DIVORCE
_________
S’il faut un jour te fermer la porte
Déposer tes valises sur le palier
Changer les clés que tu ne puisses entrer
S’il faut un jour te détester
Après des mois de batailles
De silence, de grimaces, de pleurs
Sans hésiter, je casserai nos épousailles.
Au loin ta robe de mariée, les bijoux de la fête, le menu du traiteur,
Et les promesses qui ne furent pas tenues
Malgré le sacrement, malgré le prêtre solitaire qui nous a bénis
Adieu les entrechats de tes amies
Sans cesse leurs bavardages, niaiseries, médisances
Hypocrisies mondaines, prières non exaucées.
La coupe est pleine de l’ennui que tu sécrètes
Je te dis Adieu folle épouse
Ton art de saisir dans tes filets
L’imbécile que j’étais
Ne prend plus sur mon esprit dévasté.
Ta colère chaque jour augmente
Ton visage se déforme
Trop rouge, trop mauve, tes yeux ont des poches
Il n’est pas bon de chauffer ta bile
Tu risques l’embolie, l’avc, la phlébite.
Mon bel amour regarde ton miroir
Ta beauté s’est enfuie, ta bouche se dessèche
Il n’y aura plus de baisers sur ta face
Ta langue serpentine siffle le matin, le soir
Je ne vais plus longtemps
Partager ta couche et ton logis.
Je te fais mes adieux de loin
Craignant tes griffes et ton haleine lourde
Tes rancoeurs indigestes te verdissent le teint.
Avoue mon Trésor que la vie t’insupporte
Eloigne-toi de mes rires, de mes farces,
Je ne veux pas périr sous ton regard
De gouvernante aux sourcils froncés,
Aux yeux charognards pour mieux juger
Jusqu’à l’os mon beau corps innocent.
Ah tu me fais rire si tu ne parles plus
Ni matin ni soir, finies les embrassades
J’irai dormir sur le canapé ridicule
Où nous nous sommes aimés.
Nous n’aurons pas d’enfants
Ni regrets ni misères
Sorti de la maison je chanterai
Tel l’oiseau se mirant au soleil
L’espoir m’envahit de vivre enfin
Loin de ton seuil.
Tes pleurs, tes cris en mon absence.
Déchireront l’air Fini, fini, tout est fini
Qu’il est doux de m’asseoir, de m’étendre
Sous la brise solitaire.
Te voilà morte ton suaire t’emballe
Je serai loin le jour des funérailles
On cherchera le veuf en habits de deuil.
Mon superbe amour, quel plaisir de t’attendre
Chaque année ton silence m’amène à la vieillesse
Nulle plainte, nulle fatigue, l’astre brûle encore
Je chante face au soleil, aux nuages, à la pluie,
Tu ne prendras pas ma main sur mon lit de malade
Tu ne baiseras pas mes lèvres crevassées.
J’ai chanté la solitude amoureuse, gagné tous les prix,
Dans la mort, je t’enfermerai en moi
Tu seras vraiment morte.
Henri de Meeûs (2018)
°°°
Admirable peuple anglais, respectueux de son passé, de ses reines et de ses rois, d’un courage inouï dans les guerres, les militaires et les civils, supérieurs aux autres peuples, refusant la dissolution dans un Grand Machin où vos qualités, votre génie se perdraient, vous méritez une reconnaissance éternelle pour nous avoir sauvés des démons nazis. Vous êtes l’honneur de l’humanité. A vous la gloire !
Le renoncement apporte la joie.
Dieu est un soleil qui touche l’âme à condition qu’il n’y ait aucun écran entre elle et Lui. L’amoureux oublie Dieu.
***
J’aime lire Michel Onfray. Il a publié beaucoup de livres. Mais sa colère, son refus de se soumettre au troupeau sont fort intéressants, même s’il n’a pas toujours raison. On se sent intelligent à le fréquenter car il ouvre de nombreux espaces inexplorés.
J’ai lu de lui La stricte observance, Avec Rancé à la Trappe, publié chez Gallimard en octobre 2018. L’abbé de Rancé est le réformateur de la Trappe. Cet abbé mondain et sensuel s’est converti après la mort de son amie et, comme l’écrit Nietzsche, dans Aurore III, §192, il fut le dernier qui ait pris au sérieux l’idéal ascétique du christianisme.
Voici un extrait de ce livre :
« Mme de Montbazon a contracté la rougeole ; son médecin, Guy Patin, un libertin fort célèbre dans tout Paris, avait prescrit la saignée, autrement dit : rien du tout ; la dame est morte en quelques heures après avoir appris qu’il ne lui restait qu’un souffle à expirer sur cette terre.
Rancé n’oublie pas qu’il est abbé ; il fait son métier et lui conseille de se mettre en règle avec Dieu. La mort, ça dure longtemps, l’éternité, c’est long, l’au-delà, c’est loin, il vaut mieux demander au ciel qu’il ait pitié de la vie qu’on a menée sur terre quand elle a été pauvre en oraison. « Il n’y a pas d’apparence, lui dit-il, que vous puissiez relever de cette maladie ; tout presse, ne différez pas d’un moment à vous réconcilier avec Dieu, pendant que vous en avez encore le temps. »
Cette invitation à se réconcilier avec Dieu suppose que la conciliation n’était pas de rigueur dans la vie de la mourante. Rancé lui dépêche donc le curé de Saint-Paul qui, dans l’ordre du spirituel, lui inflige un traitement tout aussi efficace que celui de Guy Patin pour le corporel. Trois jours plus tard, elle passe. L’abbé Dubois dit dans son Histoire de l’abbé de Rancé : Elle avait environ quarante-cinq ans. » La libertine est enterrée dans le cimetière des bénédictines de Montargis (…).
La mort de la duchesse lui entre par tous les pores de la peau. La conversion à la vie monastique n’est pas affaire d’un coup de tête, mais celle d’un cheminement intellectuel qui prend acte que la mort de l’un affecte l’autre, que ce qui a été pris au premier l’est également au second (…) Rancé ne fit donc pas son deuil, mais le deuil le fit ; il le fit mort, car l’abbé choisit de vivre jusqu’à la mort comme un cadavre auquel il faut juste laisser assez de conscience que ce mort est encore vivant. Il faut juste assez de vie pour se voir mort. (…)
Il va de soi que rien n’est chauffé dans le monastère : on mange dans le froid, on prie dans le froid, on travaille dans le froid, on dort dans le froid. Réfectoire, dortoir, champs, église : les rigueurs des automnes trempés et des hivers gelés dans le Perche constituent autant de blessures infligées au corps.
Mal manger, peu manger, avoir froid, voilà qui maltraite la chair ; ajoutons à cela mal dormir, peu dormir. Rancé contient le sommeil dans les seules limites de la réparation des forces perdues – pas plus de six heures chaque jour. Coucher sur des paillasses sommaires qui laissent passer les clous du châlit, se lever à deux heures du matin, se coucher après une journée dans le silence consacré à la prière et au travail manuel, dormir habillé avec la tenue à capuchon et ses grandes manches. (…) » ( pages 55 et suivantes).
***
Abbé Jean Le Bouthillier de Rancé né le 9 janvier 1626 à Paris, décédé le 27 octobre 1700 à l'abbaye de La Trappe, est un des précurseurs de l'Ordre cistercien de la stricte observance. C'est une figure marquante de la spiritualité du Grand Siècle. Portrait par le peintre Hyacinthe Rigault.
***
ATTENTE DE L'AMOUR
____________________
Mon amour existe, mais où est-il?
Si bien caché, si discret
Tout petit, minuscule
Sous une feuille
Ou une miette de pain,
Eclat du paradis, tête d'épingle
Muet, dans le silence
Ne répondant jamais
A mes plaintes
Pourquoi m'abandonner, trésor de ma vie
Pourquoi ne réponds-tu ?
Vois mes bras tendus
Mes regards fixant la nuit
Nulle lumière,
A quel jeu me livres-tu ?
Cette recherche m'épuise
Me livre à l'ennemi
Mes désirs s'exacerbent
De ne toucher jamais
Le beau corps attendu
Faudra- t-il que je meure
Pour te voir apparaître
Avant le dernier saut
Le sourire aux lèvres
Et le soleil dans les yeux
Un baiser sur ta main
Et ensuite
La fin.
H de M, décembre 2004
***
QUAND LES ROSES FINISSENT
___________________________
Quand les roses finissent
Sous le vent, la pluie,
Les pétales jonchent
L'herbe du matin
Mon coeur triste alors
De ne pas voir l'aimée
Se désole s'inquiète
D'être seul
Pas d'amour, plus de roses
Viens mon chien, viens mon chat
Mes animaux de compagnie
A mes pieds me regardent
Offrant leur tête à mes mains
Ceux- là m'aiment, je les garde
Mon beau jardin de roses
N'est plus qu'un souvenir
Et mon coeur en lambeaux
Soupire
Ton visage mon amour
Ton visage si beau
Que je ne verrai plus
Qui le regarde, qui le couvre
De baisers
Qui ?
H de M, juin 2005
***
L’espace se déchire
________________
Il suffit qu’un jour l’espace oui l’espace
Se déchire comme une voile
Jour de tonnerre et de cris.
Quels égarements se répandent en masse
Les vivants dans les tours ont des visages morts
Pleurs de sang
Le cri des fous retentit sous les lustres
Des maisons malades où l’on soigne
Comme des porcs les humains qui s’épuisent.
Pleurs d’insultes pleurs d’effrois
Il y aura des nappes jetées en hâte sur le sang
O mes oiseaux perdus, mes astres qui pâlissent,
Mon horreur du temps qui s’avance.
On sortira des caves les haches les couteaux
Les femmes s’épuiseront de veilles sur les barques
Les roses auront des dents
Quel passage permis sous la voûte des armes
Quel amour encore sous les averses du sang.
Il n’y aura plus de larmes les enfants suivront
Des mères sans voix qui jetteront des sorts
Aux puissances d’En-Haut maudissant ces horreurs
Tombées si vite au sortir du printemps.
Le beau jour de mai n’est plus qu’un cauchemar
Les morts sont si nombreux que l’eau ne coule plus
Des robinets des tours où les foules s’amassent
Cadavres pourrissants votre fête est finie
Ecoutez le vent qui lance ses clameurs
Le ciel s’empoisonne et l’espace se déchire.
H de M. 2007
***