Nous avons le plaisir de vous annoncer la parution, de Pitou et autres récits, de Henri de Meeûs.
L’auteur, dont c’est le premier ouvrage littéraire, nous offre 15 récits dont on ne peut pas décrocher ; 640 pages addictives et surprenantes où l’on croise le familier et l’étrange, la Belgique en francs belges et des récits fantastiques, sans oublier les traditionnels mariages et autres meurtres en famille…
L’ouvrage est disponible, tant en Belgique qu’en France, dans la plupart des librairies, ainsi que sur les sites de vente en ligne.
◇ Editeur : Marque Belge
◇ Auteur : Henri de Meeûs
◇ Date de parution : 14 septembre 2017
◇ Format : 10x23
◇ Tarif : 25 eur
Diffusion : le 22 septembre 2017
Revoir l'émission :
bx1.be/emission/lcr-henri-de-meeus/
Sur la RTBF, 1ère, ce 24 décembre 2017, Eddy Caekelberghs reçoit Henri de Meeûs
pour son livre PITOU et autres récits
Diffusion : le 29 novembre 2017 à 7h30
Ecouter la rubrique :
www.rtbf.be/auvio/detail_l-info-culturelle-7h30?id=2283122&t=187
Pitou et autres récits de Henri de Meeûs lu par Nicole Debarre.
CDD radios chrétiennes francophones : C’est du Belge ! présenté par Fabienne Castagne
Découvertes de 4 livres belges :
1- L’enclos des fusillés, de Line Alexandre, éd Weyrich : une enquête à Liège !
2- Pitou, de Henri de Meeûs, éd. Marque belge : voyage dans un univers de « folie », avec ce recueil de 15 récits.
3- Hong Kong Blues, de Alain Berenboom, éd Genèse : une enquête colorée, drôle.
4- Bas les Masques, de Pieter Aspe, éd Albin Michel, plongée en Flandre, du côté de la côte belge.
Note :
L’auditeur doit attendre que la journaliste commence sa critique de Pitou après la chanson sur Bruxelles de Dik Annegarn. (à partir de 8:18)
une lecture de 7 textes d’écrivains belges
par la comédienne Laurence Vielle.
Cher Ami,
Votre formidable Pitou m’a fait penser à ce qu’écrivait un critique anglais du Chaos et la nuit : un livre dont on ne peut mener à bien la lecture sans se servir de solides rasades de brandy. Petites natures s’abstenir. Vous montrez la vie dans sa vérité la plus crue, éradiquant toute forme de romantisme. Quel repos ! Verlaine recommandait de tordre le coup à l’éloquence. Un conseil que vous avez suivi : pas de gras, votre style est à l’os. C’est aussi à l’espérance que vous tordez le cou : à la dernière page, une bête hideuse s’empare du prince Corsini et l’emporte dans les ténèbres. Ce monstre, on sent son ombre planer sur le livre tout entier.
Ce qui fascine dans vos nouvelles, c’est votre art de nous rendre proches de vos personnages. Aucun chichi littéraire ne s’interpose entre eux et nous. Nous sommes Charles Gollot, épié dans son jardin par les mille yeux des espions terrés dans le building qui le surplombe, puis barricadé dans sa cave parmi les rats. Nous sommes mademoiselle Glotz, terrorisée par ses locataires assassins. Nous sommes dans la Rolls du prince Corsini assaillie par des crapauds sanglants.
Si Montherlant avait conféré une dimension fantastique à ses Jeunes Filles, cela aurait pu donner Mariage. L’hippogriffe chez Montherlant est burlesque ; chez vous, il est terrifiant. Il est vrai qu’à la différence de Costals, votre héros, lui, a sauté le pas.
La vie à la séniorie des Mimosas, sous la férule de la tyrannique Rose Letilly, vous la décrivez d’une façon stupéfiante de vérité. On jurerait que vous êtes de vingt ans plus âgé et résidez dans les lieux. Avec quelle habileté vous avez conduit l’intrigue de cette nouvelle ! J’ai cru durant la majeure partie du récit que M. Lambert avait été piégé par Félix et sa grosse Josette, bien décidés à le laisser terminer sa vie dans ce trou. Et quel tour de force d’avoir réussi à nous rendre sympathique ce vieil égoïste. C’est peu dire que son crime final ne nous rebute pas. On se surprend même à l’approuver.
Bravo pour ces fracassants débuts dans la littérature de fiction. Et tant pis si ma réserve de brandy a été mise à mal.
À vous,
Christian Lançon
Envie de nouveauté dans votre bibliothèque? Et si vous optiez pour des bouquins signés de la plume d’un compatriote? Ce mois-ci, lisez local!
Mettez de côté l’ordinateur, les tablettes, Netflix et compagnie (après avoir lu cet article, of course)! Place à la lecture. En plus d’enrichir votre culture et de vous occuper le dimanche, lire vous rendrait plus agréable (si, si, c’est même scientifiquement prouvé!). Et pourquoi ne pas succomber aux charmes de nos plumes locales?
[...]
Les soucis des autres sont tellement reposants. Surtout quand on ne les connaît pas et qu’on les croise dans les pages d’un recueil de nouvelles comme Pitou. Les 15 histoires qui composent cet ouvrage n’ont pourtant pas une tonalité joyeuse. Spécialiste de l’œuvre de Montherlant et criminologue, l’auteur nous dépeint une société gangrenée par la solitude, les angoisses et les frustrations cachées. Riche ou sans le sou, jeune ou ridé, homme ou femme, personne n’y échappe. Malgré tout, le raffinement des descriptions et la vérité des situations procurent un vrai plaisir de lecture. Il faut dire que si Henri de Meeûs a attendu ses 74 ans pour publier sa première œuvre de fiction, il en a profité pour aiguiser sa sensibilité et approfondir son observation du monde. Son écriture classique et élégante restitue avec précision les atmosphères et les nuances psychologiques de ses personnages.
Le côté belge: Un parfum légèrement suranné et vaguement nostalgique flotte dans les pages de ces nouvelles qui, bien qu’intemporelles, nous rappellent un peu la Belgique de nos parents et grands-parents.
Henri de Meeûs, Pitou et autres récits, à la Librairie Filigranes
Henri de Meeûs, Pitou et autres récits, 12 octobre 2017 de 18:30 à 21:00/
Rencontres Librairie Filigranes avenue des Arts, 1000 Bruxelles.
Henri de Meeûs (né en 1943) publie son premier recueil de nouvelles. 15 récits plus ou moins longs qui imposent une atmosphère et une esthétique tout à fait singulières. Docteur en droit, licencié en criminologie, de Meeûs est aussi écrivain ; il est connu en Belgique pour être le spécialiste de Henry de Montherlant (1895-1972) à qui il a consacré un site extrêmement bien documenté (www.montherlant.be) et une monographie en sorte d’hommage, Pour Montherlant(2011), un travail titanesque, à conseiller car il devrait ravir les amateurs de l'écrivain.
Dans ces nouvelles tout aussi savoureuses les unes que les autres, grâce à un style précis et sans ornement artificiel (on pense à Bove, à Dabit, mais aussi à Buzzati pour la minutie des descriptions), Henri de Meeûs, auteur à la fois sceptique, ironique et tragique, dresse un portrait aussi saisissant que terrifiant (souvent par sa banalité) de l’Homme moderne. Il décrit, la plupart du temps, des êtres seuls et installés, qui voient leur vie perturbée par une intrusion (''Pitou'', ''La Rue Verte'', ''Mariage'', ''Les Sœurs Moreels''). Cette dernière, trame de l’intrigue, conduira souvent son personnage dans les décombres. La vision de de Meeûs est très froide, un côté racinien visible dans la manière très clinique et sobre dont sont abordées les tragédies de l’existence ; les hommes semblent fuir toute passion (souvent par déception) au profit d’une vie biologique installée que l’altérité, la présence de l’autre (souvent néfaste) viennent envenimer. Ces ''cauchemars'' (une nouvelle porte logiquement ce titre) nous touchent directement car c’est de nos passions, de nos égoïsmes et de nos mensonges dont il est question ; le narrateur nous les plaque violemment au visage avec le petit rire grinçant d'un observateur lucide et moqueur.
Mais de Meeûs n’est pas que l’auteur du cauchemar intrusif. Dans ''Poupée'', même si c’est encore un cauchemar, ou ''Mariage'' (qui peut en être un aussi !), il explore notre nature, nos malaises devant la réalité, nos défiances face aux évidences, nos méfiances face aux ravages de la modernité. Dans cette nouvelle, un homme est soudain touché par un curieux virus le jour de son mariage. On l’isole, on le soigne, mais dès que sa vie matrimoniale reprend, le virus l’envahit à nouveau ! Toute l’ironie grinçante de l’auteur apparait dans ces pages tragi-comiques. Le lecteur, impressionné par l'impact visuel de ces nouvelles, toutes magnifiquement écrites, pourra se demander où de Meêus va chercher tout cela. Il fait partie de ces stylistes naturels - Montherlant bien sûr, mais aussi Bost, Perret ou Bove - qui ''donnent'' à voir.
Les thèmes s'inscrivent dans une réalité actuelle, souvent triviale mais peu à peu le drame apparait et obscurcit la scène. Une petite fille qui accuse son père, militaire de carrière, d’attouchement. Un neveu qui se travestit et qui est retrouvé assassiné. Un enfant agressé ou malencontreusement accidenté qui perd la parole, une femme qui meurt d’une crise cardiaque suite à la caresse d'un convive, un vieux monsieur placé par son fils dans une maison de retraite, qui s’en libère suite à la mort de ce dernier... Ces nouvelles réalistes au contour toujours bien définis et lisses sombrent dans le cauchemar ordinaire d'existence étriquées et menacées de toute part. La difficulté des rapports humains, la médisance et l’hypocrisie des milieux, l’impossibilité d’aimer, la solitude choisie mais contrainte... des approches certes récurrentes mais qui dressent un panorama assez désespéré d'une condition humaine brossée en 635 pages de pure délicatesse !
En une rentrée littéraire marquée par sa vacuité intellectuelle, Pitou et autres récits s’inscrit dans une lignée tout à fait sérieuse de l’esthétique de la nouvelle. Dans une lignée aussociant Maupassant à Marcel Aymé en passant par Papini, de Meeûs sait nous faire frémir avec intelligence ; le conteur, que l'on imagine ricaner en écrivant ses textes, sait nous faire apprécier ces histoires ; elle touchent directement par la précision de sa connaissance de la nature humaine et ses représentations visuelles fortes. On a du mal à choisir la meilleure nouvelle tant la suivante est tout aussi surprenante ! Un réel plaisir de lecture.
Ce recueil raffiné et soigné nous plonge donc dans les abîmes de l'individu perdu dans ses contradictions et acculé par la société (souvent incarnée par son entourage proche). Il témoigne aussi d’une certaine bourgeoisie belge étriquée, perdue dans un environnement figé où les passions refoulées finissent par tout détruire.
Jean-Laurent Glémin
Juriste et criminologue, spécialiste d’Henry de Montherlant, auquel il a consacré un site internet et un ouvrage, Henri de Meeûs fait cet automne son entrée dans la littérature francophone de Belgique avec un copieux recueil de quinze nouvelles : Pitou et autres récits.
Pour la plupart ancrées dans un quotidien typiquement belge, ces fictions rejoignent une autre tradition nationale en ce qu’elles cultivent la fibre fantastique. Pitou, la nouvelle qui donne son titre au recueil, est emblématique. Le train-train quotidien d’un retraité installé à Coxyde est perturbé par un neveu garçon-coiffeur qui l’appelle au secours après avoir perdu sa mère (sœur du narrateur) et l’emploi qu’il convoitait dans un salon de l’avenue Louise.
Malgré son désir égoïste de préserver sa tranquillité, le narrateur accepte d’engager Pitou comme homme de compagnie, avant de s’apercevoir que celui-ci aime s’habiller en fille. Mais bientôt tout s’emballe : ayant échappé de justesse aux balles d’un tireur embusqué dans un immeuble voisin, Pitou est retrouvé égorgé dans un bunker sur la plage, alors que son oncle devient à son tour la cible du sniper.
En une centaine de pages, l’auteur passe de la chronique prudhommesque d’une vie réglée comme du papier à musique à la dérive d’une intrigue sanglante où la folie s’installe comme un grain de sable dans une mécanique huilée. Mais, le rideau retombé, la sècheresse d’un rapport de police vient bousculer la perspective et dynamiter la vraisemblance initiale.
Qu’elles soient longues (comme de courts romans) ou très brèves, les autres nouvelles cultivent des univers policés, bourgeois ou aristocratiques, ruinés par la folie, le désespoir ou la fatalité, ou des huis-clos à la tonalité absurde, ou encore des histoires de familles hantées de rancœurs tenaces ou de folies larvées… La fortune n’y préserve ni du malheur, ni de la démence…
Dans une langue raffinée, elles multiplient les destins solitaires, les misanthropies, les déceptions, les morts subites, les suicides, les meurtres discrets, en même temps qu’elles instillent le doute chez le lecteur qui se demande quelle part de fantasmes l’auteur a glissé au sein des intrigues.
Ici, c’est un futur marié qu’un dégoût submerge au moment de prononcer le « oui » qui l’engage, entraînant une immonde et mystérieuse maladie (Le mariage). Là, un père de famille désargenté gifle mensuellement son épouse quand elle lui demande des sous pour finir le mois et, du coup, la fille convole avec le fils de petite taille d’une famille aisée (Le petit mari). Là encore, invitée par ses sœurs au réveillon de la Saint-Sylvestre, Perpetua Moreels, sous les effets du vin et des avances d’un des convives, décède d’une embolie, sa fortune revenant momentanément à ses sœurs et à leurs soupirants (Les trois sœurs). Là enfin, l’héritier du duché de San Vincenzo apprend, de son oncle le prince Corsini, le suicide de ses parents. Réfugié chez le prince, il découvre que le fief familial est victime d’influences démoniaques et mortifères qui combattent la Papauté de surprenantes façons (Le prince et son neveu).
Combinant des qualités de style et d’imagination, alternant détails hyperréalistes, éclairs de mesquinerie, folie, héritages et moments d’horreur pure, Pitou et autres récits constitue une heureuse surprise…
René Begon
Mon cher Henri,
J’ai commencé la lecture de ton impressionnant recueil de nouvelles avec curiosité, puis un vif intérêt suivi bientôt par la fascination de cet univers bien belge de vies minuscules, que tu évoques avec la précision d’un entomologiste. On croit à tes souvent tristes héros, on vit leurs « drames ».
Bref, il y a en toi la veine d’un vrai romancier, s’il est vrai qu’un roman digne de ce nom est avant tout un texte qui donne à voir la vie – l’intrigue, le scénario passant finalement au second plan ; les héros des Célibataires de Montherlant, ceux de Proust, ceux de Mauriac n’ont guère besoin d’une histoire à rebondissements pour vivre dans nos mémoires, d’une vie inoubliable.
Mais dans cette veine, ce courant romanesque que j’espère tu exploiteras prochainement, je constate un affluent très différent, que tu n’exploites que deux fois. Curieusement, on n’est plus plongé dans le quotidien d’une petite ou moyenne bourgeoisie belge, mais de manière inattendue, surprenante même, nous voici dans une haute société italienne plus fantasmée que réelle : là, tu abandonnes la loupe parfois cruelle de l’entomologiste pour le clavier des grandes orgues baroques. Ainsi, la longue nouvelle qui clôt le recueil apparaît comme digne des romans « gothiques » anglais de la fin du XVIIIèmesiècle ou des récits hallucinants d’Edgar Allan Poe.
J’aimerais t’entendre un jour m’expliquer cette double postulation, cette inspiration « écartelée » qui me fait songer au mot bien connu de Gide : Les extrêmes se touchent.
Toutes mes félicitations, mon cher Henri, pour ce bel et puissant travail qui suscitera certainement encore bien des commentaires.
Jehan de Meester
Le ricanement d'un neveu,…
Une Buick attendant je ne sais quoi, idiote parquée, grosse vache inutile, alors que le trafic intense et très bruyant se déroulait à côté d’elle, comme si nos n’existions pas…
Et la voix…de cette pauvre folle, pauvre esseulée, jamais admirée. Pauvre vieille bonne femme, laide comme un péché, elle qui n’en a jamais commis, ou de si médiocres.
Telles ces « poupées » qui se révèlent les unes après les autres au fil de notre découverte, toutes ces nouvelles nous surprennent par leur ingéniosité chaque fois renouvelée.
En province, les vieilles filles s’épanouissent ; en ville elles s’étiolent. Perdues dans le bruit, elles se sentent inutiles ; dans une retraite paisible, elles prennent de l’importance.
Pitou
Mariage
La voix
et douze autres récits...
Nous cédons rapidement au plaisir de la lecture de ces quinze nouvelles qui mettent en scène des personnes âgées grincheuses et grinçantes, des aristocrates contemporains et désuets ou encore des érudits.
Tout l’art du revirement.
Capteur de la société, Henri de Meeûs a la plume virevoltante.
Au fil de ses nouvelles, l’oiseau plane sur des textes spontanés, à l’affût du moindre couloir d’air pour changer de cap, nous surprenant par un soudain changement du plan de vol que nous pensions emprunter...
Il dépoussiérera bientôt les lambris des académies tant le souffle de fraîcheur de ses textes enfouira les « écrive-riens » dans l’urne de nos oublis.
Willy Lefevre (Marc Page)
Quinze récits de Henri de Meeûs et l’enfance "unique" de Frédéric Saenen.
La Belgique est décidément le pays de ce qu’Edmond Picard appelait, au début du siècle dernier, "le fantastique réel", autrement dit d’une réalité qui dérape ou s’estompe tantôt dans une rêverie enchantée, tantôt dans une noirceur allant jusqu’au macabre. Sous des incarnations très différentes, ce fantastique est celui de Franz Hellens comme de Michel de Ghelderode, d’Henri Michaux comme de Thomas Owen.
Je me faisais cette réflexion en refermant le recueil de 15 nouvelles publiées sous le titre de la première d’entre elles, "Pitou". Son auteur, Henri de Meeûs, juriste et criminaliste, est surtout connu en littérature par son site www.montherlant.be, consacré à l’auteur de "Service inutile" et consulté l’an dernier par 120 000 visiteurs du monde entier. Son recueil d’aujourd’hui entraîne le lecteur dans un univers où le tragique se mêle d’humour (noir) et où un délire ubuesque conduit à des morts subites.
Faussement réaliste, l’auteur décrit ses personnages avec la méticuleuse précision d’un Magritte ou d’un Balzac. Il plante ses décors avec le souci du détail d’un Balthus ou d’une Agatha Christie. Le récit démarre ensuite de la façon la plus banale, mais voilà soudain qu’il trébuche, se détraque. Et le lecteur de se retrouver soudain devant un cadavre ou dans une clinique psychiatrique.
Que penser de ce jeune marié qui, sitôt prononcé le oui sacramentel, se sent pris d’un malaise qui aboutit à… ? Du cauchemar de ce colonel de l’armée belge à propos de sa fille, élève à la Vierge fidèle à Bruxelles ? De cette vieille dame, qui loue le second étage de sa maison rue Verte, près du Botanique, à un étudiant aux Facultés Saint-Louis ? De ce vieil oncle célibataire qui accueille son neveu devenu orphelin dans sa villa à Coxyde, et découvre qu’il aime s’habiller en femme ? A chaque fois, on se frotte les yeux, en découvrant qu’on a franchi sans s’en rendre compte l’invisible ligne de démarcation entre ce que nous prenons pour le réel et sa soudaine distorsion.
Ceci dit, la Belgique est aussi le pays d’écrivains qui transfigurent le réalisme le plus cru par le regard et l’écriture. Je pense, par exemple, à Constant Malva (1903-1969), qui descendit dans la mine à 15 ans et demi, et à son merveilleux "Le Jambot", qui évoque si bien "les petits bonheurs des corons" (Louis Scutenaire) du Borinage, en dépit de ses tragédies charbonnières.
Frédéric Saenen se rattache à cette veine dans la narration de son enfance dans une rue ouvrière de Grâce-Hollogne. Devenu critique littéraire, romancier, auteur inattendu d’un "Pierre Drieu la Rochelle face à son œuvre" (Infolio), il évoque avec précision, humour et tendresse le monde de son enfance aujourd’hui disparu.
Né en 1973, le petit Frédéric grandit entre Grand-Popa, descendu de son Limbourg natal dans les années 20 pour travailler au charbonnage de La Vieille Montagne, Mamy qui chouchoute son petit-fils, et "Maman", ouvreuse dans un cinéma du quartier des Guillemins à Liège - enfant sans père à qui, lorsqu’il aura onze ans, un enfant de son âge lancera "bâtard" qui se voulait une insulte.
Mais outre la fraîcheur de ses souvenirs, de ses émois aussi à 13 ans devant les chorégraphies scabreuses de Madonna à la télévision, ou de la tentative - poète inattendu de 15 ans - de se dire en mots, son récit est aussi un hymne à sa "Langue première", le wallon de son entourage prolétaire, cimetière aujourd’hui de mots et d’expressions qu’il recueille et détaille avec piété. La même piété avec laquelle il rend un hommage émouvant à sa mère.
"Pitou", Henri de Meeûs, Ed. Marque Belge, 640 pp., env. 25 €. En librairie le 14 septembre. Présentation du livre par l’auteur le 12 octobre chez Filigranes
"L’Enfance unique", Frédéric Saenen, Weyrich Editions, 196 pp., env. 14 €
« Pitou et autres récits est un bijou littéraire. Voici 15 récits dont vous ne pourrez pas abandonner la lecture une fois que vous l’aurez entamée. Vous vous demanderez dans quelle époque ils se situent. Et c’est peut-être là que réside la surprenante nouveauté du style d’Henri de Meeûs.
Vous y croiserez le familier et l’étrange : de vieux Belges grincheux et grinçants, des aristocrates contemporains et désuets, des vilénies palpitantes, de belles âmes érudites, énigmatiques, quelques folles et quelques fous, mais le sont-ils ?
15 NOUVELLES à la fois classiques – par la précision du décor autant que par le réalisme psychologique des personnages – et résolument novatrices dans leur dimension à la fois inquiétante et familière.
La Belgique en francs belges succède à des récits fantastiques, à des extravagances baroques, sans oublier les traditionnels mariages et autres meurtres en famille.
La grâce d’Henri de Meeûs – sa force – tient à ce qu’il a pris son temps pour nous livrer 640 pages inédites. Quel dommage, en effet, que cette merveilleuse littérature belge n’ait pas pu rencontrer plus tôt les lecteurs (et éduquer les auteurs …) Il faut se réjouir de cette leçon d’écriture qui nous parvient enfin ».
(Extrait de la Revue Filiber, n° 24, 65 pages, de la Librairie Filigranes, 39-42 avenue des Arts, 1040 Bruxelles, www.filigranes.be - Lire article sur Pitou et autres récits, pages 24 et 25.)