Paul Bowles (1910-1999). Copyright Wikimedia Commons
Paul Frederick Bowles, un des plus grands écrivains américains du XXème siècle, naquit le 30 décembre 1910 à Jamaica (quartier de Long Island, dans la ville de New York). Sa mère lui fit lecture d'œuvres d'Edgar Allan Poe alors qu'il était encore enfant. Par la suite, il étudia à l'université de Virginie.
En 1929, il abandonna ses études pour faire son premier voyage à Paris. En 1931, lors d'un séjour en France, il s'agrégea au cercle littéraire et artistique de Gertrude Stein et, sur son conseil, se rendit pour la première fois à Tanger en compagnie de son ami et professeur de musique, le compositeur Aaron Copland. Il retourna en Afrique du Nord dès l'année suivante, voyageant dans d'autres régions du Maroc, du Sahara et de l'Algérie.
En 1938, il épousa Jane Bowles, née Auer, écrivain et dramaturge. Tout au long des années 1940, ils figurèrent parmi les personnalités littéraires marquantes de New York, Bowles travaillant par exemple comme critique musical au New York Herald Tribune sous la direction de Virgil Thomson.
En 1947, Bowles partit s'établir définitivement à Tanger, où Jane Auer vint le rejoindre en 1949. Le couple devint rapidement incontournable dans le milieu des Européens et Américains établis à Tanger. Dès la fin des années 1940, ils y reçurent la visite de figures littéraires éminentes, parmi lesquelles Truman Capote, Tennessee Williams et Gore Vidal. Ils furent suivis, au cours des années 1950, par les auteurs de la beat generation, Allen Ginsberg et William S. Burroughs.
À partir de son installation au Maroc, Bowles se consacra à l'écriture de romans, de nouvelles et de récits de voyages, écrivant également la musique pour neuf pièces représentées à l'École américaine de Tanger.
Au début des années 1952, Bowles fit l'acquisition de Taprobane, petite île située sur la côte de l'actuel Sri Lanka, où il écrivit une grande partie de son roman The Spider's House, revenant à Tanger lors des mois les plus chauds.
Après la mort de son épouse Jane Bowles en 1973 à Malaga (Espagne), Bowles continua de vivre à Tanger, écrivant et recevant ses visiteurs dans son modeste appartement. En 1995, Bowles retourna brièvement à New York pour un festival consacré à ses œuvres musicales, se tenant au Lincoln Center. À cette occasion, il participa également à un festival de sa musique au centre de Lincoln ainsi qu'à un colloque et à une entrevue tenue à la New School for Social Research (« nouvelle école pour la recherche sociale »).
Paul Bowles est mort d'un arrêt cardiaque à l'hôpital italien de Tanger le 18 novembre 1999, à l'âge de 88 ans. Le lendemain, le New York Times publia une nécrologie occupant une page entière. Bien qu'ayant vécu au Maroc pendant 52 ans, Paul Bowles fut inhumé à Lakemont (New York), à proximité de ses parents et grands-parents. (Source : Wikipedia).
Bibliographie sommaire (traductions en français) des ouvrages de Paul Bowles :
Un thé au Sahara, Gallimard, coll. « L'Imaginaire », 1980
Après toi le déluge, Gallimard, coll. « L'Imaginaire », 1988
La Maison de l'araignée, Promeneur, coll. « Roman », 1993
Leurs mains sont bleues. Récits de voyage, Points, 1995
La Maison de l'araignée, Le Livre de Poche, coll. « Littérature & Documents »,
Réveillon à Tanger, Gallimard, coll. « L'Imaginaire », 2007
Romans, Gallimard, coll. « Quarto », 2008
On trouve certains points de ressemblance entre Montherlant et Bowles : tous deux sont des fils uniques. Chacune des mères est presque morte en leur donnant le jour (hémorragies). Le père de Bowles en faisait souvent le reproche à son fils. Le père de Montherlant traitait son fils de « monstre ».
Les deux écrivains furent fascinés par l’Afrique du Nord. Montherlant vécut par intermittence plusieurs mois entre 1926 et 1933 au Maroc et en Algérie, puis il renonça aux voyages et ne quitta plus Paris de 1945 au 21 septembre 1972, date de son suicide.
Paul Bowles s’accrocha à Tanger où il demeura de 1947 à 1999, durant 52 ans, jusqu’à sa mort.
Les ouvrages de Montherlant et de Bowles montrent une connaissance approfondie de l’Afrique du Nord et de ses habitants traités avec respect.
Voici le début du chapitre 2 du roman Un thé au Sahara de Paul Bowles :
Sur la terrasse du café d’Eckmühl-Boiseux, quelques Arabes assis buvaient de l’eau minérale. Seuls, leurs fez aux diverses nuances de rouge les distinguaient du reste de la population du port.
Leurs vêtements européens étaient gris et élimés ; il eût été difficile de dire quelle en avait été la coupe à l’origine. Les petits cireurs de souliers, à demi nus, regardaient le trottoir, accroupis sur leurs boîtes, trop inertes pour avoir l’énergie de chasser les mouches qui grouillaient sur leurs visages. A l’intérieur du café, l’air était plus frais, mais immobile et chargé de relents d’urine et de vin suri.
A une table, dans le coin le plus sombre, étaient assis trois Américains : deux hommes et une jeune femme. Ils bavardaient tranquillement, à la façon de ces gens qui ont toute la vie devant eux.
L’un des hommes, mince avec un visage légèrement crispé et anxieux, repliait de vastes cartes multicolores qu’il avait étalées sur la table un moment plus tôt. Sa femme observait ses gestes méticuleux avec une exaspération amusée ; les cartes l’ennuyaient et il passait son temps à les consulter. Même durant les courtes périodes où ils avaient mené une existence sédentaire, ce qui avait été l’exception depuis leur mariage douze ans auparavant, il lui suffisait de voir une carte pour l’étudier avec passion, puis, invariablement, il commençait à projeter quelque nouveau voyage impossible, qui, parfois, se transformait en réalité. Il ne se considérait pas comme un touriste, mais comme un voyageur. La différence tenait, entre autres, au facteur temps, expliquait-il. Alors que le touriste se hâte, en général, de rentrer chez lui au bout de quelques semaines ou de quelques mois, le voyageur, pas plus attaché à un lieu qu’au suivant, se déplace lentement sur des périodes de plusieurs années, d’un endroit de la terre à un autre ». (Extrait d’Un Thé au Sahara, p. 86 et 87, Romans de Paul Bowles, Editions Quarto, 2008, Gallimard)
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Le pire dans la vieillesse n’est pas la solitude mais le naufrage à deux.
L’autre jour, un déjeuner très chic. Dix personnes, cinq dames, cinq hommes. Celle qui invite est française, cousine germaine d’un écrivain célèbre, possède l’art de la conversation ainsi que celui de placer à table les convives. Nous sommes tous plus ou moins parents. J’ai la chance d’être assis à côté de M, amie de mes vingt ans, qui a épousé un mari de 16 ans plus âgé qu’elle, et à ma gauche, une dame pleine d’énergie et de distinction, à l’éternelle jeunesse, qui est veuve de trois maris très aimés. Pétillantes conversations. L’esprit français dans toute sa splendeur. Moments rares dans une époque de plus en plus inconvenante.
Elle se désole que son fils quinquagénaire sorte toujours mal habillé, quasi déguisé. Il est riche. Mais radin. L’argent seul l’intéresse et les bandes dessinées.
Il s’en fiche, dit sa mère.
Le mariage chrétien comporte l’engagement des conjoints de s’aimer mutuellement pour le meilleur et pour le pire. Les textes actuels sont devenus tièdes et on a tendance à ne plus insister sur l’éventualité du pire, la maladie ou le malheur, ce qui est humain (ne pas faire peur !). Mais la réalité peut rattraper le couple et lui demander de porter assistance au conjoint qui craque physiquement ou psychologiquement. Le divorce pour retrouver la paix ? Mais quelle paix ? Car voici la promesse : VEUX-TU prendre cette femme pour épouse légitime, et vivre avec elle selon la loi de Dieu, dans le saint état du mariage? L'aimeras-tu, la consoleras-tu, l'honoreras-tu, dans la maladie, comme dans la santé, et renonçant à toute autre union, lui resteras-tu fidèle jusqu'à la mort ?
Admirable époux, magnifique épouse qui, au risque de s’épuiser, assistera le conjoint en état de souffrance.
Le cinéaste qui a le mieux filmé les femmes est peut-être Alfred Hitchcock.
Citons : Grace Kelly (Le Crime était presque parfait, Fenêtre sur cour et La Main Collet); Ingrid Bergman (La Maison du docteur Edwardes, Les Enchaînés et Les Amants du Capricorne); Teresa Wright (Madame Miniver, et L’Ombre d’un doute); Vera Miles (Le Faux Coupable et Psychose); Kim Novak (Sueurs Froides) ; Tippi Hedren (Les Oiseaux, Pas de printemps pour Marnie); Madeleine Caroll (Les 39 marches et Quatre de l’espionnage); Eve Marie Saint (La mort aux trousses); Barbara Harris (Complot de famille); Joan Fontaine (Rebecca, et Soupçons); Janet Leigh (Psychose); Anne Baxter (La loi du silence); Doris Day (L’homme qui en savait trop).
C’était la Beauté aux prises avec la Peur. Admirables et superbes femmes, à jamais disparues, soleils de ma jeunesse. Et Alfred Hitchcock un peu sadique avec elles, lors des tournages …
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Eve Marie Saint
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Quelques mots sur un écrivain russe, romancier, historien et auteurs de romans policiers, Boris Akounine, pseudonyme de Grigori Chalvovitch Tchkhartichvili, né le 20 mai 1956 à Zestafoni, en Géorgie, alors une république de l'Union soviétique. Boris Akounine est aussi l’auteur d’une remarquable trilogie Album de famille, que je découvre, dont le premier volet Aristonomia est paru pour la traduction française aux Editions Louison, 655 pages, Paris 2017, et le deuxième volet L’Autre Voie, aussi publié aux Editions Louison, 564 pages, Paris 2018.
A lire, ces lignes de Boris Akounine dans l’avant-propos de Aristonomia :
« Les livres qui méritent d’être lus ont ceci en commun que l’auteur les a écrits pour lui-même. Peu importe que l’œuvre s’adresse à un certain public ou à l’humanité en général, un vrai livre se reconnaît toujours à son absence de prétention. A sa candeur, si vous préférez. L’écrivain ne craint pas de passer pour un naïf, il ne cherche pas à paraître plus intelligent ou plus instruit qu’il ne l’est, il ne feint pas d’être affecté par ce qui l’indiffère, il ne fait rien pour plaire. Il a d’autres chats à fouetter. Une question le tourmente, et sa quête de réponse est sa façon de se soigner. Quand on veut guérir, on ne gaspille pas ses forces à des riens. »
Et ceci : « A l’époque dans laquelle s’inscrit ma vie, toutes les théories ont échoué. La puissance des religions prêchant l’amour universel n’a pu protéger l’humanité de l’extermination. Les pertes dues au progrès technique se sont élevées à plusieurs millions, et maintenant qu’on est allé jusqu’à inventer l’arme nucléaire, ce progrès menace de détruire la vie sur terre. La foi dans le confort matériel comme panacée n’a fait qu’aboutir à la domination de la vulgarité et d’une culture de masse médiocre qui transforme les hommes en ruminants. Le culte de la justice sociale a dégénéré en dictature cruelle, en exécutions massives et en camps de concentration ».
Lire sur Boris Akounine : le site https://fr.wikipedia.org/wiki/Boris_Akounine#Romans
Boris Akounine né en 1956 - Copyright Wikipedia Commons
Publié en 2017 aux éditions Louison, Paris
(656 pages).
Premier volet de la trilogie Album de Famille