Depuis trente ans, les radios de France et de Belgique diffusent de moins en moins de jolies chansons françaises, bien écrites, bien chantées, qui disparaissent petit à petit des programmes pour être remplacées par des musiques anglo-saxonnes de plus en plus laides et agressives, avec des chanteurs et des chanteuses d’autres pays, et des textes souvent incompréhensibles. Adieu poésie, adieu beauté. Pauvres jeunes qui n’ont pas connu la gloire de la chanson française, quel désastre !
Insomniaque du matin, réveillé souvent entre 4 et 5 heures, je subis les radios de France et de Belgique qui programment des conversations, des discussions, entre journalistes ou autres spécialistes maison ou extérieurs, au ton très sérieux ou faussement de bonne humeur, inintéressantes. Et toutes les 5 minutes des avis sur la Météo.
La fausse familiarité (le tutoiement) des journalistes et blablateurs, économistes ou politiques, techniciens, spécialistes les plus divers, nourrie de pensée unique, de bonne parole, au ton le plus faussement familier, avec les incitations aux consommations les plus diverses, aux meilleurs prix, l’obsession du fric, l’absence de toute référence morale, les rires compulsifs, fabriqués, et cette obligation de partager leurs avis sous peine d’être un mauvais, un has been, un asocial.
La colère montant, j’éteins le transistor placé entre deux draps, coupant ces dialogues sans intérêt, refusant les plages de plus en plus étendues d’une publicité immonde ciblant des milliers de produits à consommer d’urgence pour le bonheur, pour l’intelligence, pour la fête, le plaisir, la santé. J’essaie en vain de retrouver un sommeil perdu.
La pollution effrayante de la planète s’accompagne d’une dévastation de la pensée humaine, malade d’un bla-bla incontinent à toute heure du jour et de la nuit, des médias, journaux, tv, radios, internet. Tout n’est plus que paroles; celles-ci sont envahissantes et mortelles comme le cancer. Comment s’étonner que, dans la vie professionnelle, de plus en plus d’esclaves craquent: burn-out, dépressions, surmenages, suicides. Les autorités ne réagissent pas, abandonnant la langue française dans les détritus de la société. Qui écrit en respectant l’orthographe ? Qui a la force de lire ? Les jeunes de plus en plus incultes.
Partout des barbus. Une invasion de barbus de tous les âges et de toutes les conditions sociales. Dans le parc où je me promène une fois par jour, les hommes entre 20 et 70 ans portent la barbe, presque tous. Incroyable mode. Ou hébétude ? Paresse et refus du rasoir ? Imitation de l’Islam ? On ne sait que penser de cette maladive contagion de la barbe. Signe de ralliement. Ils sont de plus en plus jeunes. Je vois une peur qui les ronge, ces pauvres barbus, c’est le besoin de manifester par la pilosité leur effroi face au Féminin qui les domine de plus en plus, qui leur prend les places, qui envahit les ondes radios et tv, qui dirige, commente, dans la politique, l’économie, le culturel. Les femmes toujours plus puissantes, et les hommes gays toujours plus nombreux !
Et ces pauvres barbus sont de plus en plus mal habillés : jeans défraîchis et décolorés, uniforme des vaincus, manipulés, hébétés.
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LES PASSANTS (chanson)
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A petits pas pressés
Défilent les passants
Vers la mort vers la mort
Futurs trépassés
Les tout joyeux les bien portants
Les sans amours les mal gavés
Les solitaires les fiancés
Les trous du cul les agités
Vers la mort vers la mort
Les cadavres fonctionnaires
Et Madame qui prend des airs
Les amoureux de tous talents
Les Miss Belgique le poil aux dents
Les petits de Papa Maman
La bouchère et son meunier
Le bouledogue et la patronne
Tintin lulune et sa moitié
Qui marchent à cloche-pied
Vers la mort vers la mort
Les caniches à bannières
Criant fini la guerre
Et tous les vacanciers
Fous de Benidorm
Huilés porcins que vertu abandonne
Vers la mort vers la mort
Bonjour bonjour c’est ma tournée
D’un pas courant vers l’au-delà
C’est la mort c’est la mort
Qui les attend
Ils aiment rire en général
De tout de rien du général
Pas plus loin que l’bout du nez
La laideur de leurs péchés
La misère de leurs affaires
Les images de leur TV
Hauts bonnets curés gourous
Aristos ruinés vieux métallos
Ceux de Liège de Visé de Damme
Courant boutiques et la madame
Le malade en chaise roulante
Gêneur gêné très retardé
Que la famille voudrait bien
Faire accélérer
La coquette parfumée
De lys d’oeillets de roses
S’agrippant aux baisers
De mâles endimanchés
Les Saints ont bien vécu
On ne les voit plus.
Henri de Meeûs
4 mai 1994
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DEUX PIANOS STEINWAY POUR LE ROI DES RENARDS
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(Récit imaginaire d'Henri de Meeûs)
Pressé, le Roi des Renards chargea le Docteur Flip de lui trouver deux pianos Steinway. Il lui communiqua une adresse sur un bristol.
Flip lut :
Juliette Barbazon
Pianos
Allée de la Verdura 33
- Mon chauffeur vous conduira, dit le Roi.
En effet, le matin dès sept heures, la Bentley noire attendait devant les fenêtres du Docteur Flip qui eut le temps d’avaler quelques gorgées de thé avant de s’engouffrer dans la limousine conduite par un chauffeur chinois.
-Flip, avait dit le Roi, vous avez carte blanche, ne regardez pas à la dépense.
Au passage de la Bentley dont les portières s’ornaient des armoiries royales, tour d’argent en flammes, les piétons, rares à cette heure, se découvraient.
Flip et le chauffeur n’échangèrent pas un mot car une épaisse vitre les séparait. Sans doute, y avait-il un micro, mais Flip ne le vit pas. D’ailleurs, il n’avait rien à dire à l’asiatique.
Le n° 33 de l’Allée de la Verdura était une haute maison de briques rouges, avec un petit jardin en façade et une grille. Sur la grille, un panneau Pianos Barbazon.
Flip dit au chauffeur : « Rentrez, ne m’attendez pas, j’en ai pour une heure. Je téléphonerai au palais quand ma visite sera terminée. »
Il poussa la porte de la grille et sonna. Des aboiements retentirent. Il entendit un glissement de pantoufles qui approchaient. La porte s’ouvrit de la largeur d’une main. Un visage apparut à mi-hauteur.
-J’ai rendez-vous avec Madame Barbazon, dit Flip.
La porte béante laissa apparaître un vieillard derrière lequel s’allongeait un corridor où des dizaines de plantes vertes montaient la garde le long des murs. Deux caniches, l’un noir l’autre blanc, portant chacun un collier rose, bloquaient le passage.
- Pour Madame Barbazon, poussez la porte au fond du couloir, dit le vieux, montez l’escalier de droite, ensuite vous verrez une porte, vous frapperez trois coups sur cette porte et on vous ouvrira.
Les caniches n’aboyaient plus mais montraient les dents.
Flip s’engagea dans le long couloir où flottait une odeur de soupe. Si tôt le matin, se dit Flip, quelle idée de cuisiner, ce sont des gens simples sans doute.
Il voyait mal dans l’obscurité et finit par tendre les bras en avant comme un aveugle qui craint de heurter un obstacle. Se retournant, il vit derrière lui la lumière de l’entrée et le vieux qui faisait signe d’avancer. Les caniches avaient disparu.
Sous la poussée de sa main, une porte s’ouvrit sur un palier éclairé par la lumière rose d’un lustre en verre de Venise. Trois escaliers grimpaient vers les hauteurs, celui de droite en colimaçon, celui du centre raide et droit comme une échelle, et celui de gauche très années 1900 avec des volutes, des arabesques et des fleurs de bronze sur la rampe en fer forgé.
Flip suivit les instructions et s’engagea dans le colimaçon une main sur la rampe car il y avait beaucoup de marches et peu de lumière. Il fut content d’arriver en haut de l’escalier devant une porte de couleur jaune vif.
Trois coups avait dit le vieux. De nouveaux aboiements retentirent. La porte s’ouvrit sur un autre couloir. Une petite fille en rose des pieds à la tête le regardait.
-Vous venez pour Madame Barbazon ? dit-elle
-Oui, répondit Flip.
-Elle vous attend, mais écoutez d’abord une petite chanson de ma composition.
-Oui, dit Flip en soupirant.
Elle posa ses mains sur les hanches et chanta :
Je suis la joyeuse
Jamais pleureuse
Pas emmerdeuse
De Monsieur, de Madame
De Monsieur Madame Barba
Barba zon, zon, zon
Elle s’applaudit, fit une révérence, et pinçant le bas de sa jupette, courut dansante dans le couloir dont toutes les portes étaient fermées.
Devant la quatrième porte, celle du fond, elle s’arrêta et cria : « Qui va là ? Qui est là ? Tralala ! »
De son petit poing, elle frappa sur la porte qui s’ouvrit, et Flip pénétra dans ce qui lui sembla être une nef d’église, hall gigantesque, où étaient parqués des centaines de pianos, de toutes les tailles, de toutes les couleurs, des pianos droits, des demi- droits, à queue et sans queue, certains en forme de fer à cheval, d’autres soudés à trois l’un à l’autre, et aussi deux orgues immenses l’un blanc l’autre noir, qui s’élevaient dans les hauteurs comme ceux d’une cathédrale.
Il aperçut d’immenses tapisseries qui descendaient le long des murs, sans doute anciennes, car une odeur d’humidité, de moisi le prenait à la gorge. Il eut envie de s’agenouiller.
Mais l’enfant rose lui dit : « Avancez, avancez, vous êtes si lent, Madame Barbazon n’attend pas. »
Il aperçut une estrade et sur celle-ci un trône doré sur lequel était assise une grosse dame habillée de noir, massive, décolletée, avec au cou des rangs de perles, aux poignets des dorures à chaînettes, et à chaque doigt, une bague dont il n’eut pas le temps de détailler la valeur.
- Je vous présente Madame Barbazon, dit la petite.
Il s’inclina, vit les paupières mauves, les lèvres très rouges, les yeux noirs et brillants.
L’enfant sur un signe de sa maîtresse disparut.
Flip eut un malaise. L’odeur ou le manque de lumière, se dit-il.
Comme si elle avait deviné, elle dit : « Il faut peu de lumière pour les pianos Barbazon, il faut de l’humidité pour les cordes. Le son du piano, c’est tout, Monsieur Flip, c’est tout. »
Sa voix filait dans les hauteurs.
- Je suis ravie que vous cherchiez des pianos pour le Roi des Renards. Le Palais m’a avertie de votre arrivée. Depuis que Sa Majesté s’est installée dans notre région, tous les musiciens, tous les marchands, tous les pianistes, tous les accordeurs sont en alèèèèrte. Elle rit en lui tendant le bras pour qu’il lui baise la main. Il s’inclina.
- Oui, c’est pour le bal de Cour.
Il eut l’impression qu’elle le dévisageait outre mesure et qu’elle se moquait de lui.
- Le Roi est tant aimé, ah oui !
Elle se mit à chanter :
Il est tant aimééééééé
Par la populaaaaaaaaaaaace
Que ceux qui ne l’aiment pas
Restent de glaaaaaaaaaaace.
- J’ai été cantatrice, Monsieur Flip, j’ai adoré ce métier jusqu’au jour où mon mari a détruit ma voix sous prétexte de vocalises chaque jour plus performantes. Il m’a assassinée, je n’ai pas compris à temps, il a assassiné ma voix en la forçant. Ma voix et mon cœur se sont brisés.
Je suis brisée, briiséééééééééééééééééééééééeeeeeeeeeeeeeeeee.
Elle chantait de nouveau. Dans les aigus.
- Hum, dit Flip, je cherche deux Steinway.
- Des Steinway, mais j’en ai des dizaines. Venez les admirer. Deux sont ici, les autres dans les sous-sols, allons les admirer, mais ne touchez à rien.
Elle se leva du trône. « Donnez-moi votre bras, Docteur Flip, je suis votre guide. »
Il sentit contre son bras la poitrine de Juliette Barbazon.
- Courage, se dit-il, tandis qu’ils avançaient dans le hall immense où s’exposaient les pianos.
- Voici, dit-elle, des Pachamac du 19ème siècle construits au Pérou, d’admirables instruments introuvables, et ici, des Pétulant Jazzy pour les jeunes, c’est à la mode, mais ils ne sont pas votre genre. Voici ce que vous cherchez.
Les deux Steinway d’un noir éclatant brillaient dans l’ombre. Flip approcha.
- Ne touchez à rien.
- Je voudrais les entendre, et pouvoir en jouer, dit Flip.
- Non pas vous Monsieur Flip, par pour un Steinway de chez Barbazon. J’appelle notre interprète-musicien-démonstrateur. Chez Barbazon, on joue la méthode Barbazon, rien d’autre, celle qui exprime la beauté des sons.
Elle cria : « Jacky-Jimmy-Johnny. »
Une porte claqua et de l’ombre surgit un petit jeune homme à moustache blonde habillé d’un long cache-poussière gris.
- Je vous présente notre instrumentiste très compétent Monsieur Jacky-Jimmy-Johnny. Il jouera sur les Steinway et en tirera toute l’âme.
- Jouez Jacky-Jimmy-Johnny, dit Juliette Barbazon, c’est pour le Roi des Renards. Jouez, jouez, et vous Docteur écoutez.
L’instrumentiste souleva le couvercle du clavier, et après avoir agité les mains devant les yeux et secoué la tête dans tous les sens, il s’assit sur un tabouret rouge et attaqua à une vitesse folle un morceau de Paganini, -se dit Flip-, d’une virtuosité stupéfiante. Pas une fausse note. Admirable, pensa Flip.
- Cela suffit, dit Juliette Barbazon, à l’autre piano maintenant.
Le moustachu déplaça le tabouret. Paupières closes, il commença une valse d’une telle tristesse que des larmes jaillirent des yeux de Flip.
Certainement du Chopin, c’est bouleversant, pensa Flip. Il détourna la tête pour ne pas être vu, mais ses épaules étaient secouées par les pleurs.
« Cela vous plaît-il ? » Juliette Barbazon lui toucha la main. Le visage dans un mouchoir, il souffla : « Quel est le prix ? »
- Ils n’ont pas de prix, Docteur Flip. Chez Barbazon, on ne discute pas les prix car les pianos sont exceptionnels. Ex-cep-tion-nels, vous m’entendez, ils ont une âme et quelle âââme !
Elle lui tendit un mouchoir.
- Ces pianos coûtent une fortune. Il faut être un maharadjah ou un Rothschild ou le Roi des Renards pour se les offrir, dit-elle en plissant les yeux.
Elle poursuivit. « J’ignore la fortune du Roi. Rien n’est trop beau pour lui. Vous êtes son Conseiller, vous traquez les beaux objets, vous engagez les plus grands chanteurs pour le récital d’un soir ».
Flip l’interrompit. « Quel prix demandez-vous ? »
Mais je l’ignore, je l’ignôôre, tout est si cher, si chêêêr, mes pianos sont un trésôôôr. Permettez que je chante le petit air que mon mari adorait :
C’est pas la peine, c’est pas la peine
D’être si belle s’il faut un jour
Mourir, mourir d’amour
Et disparaître dans le trou
Mais quel trou, quel grand trou
Ah c’est à mourir de rire
C’est si comique et si tragique
C’est un abîîme où je m’abîîme.
- Cela suffit, dit Flip. Le prix, dîtes votre prix.
Elle tendit son visage à Flip qui recula. Elle saisit sa main. « Venez, descendons à la cave, il y a d’autres Steinway et une surprise ! ».
Le musicien au cache-poussière s’éclipsa après une courte inclinaison du buste devant Flip qui aurait voulu le serrer contre lui tant sa musique l’avait ému, mais les regards de la Barbazon le paralysaient.
Il s’appuya contre un Steinway, la tête lui tournait, le manque d’air, l’odeur de moisi, et cette musique ineffable, paradisiaque. Juliette Barbazon le dévisageait avec un sourire moqueur. Malaise, vertiges.
Il pensait, je devrais téléphoner au Palais afin qu’on vienne me chercher. Mais Juliette Barbazon l’entraînait vers un escalier aux larges marches qui s’enfonçaient dans l’obscurité.
- Ne craignez rien, tenez-vous à moi, vous allez admirer les caves de chez Barbazon et mes trésôôôrs.
Flip compta trente-cinq marches dans l’obscurité, sa main frôlait des pierres de taille, semblables à celles d’un château-fort, certaines humides, suintantes, car ses doigts touchaient des rocailles trempées et moussues, l’autre main s’accrochait à l’épaule nue de Juliette Barbazon. Celle-ci descendait l’escalier immense, marche par marche, rapide, légère, malgré sa corpulence. Il lui disait : « N’allez pas si vite, je ne vois rien. »
Elle riait.
- Faites-moi confiance, nous arrivons.
Il aperçut une lueur qui vacillait dans les profondeurs noires et entendit au loin une musique.
Arrivé à la dernière marche, il se vit dans une cave immense, voûtée, soutenue par des colonnes basses qu’éclairaient des chandeliers d’argent posés de-ci de-là sur des centaines de pianos à perte de vue. Ses yeux s’adaptant à l’obscurité, il réalisa que la cave était tapissée de miroirs. Cette vaste salle était-elle une illusion ? Trois cents pianos ou une dizaine ? Incapable de le préciser.
La musique retentissait plus clairement. Une musique joyeuse, emportée, vive et jeune. Un orchestre qu’il n’avait pas vu jouait l’hymne royal, celui du Roi des Renards, réservé aux grandes occasions lors des cérémonies de Cour, et toujours en présence de Sa Majesté. Le cher hymne Chrysalide, léger, virevoltant comme un oiseau de printemps, s’élevait entre les colonnes et sous les voûtes, et le faisait frissonner d’émotion.
Devant l’orchestre, Flip aperçut deux jeunes musiciens assis devant deux Steinway, se faisant face, qui jouaient, jouaient, jouaient…
Juliette Barbazon se dirigea sans hésiter vers eux et cria pour couvrir les sons éclatants : « Nous sommes là. Qui va là ? Tralala. »
La musique cessa. Tous les instrumentistes se levèrent. Flip admira les uniformes bleus de soie à liseré d’or sur les pantalons et les poignets. Sur la tête, ils portaient tous un petit chapeau jaune à plumes blanches.
Une ombre bougea derrière une colonne et s’approcha d’eux. La Barbazon plongea dans une révérence parfaite. Flip reconnut le Roi des Renards.
- Eh oui, mon cher Flip, ne vous étonnez pas de ma présence. C’est une joie de vous voir avec mon amie Juliette. Je n’ai pu attendre plus longtemps mes Steinway. Mon choix est fait. Je vous ai devancé, pardonnez-moi, je grillais d’impatience. La chère Juliette Barbazon m’a permis d’essayer ses étonnants Steinway. Je les achète, je les paie, ils sont payés, je suis là, je m’en vais, je les emporte, ravi, radieux.
Alors apparut la petite fille en rose. Elle les avait suivis. Le Roi des Renards, qui ne tenait pas en place, la prit dans ses bras, appliquant sur chacune de ses joues un baiser sonore. La petite, toute souriante, une fois posée à terre, chanta :
Merveilleuse chose
Que de vivre en rose
Chez les Barbazon
Les Barba, les Barba
Les Bar-ba-zon-zon
Chez Monsieur, chez Madame
Barbazon.
Henri de Meeûs