Le virus suite au déconfinement trop rapide, est revenu, plus vite que prévu. On avait annoncé après la gripette de mars, des vaguelettes pour juillet. Il semble que c’est la seconde vague qui arrive, avec de nombreux contaminés en Flandre et à Anvers, et sans doute à Bruxelles. Ce sont les jeunes entre 20 et 40 ans qui sont touchés cette fois. Trop de liberté d’un coup nous replonge dans la situation du confinement de début mars : à nouveau les masques plus nombreux dans les rues, exigés dans les quartiers commerciaux ; dans les magasins, les commerçants sont obligés de le porter du matin au soir sous peine d’amendes, ou de la fermeture de leur négoce par la police.
Jours terribles où les indépendants calculent leurs derniers sous, et la manière de garder leurs clients devenus rares.
Dans certaines communes, de plus en plus nombreuses, le masque doit être porté dès la sortie du domicile, dehors, dans l’espace public. Dans les cafés, les restaurants, si certaines terrasses ont du monde, à l’intérieur, souvent, les tables sont séparées par de hautes cloisons transparentes en plexiglas. Il y a moins de monde à l’intérieur sauf le vendredi et samedi soir et dans ce cas, les distances entre les personnes ne sont plus guère respectées.
Vous devez entrer masqué dans le restaurant. Une fois assis, vous ôtez votre masque pour ouvrir la bouche et mastiquer le repas délicieux que le serveur masqué vous apporte. Il y a moins de serveurs. On espère qu’ils ne perdront pas leur emploi. Il faut remettre le masque pour gagner les lavatory au sous-sol.
Il y a quelque chose d’incohérent dans toutes ces mesures de prudence vu que le virus flotte dans l’air comme on commence enfin à le dire.
Je remarque l’étonnant silence des autorités ecclésiastiques qui semblent ne pas assister leurs ouailles. Peu d’empathie apparente. Pas de lettres pastorales, pas de déclarations d’évêques ou du cardinal pour remonter le moral et conseiller les secours spirituels face à la calamité. Le confinement a transformé les églises en désert. Et le déconfinement exige le respect des « gestes barrières » dans les lieux du culte. Chacun garde ses distances.
Beaucoup s’en vont en voyage, se mêlent à des groupes dans les aéroports et sur les plages, se fondent dans la masse des touristes, et ne craignent pas les contaminations ou sont inconscients. Beaucoup, victimes d’annulations de leurs réservations avion, bateau, ne sont pas contents et cherchent par tous moyens de récupérer les provisions versées aux agences de voyage ou aux sociétés d’aviation et de train, ou car. Leur cher argent !
L’erreur magistrale est d’avoir permis un déconfinement trop rapide en ne fermant pas les frontières ; on transporte le virus tout azimut. Certaines communautés allochtones trop resserrées sont contaminées, peut-être victimes d’une communication qui ne les atteint pas. Ces personnes récemment arrivées en Belgique ont de fort liens familiaux avec leurs nationaux. C’est à leur tour cette fois d’être atteints par le virus.
A l’occasion de réjouissances familiales ou religieuses ? Les experts semblent le dire.
Le sourire a disparu derrière ces masques si laids. On se parle vite sans s’entendre. On est stressé dans la file d’attente du magasin, on ne serre plus les mains, on craint les postillons, et les gouttelettes de sueur répandues par les joggers qui vous frôlent, sans compter les nombreux cyclistes casqués, masqués (époux, enfants), à la queue-leu-leu, ou qui roulent de front dans la rue.
Je ne suis plus entré dans une librairie depuis six mois. La lecture n’est pas une vraie détente. Je préfère voir des films où l’imagination, transportée dans un autre monde, une autre ville, un autre peuple, un autre pays, détend votre esprit avec plus de succès que la lecture d’un livre.
S’il n’y a que 0,40 % de contaminés depuis 6 mois dans la population de ma commune, pourquoi nous terrorise-t-on en annonçant les pires présages chaque jour ? Il y a une tension entre les politiques et les spécialistes des virus, qui ne parviennent pas à ajuster leurs discours sur la même longueur d’onde.
Les virus sont comme les nazis. Il est difficile de leur échapper. Ils sont partout. On vit une guerre silencieuse.
Avec la remontée du virus et du chiffre des hospitalisés, le partage d’un déjeuner au restaurant avec une personne aimée est de moins en moins une fête. L’être aimé s’il n’est pas contaminé, ne vous accompagnera pas aux soins intensifs pour les derniers adieux. On le lui interdira.
Les pauvres dans les pandémies sont des héros. Ils accomplissent des actes que les riches refusent : par exemple, prendre le bus ou le métro.
Dans la boulangerie, j’entre masqué. La vendeuse, vu la chaleur de plus de 30 ° à l’extérieur, et qu’il n’y a pas d’autre client, s’est débarrassée de son masque et me sert.
Je me permets de lui rappeler les règles en vigueur : Tout le monde masqué dans les magasins y compris la patronne. Elle remet vite son masque. J’ai l’impression d’être le salaud de service.
P.S m’envoie son remarquable Journal de la Peste, récit des 5 premiers mois de la Calamité. Je suis d’accord sur presque tout ce qu’il écrit. Nous avons le même âge. La musique et la littérature ont nourri nos vies. Montherlant reste pour lui comme pour moi un grand maître. Comme moi, il ne l’a pas renié. Il aime Thomas Bernhard et moi aussi. Il est bien agréable de lire son livre dans ces temps affreux. Cet homme est bon.
Finies les invitations et les fêtes, les concerts dans les salles remplies, les théâtres du soir, les mariages où cinq cents personnes se pressent. Même les funérailles sont célébrées courtement dans la plus stricte intimité, « vu les circonstances ».
Les êtres humains, si cette épidémie continue encore des mois, comme l’annonce l’Organisation Mondiale de la Santé, finiront par ne plus se parler et peut-être se détester.
Attendre l’arrivée du vaccin pour commencer de nouvelles danses ?
L’Enfer, un confinement éternel ?
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Vu que ce virus n’a pas quitté le champ de bataille, et que les morts augmentent chaque jour, pourquoi ne pas poser la question : Dieu punirait-il nos dérapages et autres turpitudes, et notre adoration de l’argent ?
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Quelques conseils lus sur le Net pour éviter de devenir cinglé :
Pensez à vous
Les problèmes de santé mentale sont fréquents. Voici quelques conseils pour lutter contre le stress et vous sentir mieux
Prenez du recul. Respirez. Méditez
Échangez avec vos proches
Gardez un mode de vie sain
À faire :
· Levez-vous et couchez-vous à des heures régulières tous les jours.
· Prenez soin de votre hygiène personnelle.
· Mangez sainement et à heure fixe.
· Faites de l’exercice régulièrement. Trois à quatre minutes d’activité physique légère, comme de la marche ou des étirements, peuvent être bénéfiques.
· Prévoyez du temps pour travailler et du temps pour vous reposer.
· Consacrez du temps aux choses que vous aimez faire.
· Éloignez-vous régulièrement des écrans.
À éviter :
· Ne consommez pas d’alcool ou de drogue pour lutter contre la peur, l’anxiété, l’ennui ou l’isolement.
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Nulle part, on ne cite un médicament qui est conseillé pour affronter la maladie. Mystère. On ne parle plus de la chloroquine du professer Raoult. Pourquoi ?
Grâce à quels miracles guérissent ceux qui sortent des hôpitaux ?
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PROTESTATION
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(Avertissement : PROTESTATION est un récit imaginaire d’Henri de Meeûs, publié dans les Carnets de ce site littéraire, soit : 1ère partie : Carnets janvier 2020 ; 2ème partie : Carnets février 2020 ; 3ème partie : Carnets mars 2020 ; 4ème partie : juin 2020).
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Je me détendais dans l’eau bleuâtre du grand bassin, ma sueur épicée bue par les vaguelettes. Je flottais sur le dos, bras et jambes écartés dans cette tiédeur exquise qui venait et revenait sur ma peau, des ongles des pieds à mes cheveux courts.
Il y eut un coup frappé à la porte. C’était l’Ambassadrice : « Daniel, on vous attend au salon pour manger la petite glace. Allez-vous bien ? ».
Je répondis : « Oui, oui, mais je suis fatigué, je vais me coucher, je dois me reposer ». Elle ne répondit pas et j’entendis les claquements des hauts talons s’éloigner sur le dallage qui menait au grand escalier.
Yagi n’avait pas accompagné sa mère. Si j’avais eu un malaise seul à l’étage ? Qui m’aurait secouru ?
Je sortis du bain, me séchai, gagnai ma chambre pour me mettre au lit après avoir réglé le réveil criard sur 7 heures, et m’endormis d’un coup.
Je fus réveillé par le soleil. J’avais oublié de fermer les tentures.
Courte toilette. Revêtu d’un long pantalon en toile beige, d’un polo rouge et de sandales, je descendis au rez-de-chaussée, entrai dans la salle-à-manger pour le petit déjeuner.
L’Ambassadeur était là, assis, habillé d’un costume bleu sombre, d’une chemise blanche et d’une cravate de soie noire. Il dégustait des corn-flakes dans une assiette à soupe remplie de lait chaud. J’aimais son air distingué et sa gentillesse.
Une jeune domestique en sari de couleur verte assurait le service ; elle avait disposé sur la nappe de couleur rose, à fleurs ressemblant à des pavots, deux petits paniers pour les brioches et les croissants. Une grande théière entourée de tasses en porcelaine était déposée sur un plateau en argent.
En s’inclinant, la domestique versa le darjeeling brûlant dans nos deux tasses puis nous présenta des confitures colorées pour les toasts de l’Ambassadeur et les deux croissants que j’avais choisis.
« Etes-vous en meilleure forme que hier soir ? », dit l’Ambassadeur. « Vous n’êtes pas un habitué de plats trop épicés, vous l’avez mal supporté, excusez-nous. Nous veillerons à vous nourrir plus à l’occidentale à l’avenir. »
Il rit en essuyant sa moustache où s’égouttait un peu de lait.
« Je vous conseille cette délicieuse confiture d’orange pour un toast. En voulez-vous ? » La domestique s’empressa de me l’apporter sur une petite assiette. L’Ambassadeur me regardait. J’aurais voulu lui dire :
« Je n’ai jamais connu mon père mort à Hambourg détruite par les bombes, la nuit du 27 au 28 juillet 1943 quand ma mère enceinte de moi, se sauva dans une fuite digne de son titre de championne olympique du 1.500 mètres. Mon père n’était pas sorti de l’immeuble. Dormait-il encore ?
Ma mère me raconta tout. Le quatrième raid de l’aviation anglaise fut de loin le plus meurtrier. Planifié afin de maximiser les victimes et les dégâts matériels, il a d'abord touché le centre-ville afin d'y attirer les pompiers, puis les quartiers périphériques (où résidaient mes père et mère), au moyen de bombes incendiaires. La chaleur extrême dégagée par les incendies créa un phénomène appelé Feuersturm (tempête de feu). Un souffle puissant mélangeant air et gaz inflammables propagea l'incendie sur 21 km2 de la ville.
On estime que la tornade de feu avait atteint une vitesse de 240 km/h et une température de 800 degrés, consommant par endroits l'essentiel de l'oxygène de l'air. Des dizaines de milliers d'habitants furent tués, brûlés ou asphyxiés, y compris dans les abris anti-aériens.
On m’a posé souvent la question si la mort de mon père m‘avait fait souffrir. En réalité, ne l’ayant jamais connu, sauf par une petite photo où on le voit à trente ans, assis torse nu sur des ballots de paille tout en haut d’une grande charrette devant la ferme familiale, je n’étais pas en manque de paternel. Ma mère me suffisait. Elle m’aimait sans m’étouffer.
Mon père avait une mère allemande, (grand-mère Lola comme on la désignait), propriétaire d’une ferme dans les environs d’Hambourg, entourée de vergers dans l’Altes Land, la grande région de culture d’arbres fruitiers avec ses vieilles fermes bâties par des Vikings au Moyen-Age. Mes grands-parents riches cultivateurs habitaient et exploitaient une de ces fermes. Mon père n’était pas intéressé par les travaux agricoles et avait étudié la comptabilité qu’il pratiquait avant la guerre à Hambourg dans un bureau privé au rez-de-chaussée d’une haute maison, dans laquelle au deuxième étage, il s’était installé avec ma mère. En juillet 1943, ma mère était enceinte et eut la force de s’extraire de la ville en feu, sauvant ma vie.
La guerre tua mon père et ruina ma famille paternelle qui détestait les nazis.
Maman, sans un sous, rentra en Belgique où elle avait vécu avant son mariage, me plaça dans un logis d’accueil, comme je l’ai écrit au début de mon récit, avant de me récupérer, sans vouloir jamais plus fréquenter les survivants de la famille allemande. Elle a toujours gardé le silence sur cette période où elle s’était séparée de moi et fut obligée de gagner sa vie.
– Vous pensez à quoi ? » dit l’Ambassadeur. « Vous rêvez, vous êtes triste ? »
– Monsieur, dis-je, je suis encore sous le coup du décès en juillet de ma mère en Hollande. Je n’ai jamais connu mon père mort en 1943 sous les bombes à Hambourg. Je n’ai plus aucune famille. Ni du côté maternel ni du côté de mon père. Je suis orphelin. Seul, seul, seul. Cela me fait peur. La rentrée des classes a lieu au Collège St Michel dans quelques jours. Que vais-je devenir ? Je voudrais vous parler plus longuement de mon avenir quand vous aurez un peu de temps à me consacrer. »
–Très cher Daniel, je m’occupe de vous, faites-moi confiance. Je suis en pourparlers avec le Notaire Jean Leblanc, un ami, qui va régler la succession de votre mère et vous permettre de quitter l’appartement de Schaerbeek pour vous installer à l’Ambassade durant vos années d’études à Saint-Michel. Vous êtes accueilli par ma famille, vous êtes l’ami de Yagi qui m’a encouragé à vous recevoir chez nous. Consacrez-vous d’abord à vos études. C’est l’essentiel.
Le Notaire ou moi, nous serons désignés par le Juge comme votre tuteur pour tout officialiser. Le Bourgmestre de Woluwe St Pierre a donné son accord aussi de vous domicilier à l’Ambassade. »
Il ajouta : « Ne trouvez-vous pas que le séjour de Yagi en Inde chez mon beau-père fut trop long ? Vous ne vous êtes pas beaucoup amusé ces derniers jours en attendant Yagi. Je suis désolé, je n’ai pas eu le temps de m’occuper de vous distraire. Mais le conflit Inde-Pakistan au sujet des frontières risque de s’aggraver et je suis content que Yagi soit rentré à temps avant qu’une guerre n’éclate. Tout est possible. »
Je me taisais.
Il continua : « Figurez-vous que mon beau-père voudrait léguer son palais à mon fils ! Mais Yagi est beaucoup trop jeune pour se charger de responsabilités de maharadjah même si cette caste a perdu, hélas, beaucoup de ses pouvoirs dans les provinces qu’ils dirigeaient. Ils sont devenus des conseillers intermédiaires entre le gouvernement et les populations. C’est ingrat… »
Il se tut.
Je regardais avec attention son visage, ses yeux et son sourire d’homme bon, doux intelligent, et qui aimait rire.
Il se leva après avoir essuyé sa bouche moustachue avec la petite serviette que lui tendait la domestique en sari vert, et dit : « A ce soir Daniel, ne vous tracassez pas pour votre avenir. »
« Vous avez tout ce qu’il vous faut ? » L’Ambassadrice entrait dans la salle à manger suivie de Yagi. Cette fois, elle ne me parla qu’en anglais : « Mon mari est parti pour d’importantes discussions à l’Ambassade du Pakistan. Il reviendra ce soir. Avec l’accord de Yagi, après le petit déjeuner, le chauffeur vous conduira tous les deux à Knokke-le-Zoute pour profiter de la douceur de cette fin août, et vous pourrez vous baigner tous les deux dans la mer. Ma seule exigence, et je le dirai au chauffeur, vous devez être rentrés à Bruxelles au plus tard à 20 heures. J’ai fait préparer pour vous, Daniel, une petite valise avec une serviette, un slip de bain et un pull-over afin de ne pas vous refroidir après la baignade. Il y a des cabines sur la plage. Yagi en louera une pour votre après-midi. Vous pourrez déjeuner vers 13 heures face à la mer dans un des nombreux petits restaurants sur la digue. Yagi a reçu de l’argent.
J’espère que vous vous amuserez bien tous les deux. Il ne faudra pas vous occuper du chauffeur qui est responsable de la Rolls et vous reprendra à un point de rassemblement et à l’heure que vous fixerez avec lui avant de vous éloigner de la Rolls. C’est bien compris ? Daniel, Yagi je vous fais confiance. Ne me donnez pas de mauvaises émotions. »
Et ils s’installèrent autour de la table à nappe rose pour manger les croissants et les confitures servis par la jeune domestique en sari vert.
(A suivre)
Henri de Meeûs
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