Une femme âgée, dominante, au fur et à mesure qu’elle perd ses forces, devient de plus en plus agressive à l’égard des personnes qu’elle ne supporte pas. T mordait ses infirmières. Et l’homme âgé ? Il préfère les longues siestes.
On change à toute heure, mais moi, j’ai toujours 17 ans.
K en parfaite santé, à 70 ans, est frappé tout à coup par des incidents de santé qui viennent en rafales, le clouent au lit durant plusieurs mois. Il guérit doucement, marche avec une canne, se méfie de brusques tournis qui l’enverraient au sol.
« Tout de même les gens ne vont au musée que parce qu'on leur a dit qu'un homme cultivé doit y aller, pas par intérêt, les gens ne s'intéressent pas à l'art, quatre-vingt-dix-neuf pour cent de l'humanité, en tout cas, ne s'intéresse pas le moins du monde à l'art […] (Thomas Bernhard, Maîtres anciens (1985), (trad. Gilberte Lambrichs), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1988, p. 14.)
« Dès mon enfance je l'ai évitée, la masse, j'ai détesté la foule, le rassemblement de gens, cette concentration de grossièreté et d'étourderie et de mensonge. Autant nous devrions aimer chacun en particulier, me dis-je, autant nous détestons la masse. » (Thomas Bernhard, Maîtres anciens (1985), (trad. Gilberte Lambrichs), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1988, p. 110.)
Le secret pour garder des amis durant cinquante années, c’est de ne pas les rencontrer trop souvent ; pas plus d’un déjeuner par mois.
Les femmes mariées respirent mieux sans leur mari.
Certaines femmes qui, durant le vivant de leur époux, le traitait comme un nul, même devant les enfants, une fois son décès, pleurent et se lamentent sur le cher disparu, n’oubliant pas de fleurir au salon la photo encadrée du défunt.
X dépose sa femme dans une clinique psychiatrique. Il y rencontre une assistante infirmière, ne visite plus l’épouse abrutie par les médicaments, divorce et cohabite avec l’assistante. Ce qui n’améliore pas l’état de la délaissée.
« Le véritable calvaire du procès, c’est votre avocat. De la maladie, c’est votre médecin. De l’agonie, c’est votre prêtre. » (Montherlant, Carnets XXVIII (années 1930 à 1944), Essais, Pléiade NRF, page 1149.
Attendre la mort, c’est comme attendre un train sur le quai d’une gare. Mais les trains passent sans arrêter. Pourquoi rester sur le quai ?
Il a trente ans et préfère chasser le chevreuil plutôt que d’aller se recueillir le 1er novembre après une messe sur les tombes de ses défunts. Qui pense aux morts dans une famille ? Les vieux peut-être car c’est bientôt leur tour. Mais les jeunes ? Ils sont immortels et s’en fichent.
Voici le récit d’Alice Poirier (1900-1995), invitée à venir parler à Henry de Montherlant, chez lui, Quai Voltaire à Paris, vers 1928. (Extrait du Récit de Grete, par Alice Poirier). Elle fut amoureuse de Montherlant de 1927 à 1961, et chercha durant 34 ans à l’épouser… sans succès car il lui répondait préférer le cancer ou la tuberculose.
“Il l’avait donc invitée chez lui, pour lui montrer sa collection de médailles anciennes. Tous deux étaient assis bien sagement, l’un en face de l’autre. Brusquement, elle ne se rendit pas très bien compte de ce qui se passait, une rougeur sur le visage de Cabrol (Montherlant), une expression insolite des yeux : elle fut prise de panique. Fuir, fuir, au premier mouvement qu’il ferait vers elle, fuir fut-ce au péril de sa vie. Et tout en feignant d’écouter ce qu’il lui disait, comme un oiseau captif, elle jetait les yeux à droite, à gauche, repérant les issues. La porte ? Fermée. Mais la fenêtre ? La fenêtre était entr’ouverte. Alors se jeter par la fenêtre ! Tant pis si elle se cassait une jambe. Tout valait mieux…Ce qui arriva ? Elle était terrorisée à l’idée qu’il pourrait se pencher sur elle ; mais ce fut sur lui-même que Cabrol (Montherlant) se pencha, et qu’il rattacha (ou fit semblant de rattacher), le lacet de son soulier. Son soulier ! Elle se doutait bien, à l’océan d’émotion qui venait de la submerger, qu’il ne devait guère s’agir de soulier dans cette histoire. (…) La panique de Grete (Alice) fit place au soulagement. Maintenant, il pouvait de nouveau s’approcher, se pencher sur elle, faire tout ce qu’il voudrait avec elle. Elle retrouvait son sentiment pour lui, doux, confiant, absolu. Elle ignore la chair, elle "veut" l’ignorer. Mais elle aime Cabrol (Montherlant) (…) L’amour, c’est ce qui reste fixé à son objet jusqu’à la torture et jusqu’à la mort. Il faut donc que Cabrol (Montherlant) épouse. Ou alors, il faut que Grete (Alice) soit malheureuse.” (Extrait du Récit de Grete, par Alice Poirier, Grasset, 1955).
Alice Poirier (1900-1995)
Ceci, extrait d’une lettre de Franz Kafka (1) (1883-1924) :
« Chérie, j’aurais sans doute dû persévérer toute la nuit dans mon travail. Ce serait mon devoir, car j’arrive à la fin de ma petite histoire (ndlr: littéraire), et l’unité et l’ardeur dues à des heures de travail continues seraient pour cette fin un incroyable bienfait. Qui sait, en outre, si je serai encore capable d’écrire demain, après cette lecture publique, que je maudis à présent. Quand même, je m’arrête, je n’ose pas continuer. A cause de ce travail, qu’en fait je ne poursuis pas depuis tellement de temps avec cette régularité constante, je suis devenu la terreur de mon chef, alors que j’étais, sinon un employé exemplaire, du moins quelqu’un de parfaitement utilisable dans bien des affaires (j’ai provisoirement le titre de rédacteur). Sans doute ma table de travail au bureau n’a jamais été bien rangée, mais maintenant elle est recouverte d’un fouillis de paperasses et de dossiers ; je ne connais à peu près que ce qui se trouve sur le dessus, tandis qu’en dessous je me contente de soupçonner des choses terribles. Parfois, je crois presque entendre la meule qui me broie littéralement entre la littérature et le bureau » (…) (Extrait d’une lettre à Felice (2), 3 décembre 1922, Œuvres complètes tome IV de Kafka, Pléiade NRF, page 121).
Note : (1) Kafka était juriste dans une Cie d’Assurances. (Institution d'assurance pour les accidents des travailleurs du royaume de Bohême), où il travaille jusqu'à sa retraite prématurée en 1922. Bien qu'il qualifie péjorativement son travail de « gagne-pain », ses prestations sont évaluées très positivement par son employeur, ainsi qu'en témoignent ses promotions dans sa carrière. Il a pour tâche la limitation des risques de sécurité encourus par les ouvriers qui doivent travailler sur des machines souvent dangereuses à l'époque ; c'est dans ce but qu'il se rend dans des usines et qu'il écrit des manuels d'information. Il est, de plus, responsable de la classification des usines dans des groupes de risques. Le fait qu'il ait à contester des demandes d'indemnisation lui donne parfois mauvaise conscience, mais l'entreprise lui laisse souvent la possibilité d'être conciliant avec les victimes, parfois blessées et handicapées à vie.
(2) Felice Bauer, née le 18 novembre 1887 à Prudnik et morte le 15 octobre 1960 à Rye, est une correspondante de Franz Kafka, avec laquelle l'écrivain se fiança deux fois. Il la rencontre le 13 août 1912 et commence à lui écrire le 20 septembre suivant. Il se fiance avec elle en 1914 mais l'engagement est rompu seulement quelques semaines plus tard. Mi-1917, les deux se fiancent à nouveau avant une nouvelle rupture par Kafka en décembre. Jusqu'à cette période, pendant cinq ans, ils échangent abondamment. Elle conserve plus de 500 lettres de lui qui sont publiées en 1967 sous le titre Lettres à Felice.
Felice Bauer (1887-1960).
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