cercueil blanc capitonné de rose, le choix de Georgette qui n’avait pas demandé mon avis.
Avec Georgette, mon ex devenue la veuve de mon père, le soir, nous nous sommes recueillis, Greta et moi, devant mon père aux yeux fermés, bien coiffé, moustache noircie, avec sur l’estomac un bouquet de fleurs multicolores acheté chez la fleuriste de la Grand-Place de La Louvière.
Mon père du temps de ma mère n’osait pas aller seul dans les cafés. Mon ex, Georgette, sa seconde épouse ne le lui interdisait pas. Ma mère ne permettait pas ces écarts. Mon père n’a pas profité longtemps de sa liberté.
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Mon ex-épouse continua l’élevage des souris non seulement dans la cave mais aussi au rez-de-chaussée de la maison de mes parents décédés. Cette maison m’appartenait maintenant. Greta Bollaert m’avait avancé les droits de succession à payer au fisc. Georgette jouissait de l’usufruit. Je ne voulais pas de dispute et lui promis de lui laisser la maison tant qu’elle ne se remariait pas.
Georgette avait installé les souris dans de petites caisses en bois tapissées de pailles, avec un grillage serré qui empêchait qu’elles s’échappent. Son élevage marchait bien, disait Greta qui l’avait rencontrée dans le grand magasin Traffic avant qu’elle donne son préavis vu le petit héritage, du cash, que lui avaient laissé mes parents. J’ignorais l’existence de sa cagnotte. Mes parents ne m’en avaient pas parlé. Tant mieux pour Georgette de qui je n’étais pas jaloux. Elle avait aidé durant trois années ma mère qui, avec l’âge et la jambe raide, se fatiguait de plus en plus. La présence de Georgette auprès de mes père et mère avait soulagé leurs dernières années. Cela me convenait. Il est toujours pénible de s’occuper de parents âgés.
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Greta allait de plus en plus souvent visiter Georgette dans la maison voisine, disant qu’elle réconfortait Georgette qui se fatiguait avec l’élevage de souris de plus en plus nombreuses. Les caisses en bois où vivaient les petites bêtes occupaient maintenant la cave, le rez-de-chaussée et tout le premier étage.
Georgette dormait toujours sur le lit de camp du salon. Elle décida de vider l’unique chambre, celle de mes parents, de tout le mobilier pour y installer d’autres caissons à souris, celles de la nursery, c’est-à-dire les souris pleines, une centaine, avec un éclairage rosé qui chauffait des casiers séparés par de petites cloisons de verre. L’élevage de souris prospérait.
De l’étranger arrivaient, nombreux, les bons de commandes de firmes spécialisées dans la vente de serpents à l’appétit vorace. Mon ex-femme n’avait pas de soucis d’argent. Dire que les parents Tamisard étaient ravis, j’en doute. Ce qui comptait pour eux, c’est que leur fille ne soit pas à leur charge et qu’ils aient la paix.
Rien n’est plus odieux pour des parents que les soucis causés par les enfants.
Greta Bollaert se partageait entre les deux maisons, dormant une nuit sur deux dans l’une puis dans l’autre. Je m’habituai à cuisiner lors des absences de Greta. J’avais la maison pour moi tout seul Je n’entretenais plus le jardin, les herbes hautes y poussaient, sauvages. Plus de pelouse, plus de chemins ratissés.
La Nature reprenait toute son énergie, ramenant sur le terrain les limaces, les papillons, les taupes, et dans le pommier quelques pies et choucas qui jacassaient sans contrainte.
J’avais acheté un nouveau poste de TV Samsung à large écran ; je passais des heures à regarder des programmes parmi les cent chaînes de mon abonnement Belgacom. Les films de guerre, surtout les combats navals de la seconde guerre mondiale, étaient mes préférés. Je vibrais devant le spectacle de la bataille de Midway au cours de laquelle le Japon perdit en une journée quatre porte-avions ; ou bien je vivais le quotidien des U Boot nazis dans l’Atlantique, avec les torpilles tirées sur les navires de guerre et les cargos alliés sombrant en quelques minutes dans les profondeurs de l’océan, malgré les destroyers, chiens de garde incapables de prévenir les coups mortels.
Je commençai à voir de moins en moins Greta quand elle décida de loger chaque soir avec mon ex-épouse dans la maison de mes parents. Surprise, surprise, comme on dit. Je décidai de ne pas accuser le coup.
Je ne suis pas jaloux. Si elles sont heureuses, tant mieux. Si Greta aime vivre avec mon ex et les souris, grand bien lui fasse. Un matin, je vis qu’un transporteur livrait un lit pour deux personnes, pour remplacer le lit de camp.
Tant que Greta règle les dépenses de son immeuble que j’occupe, qu’elle accepte de payer les notes de chauffage, d’eau, d’électricité et le précompte immobilier, je ne m’en fais pas. Je dois plus souvent pomper dans mon compte à vue pour ma nourriture que je prépare et mange seul, ou pour les pizzas de chez Mario, l’Italien à catogan installé depuis trente ans au Sole Mio de La Louvière avec sa fille célibataire, qui vendent des repas à emporter vite faits, bien faits, pas chers.
Il y a dans ce rez-de-chaussée commercial à la gloire des pizzas, une table minuscule et une chaise, dans l’angle près du four. C’est pour moi. Au mur, un miroir dans lequel je peux me voir mâcher les pâtes siciliennes à la sauce tomate. Ensuite un café serré Stromboli et une petite addition. C’est mon repas chaud quotidien J’emporte avec moi l’odeur de graillon du boui-boui.
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Je vis un matin une enveloppe dans la boite aux lettres, avec mon nom tracé de l’écriture de Greta Bollaert. J’ouvris la lettre dactylographiée : « Nous avons le regret de te demander de quitter ma maison que tu occupes depuis ton mariage.
Nous avons besoin d’espace car l’élevage des souris marche fort et Georgette est d’accord de déménager chez moi avec les bêtes. Elle remet à ta disposition la maison de tes parents où tu as vécu depuis ta naissance. Je ne pourrai plus dorénavant intervenir dans tes frais. Il faudra que tu assumes. Les meubles de tes parents te restent acquis ainsi que le lit de camp. Nous nettoierons la maison de façon que tu la retrouves rafraîchie. Il n’y aura pas d’odeurs car nous demanderons à une firme spécialisée de tout bien désodoriser. Merci de libérer ma maison dans un délai d’un mois au plus tard, svp. Nous te remercions.» C’était signé Greta Bollaert. Et en petit, je lus : « Amitiés, Georgette ».
Je ne m’attendais pas à devoir déménager. C’est stressant. Et que Greta ne finance plus rien pour moi, cela m’inquiète. Il faudra faire face à toutes les dépenses avec la seule indemnité de chômage. Il devient urgent de trouver un emploi. A moins que je demande à une agence immobilière une estimation de la valeur vénale de la maison de mes parents, puis la vendre, et me loger dans un petit appartement ou un flat. Ne plus vivre à La Louvière à côté de mon ex qui a bien manœuvré Greta, vu leur « association ». Chercher un logement à Bruxelles, mais les loyers y sont élevés. Je me sentais menacé par la décision de mes deux voisines qui ne semblaient pas se soucier de mon avenir. Tout change vite dans la vie.
Le fait d’être au chômage, d’avoir renoncé à chercher un job parce que Greta Bollaert payait mes dépenses, c’est ok, mais si elle renonce maintenant à m’entretenir, c’est angoissant : à ma charge la nourriture, les vêtements, le chauffage, l’eau, l’électricité, le précompte immobilier, l’entretien et les réparations, je suis tout seul. Georgette mon ex a réussi à développer l’élevage des souris, elle est contente, a beaucoup de clients, plus qu’en avait mon père. Pour les livraisons elle a acheté une camionnette qui roule dans toute la Belgique, m’a dit Madame Bollaert, quel succès, mon père serait heureux, mais moi je ne le suis pas. Je dois les empêcher de mettre leur plan en exécution, je veux être respecté, elles profitent de ce que leur a laissé ma mère en remerciement pour les soins reçus avant sa mort.
J’ai décidé de leur écrire : « Greta, Georgette, votre décision de réoccuper la maison de Greta où je vis depuis des mois tout seul, et me demander de vivre à nouveau dans la maison de mon enfance, celle de mes parents, me stresse au-delà de tout. D’accord, cette maison m’appartient et j’ai accepté que vous y résidiez à deux avec l’élevage des souris. Je n’ai pas voulu me mêler de vos vies d’autant plus que je suis bien conscient de l’aide que m’a apportée durant des mois et des mois Greta. Je suis bien dans sa maison. Je suis tranquille et sans soucis. Je ne souffre pas de solitude. Je vais manger à midi dans la pizzeria de La Louvière. Cela me suffit un repas par jour. Et l’après-midi, je me repose devant la TV. Déménager va me coûter de l’argent. L’indemnité de chômage est faible. Sans l’aide de Greta, cela n’ira pas. Ne m’obligez pas, svp. Signé …. ». Je postai la lettre avec un timbre sur l’enveloppe alors que j’aurais pu la glisser non timbrée dans la boite de la maison voisine. Je voulais officialiser ma protestation.
(A suivre)
Henri de Meeûs
jeu.
02
sept.
2021
Madame Bollaert
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(Suite de la Nouvelle inédite de Henri de Meeûs, première partie publiée dans les Carnets de juin 2021, et la deuxième partie dans les Carnets de Juillet 2021).
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Je suis marié depuis un an avec Georgette Tamisard.
J’ai obtenu un droit à des allocations de chômage dans l’attente d’une insertion professionnelle. J’attends le premier versement. On ne dit pas à quelle date.
Nous sommes installés au troisième étage de la maison de ma bienfaitrice, un petit salon aux rideaux verts, un canapé deux places, deux fauteuils, une cuisine toute blanche avec four, frigo et une table, quatre chaises, une TV Samsung, une chambre à coucher à rideaux jaunes, un grand lit, une salle de douche avec un lavabo, et un petit w-c. Les sanitaires sont carrelés de faïences blanches et noires.
Nous avons été gâtés. Mes parents ne sont pas intervenus.
Je ne comprends pas pourquoi ma femme est agressive, Fiancée, elle était douceur, câlins, bisous, me défendant auprès de sa mère, madame Tamisard, qui la mettait en garde « Ne l’épouse pas, il est paresseux et sans travail. »
Depuis mon mariage, je cherche un job que je ne trouve pas. Je suis diplômé gestionnaire informatique et cela ne m’aide pas. Les responsables des ressources humaines des sociétés à qui j’adresse mon c-v, ne répondent pas, ou m’écrivent qu’ils n’engagent pas pour l’instant. Soit ils disent garder ma candidature en réserve, soit ils fixent un rendez-vous dans leur département du personnel ; je dois résoudre alors des questions programmées sur ordinateur ; ensuite, il y a de brefs entretiens, mais cela ne donne rien malgré mon pull bleu offert par Greta Bollaert et le pantalon de flanelle gris acheté avec ma mère chez Lézar de La Louvière.
Aucune lettre de candidature n’a abouti jusqu’ici.
Je reste dans l’appartement toute la journée ; mes sorties, ce sont les courses avec Greta qui conduit sa Toyota 1300 ; je me sens obligé de faire quelque chose, de porter les paquets ou les bouteilles d’eau, vu le loyer gratuit ; mon seul revenu sera l’indemnité de chômage, je l’attends.
Jusqu’à présent, mes parents n’ont pas offert de nous aider. Les Tamisard ne sont pas contents. A cause d’eux, ma femme est de mauvaise humeur, mais elle n’explique pas pourquoi. C’est une taiseuse.
Nous n’avons rien dépensé pour les meubles. Le lit conjugal de la chambre, les deux fauteuils du salon, le tapis, le canapé deux places, la TV Samsung, les deux armoires à vêtements, les ustensiles de cuisine, furent achetés par madame Bollaert. Les parents Tamisard ont offert les draps, les couvertures, et le linge de maison. Mes parents ont donné deux vélos (d’occasion) pour nos déplacements et promenades.
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Ma Georgette, chère épouse, ma jeunette, mon poussin de vingt-deux ans, n’est pas contente.
Cela empire de jour en jour. Georgette m’ignore, refuse que je l’approche. Je ne peux plus l’embrasser ni la câliner. Au lit, elle se détourne.
J’en ai parlé à Greta. Je me confie à elle plus qu’à ma mère. Elle n’a pas semblé surprise. Elle a dit : « Le début d’un mariage, d’une vie conjugale, est parfois problématique. Il faut trouver le terrain d’entente. Ta femme devrait patienter. Ce n’est pas gentil de te mettre la pression. Je ne puis vous gâter davantage car j’ai déjà beaucoup donné. Tiens-moi au courant. Mais je ne veux pas qu’elle soit malheureuse. Si nécessaire pour votre harmonie, vous pouvez déménager, chercher un autre logement. Elle est peut-être jalouse de moi. »
J’ignorais ce que ma Georgette pensait de Greta Bollaert car elle n’en parlait jamais. Elle préférait le silence à la plainte. Je me disais, cela passera même si Georgette n’est pas très portée sur l’amour physique. Au début, il fallait toujours lui demander, elle se crispait, fermait les yeux, restait inerte, ne m’aidait pas dans les préliminaires. Je n’osais aucun reproche, mais je suis jeune, chaud, et je ne m’attendais pas à ces débuts laborieux.
Georgette frigide ? Pourquoi pas ? Il faut que je m’informe sur la sexualité féminine en empruntant un ou deux livres à la Bibliothèque communale de La Louvière. Pour voir clair. Les lire avec elle si nécessaire. Cela nous aidera. Ma mère m’a posé la question : « Georgette n’est-elle pas enceinte ? J’ai l’impression que son caractère devient plus difficile. » Je répondais : « Tu le sauras le moment venu. »
Les parents toujours à se mêler des affaires du couple, qui ne les regardent pas. Est-ce que je pose des questions sur leur vie sexuelle, à supposer qu’ils en aient une ? Tout cela me fatigue. Je passe plus de temps chez Greta Bollaert, non seulement parce que nous occupons le petit appartement qu’elle a mis à notre disposition sous le toit de sa maison, mais tout y est gratuit ou presque, pas de chauffage à payer ni de taxes, Chez Greta, je suis plus heureux que dans la maison exigüe de mes parents. Je ne veux plus reprendre la vie commune avec papa-maman.
Chez Greta, je suis bien dans ma peau. Ma femme, elle, c’est le contraire, elle reste le minimum de temps dans notre petit appartement, elle préfère s’asseoir chez mes parents, elle cause avec ma mère, c’est vrai qu’elles s’entendent bien, je ne l’aurais pas cru. Mon père ne se plaint pas car ma femme s’occupe de leur repas de midi ou de la lessive. La jambe de ma mère est un handicap de plus en plus gênant. Elle est obligée de s’étendre maintenant plusieurs heures par jour sur le canapé-lit du salon où j’ai dormi tant d’années. « Souvenirs de la guerre », dit ma mère quand elle masse sa jambe raide.
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« Il y a eu un gag l’autre jour avec tes parents », m’a raconté Georgette ma femme. « Ta mère et moi, nous causions dans le salon et grignotions des biscuits en buvant du café après le déjeuner. Ton père était dans la cave à nourrir les souris. Tout à coup, nous l’avons entendu crier derrière la porte de la cave : « Venez m’aider, je suis tombé. » J’ai couru lui ouvrir. Il était à moitié couché sur une boite en carton où il avait placé des souris pour une livraison à une animalerie, mais sa chute avait ouvert le carton, et des dizaines, si pas des centaines de souris s’échappaient de l’emballage.
Elles filaient à toute vitesse dans toutes les directions, c’est-à-dire qu’elles redescendaient dans la cave ou se faufilaient dans le corridor du rez-de-chaussée et dans le salon où ta mère poussait des hurlements dans le canapé. « J’ai interdit qu’elles viennent ici ». Il y en avait partout.
Ton père, groggy de sa chute, saignait du cuir chevelu.
Ta mère criait : « Où est mon fils, où est mon fils ?»
Ma femme Georgette qui n’a pas peur des souris, dit qu’elle courait partout pour essayer de les rattraper. Ma mère exigeait de mon père de les faire disparaître par tous les moyens. Dieu sait si les petites bêtes n’avaient pas grimpé à l’étage jusqu’à la chambre de mes parents pour sauver leur vie innocente et se cacher dans les coins sombres.
Je n’ai pas assisté au spectacle décrit par ma femme.
Quand j’ai raconté à Greta Bollaert ce qui était arrivé avec la chute de mon père, elle a dit : « Ton pauvre père, il est plus heureux dans sa cave avec ses souris roses qu’avec ta mère ! »
Je partageais son avis. Chacun s’amuse comme il peut. Mon père aimait ma mère, j’en suis certain. Ils ne se quittaient jamais. Mon père n’avait ni amis ni amies. Rien que ma mère. Je ne les ai jamais vu s’embrasser, ni se tenir la main. Mais si ma mère devait mourir, je pense qu’il n’aurait pas survécu longtemps. Mon père avait toujours mauvaise mine. Jaune comme s’il souffrait du foie. Son peu d’appétit n’améliorait pas sa condition physique.
Mes parents se disputaient rarement. Malgré sa répulsion, ma mère était consciente que l’élevage des souris permettait de lui offrir des petits cadeaux qu’elle ne refusait pas.
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Le temps passait. Deux ans après le mariage, toujours pas de bébé. Et pas reçu encore l’indemnité de chômage à laquelle j’avais droit. Le Centre régional de l’emploi s’occupe du dossier mais me renvoie d’un employé à l’autre, et je ne reçois pas d’explications pour le retard du paiement. Il manque des pièces, disent-ils, sans préciser. Patientez, jeune homme.
Je m’enracinais chez Greta Bollaert et ma femme passait beaucoup de temps chez mes parents. Cela plaisait à chacun, les habitants des deux maisons se rencontraient rarement et se parlaient peu. Ma femme logeait maintenant trois nuits par semaine dans le salon de mes parents sur le canapé ou sur mon ancien lit de camp. Et moi toujours au troisième étage de la maison de Madame Bollaert, j’avais renoncé à chercher un job, mes lettres de candidature, une centaine environ, envoyées dans toute la Belgique et principalement dans le Hainaut et le Brabant wallon, étaient restées sans réponse et en cas de réponse, c’était un refus pré-imprimé !
Madame Bollaert voulait me dicter d’autres lettres plus « dynamiques » car elle avait été responsable de la gestion des ressources humaines chez Solvay, à La Louvière, mais je refusais son aide car je commençais à comprendre l’inutilité et l’ennui du travail sur un plateau de bureau, bruyant, de 8 heures à 17 heures trente, du lundi au vendredi. Et après le repos du week-end, tout recommence. Non, pas pour moi. Il fallait trouver autre chose.
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Il est agréable d’être seul allongé nu entre les draps du grand lit de la chambre à coucher, la nuit, quand Georgette dort chez mes parents. Je ne me plains pas. J’ai de la place pour mes jambes.
J’avais constaté que Madame Bollaert avait soif de câlins ; elle m’approchait plus souvent pour me caresser la joue ou me toucher les cheveux. Au début, je la laissais faire, elle était la propriétaire avec un loyer gratuit et sans charges pour son jeune ménage protégé.
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Un soir, avant le coucher, ma femme et moi nous nous disputâmes violemment dans notre chambre. Nous allions nous mettre au lit quand elle me dit : « Je ne suis pas heureuse avec toi, je n’aurais pas dû t’épouser. Depuis notre mariage, tu cherches un job, mais personne ne veut de toi. C’est moi qui paie les notes d’épicerie avec mon salaire, Tu attends toujours de recevoir l’indemnité de chômage. Tu traînes dans l’appartement, tu parles beaucoup avec Greta Bollaert, je ne suis pas jalouse mais je ne suis pas idiote. C’est désagréable. Tes parents l’ont remarqué aussi. »
Je répondis qu’elle se trompait, que je ne pouvais risquer de me brouiller avec la propriétaire. Nous n’aurions trouvé nulle part un appartement à notre disposition gratuite.
Sur ce, Georgette se mit à crier, renverse les bibelots de la commode, piétine mon
cadeau de fiançailles, – je n’avais pas eu assez d’argent pour lui offrir une bague –, trois petits éléphants en porcelaine de Copenhague achetés rue Haute à Bruxelles. Avant de quitter la chambre, elle m’inflige une gifle sur la joue droite, claque la porte derrière elle, et crie : « Je loge chez tes parents, je te quitte. »
Il était presque minuit. Derrière le rideau, je la vis qui sortait, rentrant dans la maison voisine, celle de mes parents, où une lampe était allumée dans le salon.
Le bruit avait réveillé Madame Bollaert qui vint frapper à ma porte : « C’est moi, tu vas bien, je peux entrer ? ». Elle portait une robe de chambre couleur pistache sur une chemise de nuit rose dont le nylon recouvrait les deux pantoufles.
Elle vit la trace des doigts de ma femme sur ma joue, y posa un instant les lèvres, « Mon pauvre petit, les femmes sont méchantes », dit-elle.
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La décision de ma femme Georgette de s’installer chez mes parents, me laissant seul avec Greta, ne me dérangeait pas. Question d’habitude. Greta préparait chaque jour le repas de midi et le souper du soir. Nous mangions face à face à la table de la salle à manger du premier étage. Nappe jaune à rayures vertes, verre d’eau, verre de vin, un bordeaux toujours le même, agréable mais je n’y connaissais rien. Quand le repas était prêt, si je m’occupais au troisième étage de tout et de rien, par exemple voir des jeux à la TV, elle criait en bas de l’escalier : « C’est prêt, tu peux descendre ! » Je la rejoignais. Elle n’oubliait pas de me présenter sa joue avant que je puisse m’asseoir. Je ne refusais pas.
– Cela va ? disait-elle.
– Oui, oui, ne vous en faites pas, je ne m’ennuie pas.
Nous mangions en silence la plupart du temps. Je la félicitais pour sa cuisine car elle aimait que j’apprécie et le lui dise. Sinon, je ne cherchais pas de sujet de conversation, je répondais à ses questions, pas plus. J’avais dit, ne me parlez pas d’une recherche de job, j’attends l’indemnité du chômage, c’est la crise, je n’ai pas un diplôme qui intéresse les hommes d’affaires, je serai un chômeur comme mon père, et basta.
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Je ne visitais plus mes parents dans la maison voisine où mon épouse avait pris ses quartiers. Elle aidait ma mère de plus en plus immobilisée par sa jambe raide. Après le bureau au Traffic, elle rentrait chaque fin d’après-midi dans la maison de mes parents où j’avais vécu jusqu’à notre rencontre. Je ne la voyais plus. Je ne la désirais plus.
Mes parents ne cherchaient pas à me contacter.
« Laissons passer l’orage » avait dit mon père à Madame Bollaert rencontrée dans un magasin, « les jeunes ménages actuels, c’est très compliqué. »
Elle me le répéta sans dire ce qu’elle avait répondu à mon père.
Je commençais à songer au divorce. Georgette avait quitté le domicile conjugal, et refusait de le regagner et d’intervenir encore dans mes dépenses.
Greta me conseillait la patience. Elle acceptait de renoncer au loyer aussi longtemps que je resterais chez elle.
Je discutai avec Greta de l’opportunité d’un divorce avec Georgette. Pas question de verser à Georgette une pension alimentaire : abandon du domicile conjugal. Notre couple n’avait pas d’enfant.
Ne pas travailler me convenait, même si cela impliquait de vivre aux crochets de Greta.
Un matin, le facteur me remit le premier chèque des services du chômage de La Louvière et les formulaires pour l’ouverture d’un compte à La Poste afin d’être crédité le premier de chaque mois. Cet argent permettrait de me distraire, d’aller de temps en temps à Bruxelles faire du shopping, de boire une bière dans un estaminet de la Grand-Place, d’acheter un hebdomadaire sportif, ou un vêtement. Greta insistait pour que je sois bien habillé. Pas de jeans ni de chaussures de basket où les pieds transpirent. Greta me souhaitait plus classique.
Je dis à Greta : « Je pourrais dans quelques mois acheter une VW Polo d’occasion pour nos déplacements. »
« Pas question », répondit-elle. « Dès que tu obtiendras un permis de conduire, je t’achèterai une voiture neuve, celle que tu aimeras. Nous pourrions descendre plus souvent dans les Ardennes, dans les petits restaurants renseignés par le Guide Lemaire. Ce sera agréable. »
C’est Greta Bollaert qui entreprit les démarches pour lancer la procédure du divorce ; elle eut un soir, dans la maison de mes parents en dehors de ma présence, un entretien avec Georgette; elles se mirent d’accord pour choisir l’avocat que Greta proposait et pour introduire en justice une demande en divorce par consentement mutuel.
Comme notre couple n’avait pas d’économies, le partage du petit mobilier cadeau fut réglé par Greta qui signa un chèque accepté par Georgette. J’étais libre à nouveau. Chez Greta.
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Quelques mois passèrent. Je vivais toujours au troisième étage de la maison de Madame Bollaert qui m’avait proposé à plusieurs reprises d’habiter dans les appartements du rez-de-chaussée, du premier et du second étage. J’aurais une chambre plus spacieuse pour moi seul. Une belle salle de bain. Un bureau. Mais je dis, il est inutile de modifier mon installation, vivre au troisième détend mes nerfs. J’étais heureux de partager mes repas avec Greta, je la remerciais de s’occuper de mon linge, lessive et couture, de repasser les belles chemises qu’elle me conseillait d’acheter à Bruxelles, de laver mes chaussettes et caleçons que je changeais chaque jour, et tout cela gratuit.
(A suivre)
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Henri de Meeûs
mar.
03
août
2021
Madame Bollaert
(suite du texte de la Nouvelle d’Henri de Meeûs publié dans les Carnets de Juin 2021)
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Mes parents dînent le soir à deux, et sans moi si Greta m’invite à partager son repas du soir, celui du mercredi uniquement, de 19 heures à 20 heures, ni plus ni moins : macaronis au gratin, salades, et tartelette aux cerises. Mes parents sont d’accord pour que je mange chez la voisine chaque mercredi soir vu que je leur apporte les fraises et souvent des salades ou des tomates. En principe, ils refusent que j’y aille les autres soirs.
Madame Bollaert ne me dérange pas, elle est silencieuse quand j’étudie mes leçons. Elle est intelligente, a été cadre chez Solvay. Une bonne retraite lui permet de vivre sans soucis.
Une fois par semaine, elle me tend deux plaques de chocolat Callebaut en même temps que l’argent pour le jardinage. Elle ne se trompe pas dans le calcul des heures notées dans un petit carnet à spirales.
Les autres soirs, je reste chez mes parents et nous soupons à trois dans la cuisine, mon père parle peu, ma mère pousse des soupirs et moi je sers les plats préparés par ma mère qui, une fois qu’elle s’assied, ne se lève plus, car se lever, s’asseoir, et se relever, la fatigue.
Depuis très jeune, fils unique, je m’occupe du repas du soir, des plats, du service, puis je reprends les assiettes, et à moi de laver la vaisselle. Eponger, essuyer, le tour est joué. Ma mère apprécie ma rapidité et mon souci de propreté. Elle préfère s’asseoir dans le canapé, sa jambe étendue sur un strapontin de velours vert.
Ensuite une demi-heure relax à regarder à trois la TV, le programme est choisi par mon père qui garde sur les genoux la télé-commande, puis retour au petit bureau contre le mur, essayant de mémoriser une leçon ou de chercher la solution d’un problème d’algèbre. Parfois je crie : « Un peu moins fort la TV ! » mais sitôt le son baissé, quelques minutes plus tard, mon père hausse la tonalité sous prétexte qu’une chanteuse a une belle voix ou que le match de foot est palpitant.
Contrairement à la voisine, ils ne respectent pas mon travail. Je l’ai signalé à madame Bollaert. Elle a dit: « Mon pauvre petit, tes parents ne sont pas instruits, ils ignorent la difficulté d’apprendre dans les livres, tu as bien du mérite ». Et sa main légère effleure mes cheveux.
Un jour, j’ai découvert les boules Quies, cire molle que j’enfonce dans l’orifice de chaque oreille. Un conseil de Greta Bollaert. Je n’entends plus rien, silence total sauf les battements du sang dans les conduits auditifs. Je peux enfin me concentrer sur mes études et, très vite, les résultats scolaires se sont améliorés.
Vive les boules de cire, vive madame Bollaert. Parfois j’éprouve un saisissement quand mon père me touche l’épaule pour m’avertir de préparer le repas du soir. Je ne l’entends jamais arriver près de moi, je suis concentré dans mes études, et tout à coup sa main sur mon épaule me fait sursauter. Les boules Quies ne sont pas bonnes si on est cardiaque.
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En dernière année d’études secondaires chez les Maristes, est arrivée dans ma classe à la rentrée de septembre, une fille, grande, à peau blanche et taches de rousseur, qui s’appelle Georgette Tamisard. Elle était la seule fille de la classe. Elle a dit venir d’une école dans les Ardennes près d’Arlon. Quand les parents de Georgette se sont installés à La Louvière, elle a dû changer d’école. Son père ingénieur est le nouveau responsable de la distribution et des ventes du grand magasin Traffic.
Elle prend un bus chaque matin qui part de la rue des Anges pour la déposer non loin du collège des Frères Maristes de La Louvière.
Belle fille souriante, en jeans bleuâtre et pull-over jaune, avec des cheveux roux. Je ne suis pas sensible aux charmes des élèves filles souvent boutonneuses, bavardes, mal lavées, rarement peignées, pas coquettes Je préfère les femmes de plus de 25 ans, avec un peu de poitrine, mais pas trop, légèrement maquillées et bien coiffées. Surtout qu’elles soient féminines et ne ressemblent pas à des hommes. Je n’ai jamais fait l’amour, je ne cherche pas de rencontres, je me trouve moche. De rester entre papa maman, cela n’ouvre pas la porte aux grandes aventures. Je découpe parfois des photos de blondes dans les revues de mode que ma mère jette après lecture à la poubelle, et je classe et colle ces illustrations un peu dénudées dans un cahier classé géométrie parmi d’autres cahiers que mes parents n’ouvrent pas ; mes études ne les intéressent pas.
Les premiers jours, de septembre à novembre, j’ai cru être amoureux de Georgette Tamisard. Je pensais souvent à elle, je la regardais car elle était assise non loin de moi, au premier rang, dans la classe. Son profil et ses cheveux rouges. Elle lève souvent la main pour répondre rapide aux profs. Ce qui m’émeut, ce sont ses jambes, ses mollets, parfois ses cuisses quand elle s’assied sur le banc et que sa jupe remonte un instant. Elle ne voit pas mes regards. Du moins je le pense. On ne se serre pas la main et nous ne nous parlons pas. Un matin, cependant, le prof de français, monsieur Frison, – nous le nommions Frisette car il avait de petits cheveux bouclés dans le cou et une fine moustache blonde – eut l’idée de mettre en scène des lectures publiques de grands écrivains de théâtre. Il avait formé dix équipes de deux élèves, avec pour chaque duo, un texte dont la lecture ne dure pas plus de dix minutes. Il voulait améliorer nos intonations et notre accent qui sentaient la province, disait-il en pinçant son français. Il avait fait du théâtre à Paris. Il disait qu’il jouait les rôles de jeune premier. Les élèves filles de l’école le trouvaient charmant.
Je dus lire avec Georgette une scène de Tartuffe, dans Molière. J’étais Tartuffe et elle était la fille d’Orgon qui veut épouser Valère. J’ignore si les élèves ont bien compris le texte car ils n’avaient jamais entendu parler de Molière. Georgette Tamisard eut du succès, il y eut des rires. A moins que notre couple ne fasse rire ?