Les blonds filasses
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(Nouvelle inédite de Henri de Meeûs)
Dès son arrivée au village, elle fut mal vue.
Elle avait la peau blanche et les cheveux jaunes, était habillée d'une robe chiffonnée, d'un manteau violet, et demandait partout s'il y avait un logement pour elle et pour ses trois enfants.
On la regardait de haut, on disait non Madame, il n'y a rien, demandez au curé.
Le prêtre lui indiqua un fermier qui la logea dans une grange avec ses trois petits, deux filles et un fils, tous blonds filasses et la peau blanche.
Comme il faisait froid, la nuit et le jour, les enfants vivaient enfouis dans la paille de la grange, tandis qu'elle cherchait au village quelque nourriture. Elle demandait donnez- moi quelque chose pour mes petits, ils ont faim, et froid.
Une villageoise lui offrit un paquet de biscuits, une autre, du pain, le curé, du sucre. Mais cela ne suffisait pas. Il lui fallait des fruits, des légumes, du lait.
A la ferme, le paysan lui versait du café chaud dans des gobelets en plastique qu'elle apportait à ses petits.
Les deux filles étaient jumelles, blondes et fades, et âgées d'une douzaine d'années. Le fils, tout aussi blond, devait avoir huit ans.
Ils parlaient peu quand la mère s'absentait à la recherche de nourriture, et restaient dans la paille.
Quand elle rentrait dans la grange avec ses nourritures reçues par-ci par-là, les enfants criaient Moeke, Moeke, agitant les bras. Elle distribuait les morceaux partagés, en les lançant au- dessus des têtes, et ceux-ci étaient saisis au vol.
Le fermier, au début patient, après huit jours s'énerva. Avez- vous trouvé un logement? Mes bêtes doivent occuper la grange.
Elle s'excusa, disant, il n'y a pas d'offres au village, pas d'appartements à louer.
- Je vous laisse huit jours encore, dit-il.
La femme ne trouvait pas. Elle pensa quitter les lieux, aller dans la commune voisine, à cinq kilomètres. Mais elle était trop fatiguée, et les enfants aussi.
Un jour, elle eut la surprise de voir un vieillard qui parlait avec ses enfants dans la grange. Il portait un petit chapeau, un anorak, et des pantalons de toile.
Elle lui dit : " Qui êtes-vous, mais qui êtes- vous? "
Le vieux s'éloigna, en haussant les épaules. Elle demanda aux enfants: "Que vous a- t-il raconté? Soyez prudents. Je ne veux pas que vous parliez à des étrangers."
Les trois enfants secouèrent la tête: "Nous n'avons rien compris à ce qu'il nous disait." Elle alla voir le fermier. "Qui est ce vieux qui parlait aux enfants? "
- Je n'ai vu personne répondit le fermier qui répéta: " Il serait temps que vous quittiez le village.’’
Elle s'éloigna, regagna la grange, s'allongea dans la paille et s'endormit.
Elle eut le temps de faire un rêve où elle voyait des serpents se glisser le long d'un chemin qui menait à une montagne, quand elle fut réveillée par son fils qui lui pinçait les joues. "Pourquoi tu me fais mal, Adony ? "
- Moeke, le vieux est revenu, lève-toi.
Effectivement, le vieux à l'anorak et au chapeau de toile était debout, près de la porte, éclairé par le soleil couchant. Il était silencieux, et se passait une main dans la barbe.
- Que voulez-vous, Monsieur ? dit-elle.
Il s'approcha d'eux. "Pourquoi restez-vous ici? Il fait froid. Venez chez moi. J'habite dans le bois, une maison de garde. Vous aurez une grande chambre chauffée et de la bonne nourriture préparée par ma femme."
Il souriait et tendait un bras pour l'aider à sortir de la paille.
Les enfants dirent " Moeke, on sera bien. Ici, nous avons faim, nous avons froid."
Ils sortirent de la grange sans dire au revoir au fermier et suivirent le vieux à l'anorak. Le chemin montait. Le bois approchait. De grands arbres noirs, sévères, montaient la garde. Elle n'osait parler. Ses jambes faisaient mal. Les petits couraient devant. Le vieux marmonnait continuellement, mais elle ne comprenait rien.
Le soleil se couchait quand ils entrèrent dans le bois. L'obscurité tomba si vite qu'elle distinguait à peine ses enfants qui les précédaient. Elle entendit le vieux dire "Ne crains rien, ma petite." Ils continuèrent à avancer sur le chemin, mais de temps en temps elle était griffée par des branches basses qui lui éraflaient le visage ou qui la décoiffaient. Elle entendit les enfants chanter loin devant elle, mais elle ne les voyait plus. D'une toute petite voix, elle dit : "Ne vous éloignez pas, où êtes-vous, que faites-vous? "
Elle sentit la main du vieux qui lui soutenait le bras. "Ne t'en fais pas, nous arrivons." Elle était fatiguée, son coeur battait si vite, qu'elle demanda de s'arrêter, et de se reposer quelques minutes. "Non, non, dit le vieux, il faut continuer. Encore cinquante mètres, derrière les sapins."
Il la soutenait énergiquement. "Il a beaucoup de force", se disait-elle. Elle avançait. La chaleur du bras du vieux la réconfortait.
Et soudain, droit devant elle, les derniers arbres disparus, un bâtiment très grand, très haut, comme un château, avec des dizaines de fenêtres éclairées, et des tours, à chaque angle du château, et des gens nombreux, en livrée, portant des torches, sonnant du cor, avec des chevaux et des cavaliers, des chiens joyeux qui aboyaient, des paons qui passaient majestueux à la queue leu leu, des jeunes garçons habillés de blanc, des belles jeunes filles en longues robes cousues de fils d'or. Le vieux la poussait. "Dépêche-toi, dépêche-toi, nous sommes attendus". Elle entendait des rires et des chansons. Ils pénétrèrent dans le hall d'entrée .Elle fut très surprise devant les marques de respect prodiguées au vieux par tout ce monde, ces garçons, ces filles, ces serviteurs, ces messieurs et ces dames si beaux et si bien habillés.
Ce n'étaient qu'inclinaisons, génuflexions, révérences. "Mais qui êtes- vous, qui êtes- vous, Monsieur? Et mes enfants, où sont-ils?".
Elle les aperçut ses chers petits, Adony et ses deux soeurs blonds filasses, assis sur des sièges en velours grenat.
- Moeke, vois nos beaux vêtements."
C'étaient de la soie, de l'or, et sur la robe des filles, elle vit cousus des diamants qui étincelaient.
- Ma chère, vous êtes arrivée, vous êtes chez vous, dit le vieux qui lui baisa la main et lui fit un sourire si magnifique qu'elle s'agenouilla devant lui. Alors, des servantes belles comme des anges s'approchèrent, et avec des rires de source, essayèrent sur elle des tissus splendides, rouges et or.
Le lendemain, le fermier chercha ses pensionnaires partis sans crier gare et les retrouva, couchés, morts, sous les premiers arbres de la forêt.
Il avertit le village. On les enterra dans une fosse à côté de la grange, dans la prairie des vaches. Le curé récita une prière, et tout fut vite oublié.
Henri de Meeûs
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Quand une femme occupe un espace, elle tend à l’occuper complètement. Ce sera celui de sa maison, de son mari, de ses enfants, de sa famille, de sa belle-famille, de sa profession, de ses relations avec ses amies ou ses ennemies. L’homme confronté à cette occupation, chaque jour plus envahissante, doit choisir entre la soumission, le silence, la résignation, la révolte, la fuite, le divorce, la maltraitance, etc… pour ne pas être phagocyté.
J’écoute chaque soir entre 23 h et 1h du matin, sur Europe 1, une émission pilotée par des psys femmes qui tentent courageusement, patiemment, d’apporter leurs conseils à des auditrices en difficultés. On constate les incroyables problèmes auxquelles des femmes de tous les âges, mais principalement entre 30 et 60 ans, se heurtent face à des conjoints, des amants, des frères, des pères qui les négligent, les ignorent, ou qui s’éloignent d’elles à tout jamais.
Les femmes mues par un incessant désir d’amour, d’affection, de partages verbaux, de sacrifices, épuisent les hommes qui, une fois les feux du désir éteints, ne trouvent plus d’attraits à leur compagne de chaque jour et de chaque nuit, ne les supportent plus, ne les reconnaissent plus déformées par les bavardages et les autoritarismes quotidiens (Qu’as-tu fait ? Où étais-tu ? Quand rentres-tu ?).
L’esprit féminin préoccupé d’abord par le petit quotidien matériel n’intéresse pas l’homme.
Ces pauvres femmes bourreaux d’elles-mêmes, et incapables de trouver le bonheur, ruminent sans cesse leurs insatisfactions et leurs rêves irréalisables de fusions amoureuses éternelles.
Etre l’auditeur de ces émissions nocturnes sur Europe 1 vous fait comprendre avec une évidence imparable la fusion impossible entre l’homme et la femme dans la durée.
Simone de Beauvoir, elle-même, signalait la réflexion du philosophe danois Soren Kierkegaard : Quel malheur que d’être femme ! Et pourtant le pire malheur quand on est femme est au fond de ne pas comprendre que c’en est un.
On comprend dès lors la persistance du mouvement féministe, toujours plus engagé, toujours plus sûr de lui-même : il est temps pour les femmes victimes de prendre une place au soleil, aussi importante que celle de l’homme, et d’être considérée enfin dans une totale égalité avec l’homme, sans lien nécessaire, obligatoire avec lui.
A l’avenir, nous verrons les deux sexes s’éloigner toujours davantage, rivalisant l’un avec l’autre, dans un combat sans merci. Des hommes féminisés de force ou volontairement soumis, perdant des places dans la hiérarchie politico-socio-culturelle, et des femmes toujours plus masculines, régnant tout azimut.
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La gloire du Second Empire
(1852-1870)
Voici un des plus beaux tableaux du XIX ème siècle
L’impératrice Eugénie, femme de Napoléon III, entourée de ses suivantes
Tableau peint par Winterhalter (1805-1873)
L'image emblématique du Second Empire est L'Impératrice Eugénie entourée de ses dames d'honneur peint en 1855. Ce grand tableau (295 × 420 cm) réunit autour de l'impératrice la princesse d'Essling et la duchesse de Bassano. À leurs pieds, la vicomtesse de Lezay-Marnésia, la baronne de Pierre, la marquise de Latour-Maubourg, la marquise de Las Marinas, la baronne de Malaret et la comtesse de Montebello. La dixième dame du palais, madame Féray-d'Isly, ne figure pas sur le tableau : elle avait démissionné en janvier 1855.
NAPOLEON III, Empereur des Français
(1808-1873)
Napoléon Eugène Louis Jean Joseph Bonaparte, prince impérial, dit Louis-Napoléon, né le 16 mars 1856 à Paris, est l’unique enfant de l’empereur Napoléon III et de l’impératrice Eugénie. Le Second Empire prit fin en 1871 et Napoléon III meurt en 1873. En 1879, à 23 ans, le prince en exil en Angleterre demanda avec insistance son incorporation aux troupes britanniques d'Afrique australe. Il fut tué lors d'un combat contre les guerriers zoulous en 1879.
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