Fuite de l’amour
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Mon amour s’est enfui
L’as-tu vu ?
Mon amour est parti
Sans un mot, vite, vite
A fermé la porte
Je ne le vois plus
Où es-tu ?
Je le poursuis dans les champs
Sur les chemins fleuris
Au chant des alouettes
Le long des jardins
Et des peupliers bénis.
L’ai-je perdu ?
Sur les traces je le course
J’ai le cœur dans la gorge
Je n’ai plus de souffle
Coquelicots, bleuets, je les piétine
Mon amour, trop de soleil
Où es-tu ? Le ciel en sang
Que fais-tu ? Tout est fichu.
Mes pensées sont mortes
Tu ne reviens plus
Je tends les bras vers l’Ange
Vite, vite, au caveau
Que je descende les marches
Qu’on ne remonte plus.
Février 2019. H de Meeûs.
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Mon Ange tu me quittes
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Un soir tu m’as dit Je te quitte
Tes ailes dépliées, les plumes fatiguées,
Tu as ouvert la fenêtre
Et dans le ciel nocturne
Tu as pris ton envol
Te revoir, te revoir,
Est-ce difficile
Bel ange, tu laisses
Ton carquois, tes flèches
Et dans la chambre
Les draps sont froissés
Fermées les portes de la maison
Les volets sont tirés, tout s’est desséché
Si tu m’abandonnes
Toi mon flocon de neige
Je quitterai les villes et les campagnes
Irai dans les forêts du Nord
Où le vent siffle le jour la nuit
Peu de lumière, feuilles sombres,
Cris des bêtes quand le soleil se couche
Horreur des rivières sur les roches de pierres
Je gravirai les dernières marches
Surplombant les espaces
Criant ton nom qui n’aura pas d’écho
La mort lancera le linceul
Préparé de longue date, suaire majuscule
Février 2019, H de M
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Baisers discrets
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Je t’envoie des baisers discrets
De ma fenêtre ouverte
Sur le parc endormi.
Puissent les oiseaux du crépuscule
Les porter à ton logis.
Ils ont un goût de roses
Et de massepain cuit
Tu les reconnaîtras
Chauds, légers, sur ta bouche,
Rouges comme des coquelicots
Un plus petit sur tes paupières
Un autre encore où tu voudras
Et le dernier très chaste
Sur la veine de ton cou
Qui bat, qui bat.
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Fin de vie
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Tant de jours se libèrent, tant de nuits solitaires
L’espace se vide, les étoiles ont fui
Paupières cousues et la bouche muette
J’avance à tâtons sur le chemin des ruines
Des ombres se détachent pour me tendre la main
Je refuse les signes, je perds ma fierté d’homme
Mon partage est douleur, je veux sentir les roses
Qui chez ma mère décorent ses jardins
Quel souffle encore faut-il pour bien mourir
Je tire au sort les pensées d’amertume
Qui me tiennent serré dans mon cerveau malade
Pour quel ange sourire
Pour quel démon se perdre
Qui me dira si les nuages passent
Dessous le bleu du ciel
Ô mon père, ô ma mère
Vous avez disparu me laissant seul dans les gravats du temps
Je n’ai plus que mon chien pour les câlins du soir
Mon cœur est une glace et je prends la tangente
Sur le chemin des astres le silence est la règle
On se perd on se damne, nul abri ne vous couvre
Nul baiser sur ma bouche
Nul geste d’une douceur bénigne
Pour m’aider à descendre
Les marches de plomb, les dernières du jeu
Le gouffre s’ouvre méchant, les cris sont pour demain,
La chanson des morts s’écoute dans le noir.
Henri de Meeûs
février 2007
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Ci-dessous ces lignes d’Albert Caraco, grand écrivain méconnu, né à Constantinople (aujourd'hui Istanbul) le 8 juillet 1919 et mort à Paris le 7 septembre 1971, est un penseur, philosophe, poète et écrivain franco-uruguayen, d'expression française et d'origine turque. Caraco a publié (aux Editions L’Age d’Homme) une œuvre volumineuse et radicale, souvent jugée comme nihiliste et pessimiste, comparée parfois à celle d’Emil Cioran.
Extraits de Ma Confession : Sur Buenos Ayres :
« Je me demande quel est le pays que je hais davantage ? Peut-être l’Argentine a-t-elle cet honneur, là vraiment tout se réunit pour rendre le séjour abominable. Imaginez la capitale située à la hauteur d’un fleuve empli de boue et d’immondices, sous le ciel le plus lourd qui soit, où durant plusieurs mois nul vent ne souffle, où l’humidité fait pourrir les morts le lendemain de leur décès, tant et si bien qu’on les enterre presque tièdes, où les ordures, que l’on brûle là-bas en tas dans les fours, et jusqu’en nombre de maisons, empestent l’air de cent côtés et forment des nuages, au travers desquels le soleil perce. Imaginez un sol où la vermine grouille et dont les blattes montent, inlassables, envahissant étage par étage, les maisons qu’on achève de bâtir et figurez-vous des rues trop souvent étroites et jamais bordées d’arbres, presque toujours les mêmes et n’ayant ni commencement ni fin, où l’œil s’épuise à chercher des repères et ne découvre l’ombre d’un seul monument.
Représentez-vous, dans le centre, un chaos d’édifices situés les uns contre les autres, dominant de leur masse quelques églises de village, dont la plus laide cathédrale, qui soit en l’univers, et remplissez les lieux de plusieurs millions d’Européens déracinés et de Créoles tristes. Ajoutez à l’Enfer une banlieue à sa mesure et, si possible, plus démesurée, laide à l’égal de celle de Paris et, cependant plus chaotique et plus sinistre, où l’envie de mourir suit à la trace le premier venu, parcourez là des lieux d’appartements, puis de maisons sans meubles ni bibliothèques, et voyez expirer les rues d’épuisement au milieu d’une plaine, abîme plat s’il en est au milieu de ce monde. (…)
« Il est dommage que mes souvenirs soient aussi déplaisants et quand, au moment de périr, je reverrai mon existence, je serai trop heureux qu’elle finisse. Je passai ma vie à mentir, d’où le besoin de vérité, qui se fait jour en mes écrits et qui leur valut le silence de la presse, je fus humilié par un cent d’avortons et j’approuvai je ne sais plus combien de fois les propos imbéciles de cent autres. Petit bourgeois, je ne hantai que mes pareils, car il n’est pas facile de sortir du cercle où notre condition nous enferme, à Paris comme à Buenos Ayres nous fréquentions des familles ridicules à plaisir, je n’eus pour camarades que des subalternes, les filles, qu’on me présenta, n’étaient ni belles ni charmantes. J’eus l’impression d’étouffer et ma mélancolie précéda mon adolescence, il aurait fallu me pousser, mais je n’avais pas ce talent, il est le propre de l’aventurier, que l’on dédaigne, en attendant qu’on le subisse et qu’on subit, en attendant qu’on le juge estimable. Or je suis puritain et je ne consens de ramper, je souffre déjà trop de ne pas contredire ceux que je ne puis écraser et d’user de ménagements à l’égard d’ignorants doublés de sots. La France ne m’a jamais ouvert ses portes et je ne le lui pardonnerai guère, je n’y trouvai personne et je la hais en conséquence… »
(Extrait de Ma Confession, par Albert Caraco, p. 78 et 79, Editions L’Age d’Homme 1975.)
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Les chaînes d’informations continues françaises déchaînées par la crise des Gilets jaunes, royale aubaine financière, consacrent, entre les moments d’analyses et les commentaires sur l’actualité, des « pauses » de plus en plus longues aux publicités de luxe, maintenant répétées deux fois chacune à chaque passage, comme si le public était à ce point crétin qu’il était nécessaire de l’hypnotiser par les redoublements d’un même film publicitaire. Que certains grands journalistes intelligents, certains éditorialistes sérieux, certains politiques, se sentent obligés de passer sur ces chaînes, cela montre à quel bas niveau sont tombés les medias. Ils ne méritent rien que le mépris et un zapping clair et net. Le libéralisme débridé fut condamné par les Papes du XIXème siècle qui avaient annoncé ce temps d’esclavage de l’esprit humain. On y est ! Tout est entrepris pour la démolition des esprits. L’essentiel est de consommer et de dépenser. Tant pis pour les pauvres ! Tant pis pour les consciences endormies et les rapaces repus !
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« L’optimisme est une fausse espérance à l’usage des lâches et des imbéciles. L’espérance est une vertu, virtus, une détermination héroïque de l’âme. La plus haute forme de l’espérance, c’est le désespoir surmonté. » (Georges Bernanos)
Georges Bernanos est un écrivain français, né le 20 février 1888
dans le 9ᵉ arrondissement de Paris et mort le 5 juillet 1948 à
Neuilly-sur-Seine. Georges Bernanos passe sa jeunesse à Fressin,
en Artois, et cette région du Nord constituera le décor de la plupart
de ses romans. https://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Bernanos
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