Cela fera dix mois que le virus Corona, dit aussi Covid-19, a contaminé la Terre. Aucun endroit n’est préservé. 16.000 morts depuis mars 2020 rien que pour notre petit pays, champion des contaminés par cent mille habitants.
Le chiffre des morts augmente chaque jour dans le monde entier, et l’Europe annonce une troisième vague après la Noël.
Les efforts de discipline populaire exigés en Novembre, les fermetures de magasins non essentiels, celles de tous les restaurants, bars et cafés, des salles de sport, des théâtres et cinémas, des espaces culturels, ont fait baisser durant deux ou trois semaines les courbes graphiques, achevant de ruiner beaucoup de commerçants, d’indépendants, d’artistes.
Les coiffeurs qui gagnent déjà difficilement leur vie, sont interdits d’activité en permanence.
Aussitôt que les autorités dé-confinent pour donner un peu d’oxygène à l’économie, une hausse des contaminations suit, de plus en plus rapide, qui oblige à reconfiner de toute urgence. On resserre toujours plus d’autres boulons, on alarme les citoyens sur l’état des hôpitaux qui sont à nouveau surchargés, avec un personnel toujours plus épuisé. Beaucoup d’opérations chirurgicales sont reportées, faute de lits disponibles tous occupés par les Covid-19 ; les malades classiques retardent leurs demandes de diagnostic, on attend le vaccin qui nous sauvera, qui va venir, qui viendra.
Après les nombreux ratés de l’épisode masques, de l’épisode respirateurs, de l’épisode testing, on espère que ces vaccins créés en à peine une année nous sauveront. Ils nous sont présentés dans des caissons hermétiques soumis à une température nécessaire de – 80°.
Les politiques belges exigent que les patients aient l’accord préalable d’un médecin avant de recevoir le vaccin.
Pour le premier vaccin Pfizer, il faudra deux inoculations séparées l’une de l’autre de 20 jours. On espère qu’il y aura encore assez de vaccins pour la deuxième prise et que cette fois l’organisation sera efficace.
On raconte que 40% de la population est méfiante. « Passez d’abord, après vous, je vous en prie, je veux voir si cela fonctionne. »
Ce sont les vieillards des maisons de repos qui seront les premiers servis, car le vaccin ne sera pas obligatoire. Et s’ils refusent ? S’ils meurent du vaccin, ce seront des dégâts collatéraux.
On dit : « Chaque génération a connu une guerre. La nôtre c’est contre l’armée invisible des virus, moins cruelle que la bataille de Verdun (février à décembre 1916) ou Omaha Beach en Normandie (6 juin 1944) ». Exact. Pour ceux qui y réchappent. Mais la mort reste la mort quelle que soit la forme de l’attaque.
Le virus accentue les éloignements, rapetisse les contacts aux communications téléphoniques, enlaidit les rares dialogues « présentiels » avec les masques de zombies qu’on voit partout, même à la télévision, rendant la diction des journalistes et autres animateurs, peu audible, assourdie, déformée.
Il faut être reconnaissant à ceux qui n’oublient pas les vieillards, qui font leurs courses, qui leur téléphonent sans vouloir tâter leur pouls.
Beaucoup de magasins ont compris que pour survivre, il doivent avoir un service livraison apportant à domicile repas, livres, vêtements, etc. commandés par mails ou par téléphone, et payés très vite aussi.
Un jeune ménage : le mari est traiteur, cuisine dès 3 heures du matin, et son épouse vient livrer en auto avec une petite remorque, chaque jour, à la clientèle entre 10 heures et midi les commandes cuisinées par l’époux. Un potage, un plat, un dessert. C’est bon. C’est le menu du jour, identique pour chacun. Et il faut faire moins d’achats dans les magasins. Et c’est pas trop cher.
Y a-t-il de la gentillesse entre tous ces humains masqués ? A les voir s’écarter vivement des passants qui les frôlent de trop près, j’en doute. C’est du chacun pour soi et personne n’aime personne. Sauf dans les cliniques et hôpitaux où des hommes et des femmes s’épuisent à garder en vie les victimes du Covid.
Une troisième vague ? Et pourquoi pas dans x temps, une quinzième vague plus meurtrière, si le vaccin rate la cible, ou protège insuffisamment, ou si faute d’être obligatoire, il ne stoppe pas les contaminations.
Le spectacle des écoles à moitié ouvertes, puis fermées, puis réouvertes, est affligeant, tant pour les élèves de tout âge, privés des bases les plus essentielles de leurs études, que pour les parents incapables d’intervenir, rongés par leurs soucis, et pour le corps professoral et leur direction, soumis aux ordres des ministères et à des stop and go perpétuels, courageux et dépressifs, démissionnaires ou malades chroniques.
On découvre maintenant que les petits enfants peuvent être tout aussi contaminants que les adolescents et les adultes. Ce virus est complexe, disent les virologues, infectiologues, et autres épidémiologistes, qui n’ont pas réponse à tout.
Le clergé catholique se soumet aux prescriptions sanitaires : 15 personnes pas plus à la messe, même si l’église est immense. Les fidèles prendront l’habitude de ne plus s’y rendre. Il y a déjà si peu de monde en temps normal. Les laïcs anti-religieux remportent une victoire facile avec ce virus, les jeunes générations étant de plus en plus indifférentes à l’égard de l’Eglise, de sa morale, de sa discipline. Ce sont les personnes âgées qui ne reviendront plus. Travail réussi du démon.
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Voici les mesures relatives au culte : Depuis le 2 novembre, plus aucune cérémonie religieuse ne peut avoir lieu à travers tout le pays, à l'exception des funérailles, avec maximum 15 personnes, et de l'enregistrement et la diffusion d'une messe par Internet, avec la seule présence des personnes nécessaires d'un point de vue technique.
Pour les mariages, seuls les conjoints, leurs enfants jusqu’à l’âge de 12 ans accomplis, leurs témoins et l’officier de l’état civil ou le ministre du culte peuvent assister à la cérémonie. Un maximum de 15 personnes, les enfants jusqu’à l’âge de 12 ans accomplis non-compris, peut assister aux enterrements et aux crémations, sans possibilité d’exposition du corps.
Les lieux de culte restent ouverts, avec des groupements de maximum 4 personnes avec port du masque. Aucun service religieux n’est permis.
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Grande panique le 18 décembre 2020 : un virus mutant du Corona a envahi à toute vitesse le sud-est de l’Angleterre et la ville de Londres. Il serait soixante fois plus contagieux que le covid-19 classique. Du coup, les frontières avec l’Angleterre sont fermées par la France, la Belgique, la Hollande, le Danemark, l’Allemagne. Des milliers de Français, qui souhaitaient fêter la Noël en France, sont immobilisés en Angleterre. On ajoute du drame au drame, plaisir médiatique. Ils disent : c’est plus contagieux, mais ce mutant serait moins dangereux, on se rassure comme on peut mais on ne se fie à personne. On vient de le signaler en France, à Tours. Il court, il court le furet du Bois-Joli ….
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Qui a vu l’horrible crèche installée sur la Place St Pierre à Rome ? Le haut clergé vaticanesque a perdu la tête, en tolérant ce blasphème « artistique » qui se moque de la naissance du Christ.
Selon la presse : Une crèche de Noël et son sapin haut de 28 mètres ont été inaugurés vendredi 11 décembre à Rome sur la place Saint-Pierre. Une crèche bien trop excentrique, s'indignent certains fidèles. L’installation de "santons cylindriques" a provoqué la colère de certains internautes sur les réseaux sociaux. Ils voient dans ce projet inspiré de l’art contemporain une véritable "honte". D’autres espèrent même qu'il s'agisse d'un "canular". Qui proteste ? Personne … et silence du Pape.
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Lettre d’un ami ermite reçue pour la Noël de 2020 :
Cher ami,
Une chose importante, je suis persuadé que Dieu n’attend pas de l’homme qu’il corresponde à une religion, quelle qu’elle soit. Une religion est une manière de correspondre à une croyance collective établie au moyen d’un cahier de charges. Jésus est venu démontrer que l’homme ne peut correspondre à un cahier de charges, que chacun de ses enfant a une nature unique, individuelle, mystérieuse et elle ne peut correspondre à des règles préétablies. La religion qui est, au départ, une institution servant de base de référence pour établir les règles de civisme d’une société, n’est pas du tout ce que Dieu attend. Cela, les hommes l’ont déjà bien adopté.
Au contraire, Jésus est venu s’opposer au fanatisme du règlement. En cela, il s’oppose à l’uniformisation de l’être humain, qui oppresse sa nature individuelle. Jésus démonte le pharisianisme et tout autre obsession de l’ordre sur base de règles uniformisantes. Il en appelle à un regard neuf comme celui d’un enfant qui ignore les lois et qui découvre chaque situation comme nouvelle, comme un enfant qui découvre le monde.
Le regard religieux est un regard qui exige une uniformisation du groupe, Jésus ne veut plus de cette attitude téléphonée, il ne veut pas de fonctionnaires rigides. Il vient demander au gens d’oublier ce qu’on leur a appris pour laisser toute la place à la spontanéité du regard de l’enfant qui découvre le monde au fur et à mesure. C’est la nouveauté de toute situation qui prime sur toute règle préétablie.
Il vient accomplir la finalité de toute l’histoire humaine : être capable de regarder avec le regard neuf de l’amour. De plus, Jésus ne se fâche que dans la maison de son Père, là où règne l’institution religieuse avec des hypocrites, des bandits, une engeance de vipères, etc. Il ne se met en colère nulle part ailleurs que dans le monde dit “religieux”. C’est aussi par les institutions religieuses qu’il est condamné à mort. Par contre, il pose un regard tendre sur les gens qui ne sont pas téléguidés par des règlements. Il regarde chaque personne comme une personnalité unique qui ne peut, en aucun cas, correspondre à un cahier d’uniformisation. Il considère les religieux comme des gens qui ne peuvent être sincères, vu leur choix de vie. Dès lors, je ne vois vraiment pas comment on peut encore, de nos jours, parler de religion avec le Christ. Lui qui a osé pointer du doigt toute l’institution religieuse, au prix de terribles souffrances et de sa vie, on ose encore dire qu’il est venu pour établir une religion. C’est un scandale et de
la récupération par escamotage !
Il n’est pas venu refaire ce qui existe déjà et il ne reconnaît pas les religieux de son temps comme ses véritables disciples, mais bien comme ses véritables ennemis ! Devrait-il changer d’attitude aujourd’hui. Vous connaissez la réponse.
Le Dieu de Jésus n’attend pas du tout que ses disciples entrent en religion, il est bien clair sur le sujet, il ne veut plus d’attitude préformée, appuyée sur un règlement, il attend tout autre chose : la foi intime, spontanée, non-structurée, improvisée dans la confiance, c’est tout.
Le mot religion est accolé à Dieu par les médias, parce que la société n’accepte que ce qu’elle reconnaît. En parlant de religion dès qu’on parle de Dieu, on récupère la foi pour l’intégrer aux lois de la société. Jésus est parfaitement non-instituable. Dieu est parfaitement non-instituable.
L’amalgame de Jésus dans une institution, une religion, résout (neutralise, affadit) la nuance dangereuse de la marginalité de Jésus.
En récupérant les disciples de la foi en Jésus et en les regroupant dans une religion, on les met au pas de la société, et le tour est joué! Et dès qu’on parle de Dieu, il n’y a plus qu’à s’adresser à ses représentants officiels reconnus par la société des hommes.
On se fiche de qui ? On met Dieu dans le bac religions, on pose une étiquette par religion, et le tour est joué, rien ne va plus. Dieu est classé, contenu, Lui l’Infini.
Dieu = les différentes religions comme dans un magasin où on peut choisir ce qui est proposé. Dieu, c’est dans les religions, là-bas, deuxième bac à gauche ! Et quand on parle de Dieu, on convoque les différents représentants des différentes religions !
C’est téléphoné, emballé, étiqueté, et cela convient à l’ensemble des intellectuels, des spécialistes, qui adorent correspondre à ce type de classement bien clair et établi. On se fiche de qui ? Pauvre Jésus qui, justement, ne veut plus de religion, mais vient mettre en valeur la foi spontanée et jamais forcée. Une foi intime, individuelle, qui met en valeur les particularités spécifiques de chaque être humain comme un aspect très précieux pour celui qui les a créés. La foi d’un enfant plutôt que la religion des adultes.
Ne pas écraser les gens en les uniformisant est le message de Jésus. C’est bien évidemment, un message qui devait être, au plus vite, récupéré et dissous par l’amalgame Dieu = religion !
Bien joué, le Christ a été placé dans une boîte avec, sur elle, l’étiquette: religion. Cette entourloupe permet, entre autres, de comparer la “religion” du Christ (qui n’en veut pas!) et les autres religions, comme on compare Citroën avec Peugeot, comme on compare tout dans un monde où le “moutonisme” fait foi.
La société ne veut pas de gens qui redeviennent comme des enfants au comportement imprévisible, il faut se comporter en adulte et le montrer, il n’y a qu’a choisir parmi ce que les institutions proposent, et rester dans ce cadre. On a bien résolu ce problème depuis longtemps, “Dieu = religion et ses représentants”, et “Jésus = une religion parmi les autres ! » Merci aux camoufleurs, aux escamoteurs, pour cette très adroite entourloupe que personne ne dénonce jamais, tant les penseurs, les nombreux intellectuels, spécialistes, théologiens, exégètes ont succombé à l’uniformisation de leur propre pensée. A croire que cette corruption du langage et de la pensée, finalement, arrange bien les “affaires” de chacun d’eux, c’est tellement plus facile comme cela ! Car ce qui échappe à leur classement et à leurs lois, fait peur et dérange. Ils ont même corrompu la manière de penser et de parler de Dieu dans le monde entier ! Ils ont UNIFORMISÉ la manière de parler de Dieu. Mais Dieu ne se laissera pas mettre en boîte !
Bien à toi,
A.
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PROTESTATION
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(Avertissement : PROTESTATION est un récit imaginaire d’Henri de Meeûs, publié dans les Carnets de ce site littéraire, soit : 1ère partie : Carnets janvier 2020 ; 2ème partie : Carnets février 2020 ; 3ème partie : Carnets mars 2020 ; 4ème partie : Carnet juin 2020 ; 5ème partie : Carnets juillet 2020 ; 6ème partie : Carnets Août 2020 ; 7ème partie : Carnets septembre 2020 ; 8ème partie : Carnets octobre 2020 ; 9ème partie : Carnets novembre 2020.)
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A vingt heures, Yagi n’était pas encore rentré, et l’Ambassadrice malgré trois appels téléphoniques à la clinique du Zoute, ne recevait aucune information, sauf, « Patientez Madame, le médecin est très occupé, il vous appellera. »
Violet Westwood avait décidé que nous logerions chez elle car Yagi sortirait de l’institut médical peut-être cette nuit.
L’Ambassadrice dit qu’elle ne supportait plus d’attendre, qu’elle verrait le médecin, ou toute personne au courant de l’état de santé de son fils. Elle était fâchée d’être traitée avec désinvolture, et son émotion grandissait avec le silence qui se prolongeait.
L’Ambassadrice nerveuse, crispait ses doigts sur un mouchoir rose. Elle avait rempli un verre d’eau gazeuse et buvait fréquemment, se levant, s’asseyant, se relevant du canapé, ou marchant sur les tapis du salon, pour finalement se rasseoir en soupirant. Elle avait téléphoné quelques minutes à l’Ambassade de l’Inde, expliqué la situation à son mari qui lui conseillait de loger la nuit chez Violet.
Elle alluma les phares de la Rolls dont elle claqua la portière, et démarra. Elle avait refusé que je l’accompagne. « Non, Daniel, vous avez été choqué, cela suffit, attendez le retour de mon fils, j’espère que je pourrai le récupérer. N’hésitez pas à vous mettre au lit comme le propose Violet, et reposez-vous. »
Celle-ci me conduisit à une chambre au premier étage. Une servante ordonnait le large lit recouvert de couvertures jaunes et d’un drap blanc éclatant. « Vous avez à côté le cabinet de toilettes pour vous rafraîchir » dit Violet.. Elle sortit d’une armoire un pyjama bleu à lignes rouges. « C’est celui que je prête à mon neveu quand il passe quelques jours au Zoute. Il est amateur de golf et réussit des championnats. » Si vous avez besoin de quelque chose, n’hésitez pas à pousser sur le bouton de la table de nuit. Ma bonne Léa ne quitte pas la maison cette nuit vu toutes les emmerditudes qui nous tombent dessus. Je vous avoue que je suis dépassée, et je vous assure de toute mon amitié après ce que vous avez vécu cet après-midi avec Yagi couvert de sang. Cette attaque est ahurissante. Heureusement que vous avez échappé à temps. »
Et là-dessus, elle quitta la pièce. Je me fis couler un bain . Rien de tel pour me détendre.
Je me réveillai en sursaut, on frappait fort à la porte, il était dix heures sur le cadran du réveil phosphorescent, la nuit était sombre, je tâtai le cliquet de la lampe de chevet. Le temps de crier qui est là, c’est Violet qui entrait, criant Yagi est revenu, il est en bas avec sa mère, descendez vite, ils vous attendent. Elle me tendit un long peignoir et je la suivis, descendant un escalier de bois clair avec aux murs des tableaux de paysages écossais.
L’Ambassadrice s’était versé un whisky, et debout, regardait son fils, allongé sur le grand canapé du salon, Yagi son chéri, revêtu d’un polo bien propre et d’un pantalon de toile, qui remplaçaient les vêtements souillés de l’après-midi, mais hélas trois fois hélas pour son cœur de mère, son Yagi unique très aimé, avait le bras « en écharpe » collé au torse et emballé d’un épais pansement.
« Il a eu l’épaule déchirée par un couteau ou un poignard », dit la mère. « L’os ne fut pas atteint. Mais il a beaucoup saigné. Un chirurgien du Zoute a désinfecté et recousu la plaie. Il ne peut pas bouger le bras. Son pansement sera enlevé à Bruxelles, et on verra s’il faut encore des soins. C’est très malheureux pour sa rentrée des classes dans deux jours au Collège Saint Michel. Tout ira bien, j’espère, n’est-ce pas mon chéri ? »
Yagi gardait les yeux fermés, son visage était pâle, je crus qu’il allait pleurer. Je m’approchai de lui, et d’un geste rapide, sans réfléchir, je lui posai un baiser sur la joue. Je dis : « Je suis content que tu sois revenu. J’ai eu très peur quand tu es sorti couvert de sang de cet estaminet. » Il sourit. Comme le soleil chasse les lourds nuages. Eclair de vie dans la nuit.
« J’ai apprécié la vitesse de ta course pour me suivre et échapper à cette horreur. Merci Daniel, tu m’as aidé, c’est certain ».
Ce fut le tour de l’Ambassadrice et de Violet de me serrer contre elles.
Tout à coup, les pelouses de la villa Westwood s’éclairèrent des phares d’une voiture de police, une Volvo blanche. Des portières claquent. Deux agents débarquent et sans sonner entrent dans le hall où l’Ambassadrice venait à leur rencontre.
– Avez-vous des nouvelles ? dit-elle.
– Oui mais pas celles que nous espérions. On ignore par qui votre fils fut agressé. Dans le café, le personnel prétend qu’il n’y a eu aucune bagarre, que votre fils est sorti brusquement en criant. La jeune serveuse a déclaré qu’elle l’avait à peine observé après qu’il eût payé les consommations. Il s’est rendu ensuite au lavatory, pour en sortir comme le diable d’une boîte, son polo couvert de sang, et fuir l’établissement. Le personnel certifie qu’il n’y avait personne dans les toilettes. Ils l’ont vu déguerpir avec son ami tous les deux à vélo, sans demander de secours, pour regagner votre villa.
– Celle de Miss Westwood, précisa l’Ambassadrice.
– Je suis obligé de prendre la déposition de votre fils. Il peut rester allongé sur la divan. Je vous demande seulement de quitter le salon.
Nous nous exécutâmes. Mon ami avait fermé les yeux. Qu’allait raconter Yagi ? Je n’étais pas dans l’estaminet lors de l’attaque. Ces Hollandais disaient-ils la vérité ? Protégeaient-ils quelqu’un ? Ce n’est pas Yagi qui s’était tailladé l’épaule. Sa mère ne disait rien mais semblait douter de la version recueillie par la police.
– Curieuse histoire, Daniel, ne trouvez-vous pas. Yagi sur le chemin du retour ne vous a donc rien dit pour expliquer ce qui était arrivé ? dit Violet.
– Non, il était terrifié, et nous avons pédalé le plus vite possible pour qu’il puisse être soigné. Il a crié à plusieurs reprises : « C’est horrible, horrible ».
– Attendons sa déclaration à la police, ajouta l’Ambassadrice. Mon fils n’est pas un menteur. Si vous n’aviez pas placé le garrot, chère Violet, il serait peut-être mort. Il a perdu beaucoup de sang, selon l’urgentiste. Mais les médecins n’ont pas donné plus de détails.
Un quart d’heure passa. Nous ne disions presque rien, attendant le retour des policiers afin de savoir enfin ce que dirait Yagi.
Et quand ils ouvrirent la porte de la salle à manger, nous vîmes que Yagi n’avait pas quitté le canapé, toujours allongé de tout son long. Les policiers debout nous regardèrent en silence, prenant un peu de temps pour nous observer, puis le plus âgé, un moustachu à chemise bleue, cravaté, et les cheveux coupés en brosse, nous dit : « C’est toujours aussi mystérieux. Votre fils ne nous a dit que quelques mots. Nous avons pensé qu’il allait s’évanouir. Il est encore sous le choc. C’est un fragile, votre fils, madame. Il nous a dit une seule phrase : « J’ai été attaqué dans les sanitaires de cet estaminet par un monstre armé d’une longue griffe ou d’un poignard. Je me suis débattu et j’ai fui ». Votre fils n’a pas voulu parler davantage. Il frissonne encore. Nous allons le laisser tranquille. Il faut qu’il se repose. Nous enquêterons demain dans ce café hollandais. Il y a peut-être des traces de sang, si elles n’ont pas été effacées. Au revoir, Mesdames, au revoir jeune homme, soyez prudent. »
Et la Volvo repartit dans la nuit silencieusement.
Je regardais le ciel d’un bleu noir qui se répandait au-dessus de la mer. Les mouettes avaient disparu. Une pleine lune éclairait les dunes. Un peu de vent frais glissait sur la terrasse. J’entendais le bruit des vagues. Que s’était-l passé ?
– Les deux garçons dormiront dans la même chambre, annonça Violet, afin que Yagi puisse avoir de l’aide s’il se sent mal. Daniel viendra nous avertir si nécessaire, n’est-ce pas, cher Daniel ? Ma chambre est en face de la vôtre.
Nous installâmes Yagi dans l’autre lit de ma chambre. Il fut revêtu d’un autre pyjama du neveu de Violet. On lui servit de l’eau de Spa reine pour rafraîchir sa bouche sèche. Il était décidé de ne plus parler. Nous n’insistâmes pas.
Je me couchai dans le lit jumeau. L’Ambassadrice éteignit les lampes. J’entendis bientôt que mon ami dormait et je ne tarderai pas à l’imiter tandis que, dans le corridor à l’étage où nous dormions, la lumière était encore allumée. J’entendais un vague murmure de la conversation des deux femmes qui descendaient lentement l’escalier vers le salon. Pauvres amies ! Je les plaignais. Je me plaignais aussi, ne comprenant rien de ce qu’il s’était passé.
(à suivre)
Henri de Meeûs